S
e souvenir afin de ne pas les oublier. Mais à 10 ans à peine, il est difficile d’imaginer que derrière la figure séculaire d’un grand-père se cache la détermination d’un rescapé du camp de Mauthausen ou la résolution d’un résistant. Ce n’est que bien des années plus tard que les choses prennent forme et que leur importance fait alors sens... Aujourd’hui, il est l'heure, pour David Sala, de transmettre à son tour.
Le poids des héros est un album piège car la catharsis n’a pas vocation à devenir collective. Toutefois, David Sala, par sa sincérité et son talent, transfigure l’exercice et le porte à un niveau rarement atteint en bande dessinée. Ce faisant, il parlera probablement plus aux boomers qu’aux générations Y ou Z pour qui la guerre relève de la virtualité, mais s’il est vrai que le temps doit faire son œuvre, il ne doit pas pour autant rendre amnésique !
« Il parait que les gènes ont une mémoire», et l’auteur du Joueur d’échecs semble croire qu’il la porte en lui. Se sentiment étalonne sa vie, ramenant inconsciemment ce qu’il fait à l’aune de ce que ses grands-pères ont vécu ! Dans ce contexte, il est difficile de pleinement exister, si ce n’est dans leur ombre ! Alors, il faut évacuer tout cela et pourquoi ne pas le faire au travers d’une biographie ? Mais, l‘histoire des siens, il la racontera via la sienne, afin d’éviter les écueils de l’Histoire et son cortège de lieux communs. Il replongera dans son enfance, en remontera le cours, la fantasmera, puis, reviendra à la réalité des choses lorsque la vie vous oblige à quitter cette période d’insouciance, à défaut de pouvoir totalement s’en détacher.
Le poids des héros émeut car l'ancien élève de l’école Émile Cohl sait habilement conjuguer les mots et ses couleurs. Ce qu’il ne peut dire, il le dépeint grâce à une grammaire savante de teintes et de textures. Tour à tour vive, flamboyante, violente voire instinctive, aux pastels, à la gouache, aux encres aquarellées, la couleur est omniprésente et porte l’émotion de chaque instant.
Rarement, bande dessinée et peinture se sont si subtilement confondues et de même si David Sala a encore beaucoup de choses à raconter, à dessiner ou à peindre, Le poids des héros marquera probablement, l'homme comme l'artiste, ne serait-ce que par la forme d’aboutissement qui en émane.
Incompréhensible que je n'ai pas découvert cet album merveilleux plus tôt. Un condensé de poésie, brillant et magnifique. Original de bout en bout.
2De mémoire (puisqu'il en est question dans cet album), c'est un des plus beau témoignage que j'ai pu lire, dévorer, regarder, depuis bien longtemps au travers d'une BD, beaucoup d'émotion dans ce magnifique livre d'image ou l'on sent l'implication réelle de son créateur qui en fait un véritable chef d’œuvre. A lire et offrir absolument et bravo à David SALA. Bruno
4/5 Très bon album, qui ne traite pas de la 2nd guerre mondiale, mais de son héritage sur un petit-fils de résistants.
BD introspective, où l'auteur décrit avec brio comment des récits de guerres impliquant ses grands-parents peuvent impacter voire traumatiser un petit enfant.
Les superbes dessins permettent avec onirisme de se mettre à la place d'un enfant et rend compte des années 70.
Enfin, une dernière page qui permet d'amener très intelligemment ce qui lancera David Sala dans la construction de ce récit.
L'enfance de David Sala a été placée sous l'égide de deux figures tutélaires intouchables : ses deux extraordinaires grands-pères, tous deux survivants de guerre, aux parcours aussi dantesques et héroïques l'un que l'autre.
On devine la chance que peut avoir un enfant de grandir juché sur les épaules de ces géants-là, guidé par leur bienveillance et leur courage. Car ils ont eu en plus la sagesse de rester humbles et n'ont jamais tiré la moindre gloire de leurs exploits.
Mais on mesure moins la difficulté que ce même enfant peut ressentir devant la hauteur vertigineuse où ces hommes ont placé leur exemplarité. A côté d'eux, le jeune David ne peut que se sentir minuscule, quoi qu'il fasse de sa vie. En somme, rassuré par leur force mais effrayé par la portée de leur ombre.
Dans la première partie de l'album, David Sala dresse donc leurs portraits tel qu'il s'en rappelle quand il était gamin. Et quels portraits ! Ils prennent vie à travers un graphisme d'une beauté foudroyante. Sa reconstitution des années 70 est visuellement exceptionnelle. Là, les mots ne servent à rien, il faut se plonger dedans.
Puis vient une seconde partie. David a grandi. La narration s'accélère. Il est adulte et parle maintenant de lui au présent. Je me suis alors demandé ce qu'il allait faire de tout ça, de cet héritage si riche qui laisse le souffle coupé et le regard songeur.
Et bien il n'en fait rien de particulier. Pas de leçon, pas d'autofiction, pas de légende personnelle. Son récit est simple et sincère. C'est justement toute la puissance de son travail. Au plus près de lui-même, il nous montre comment il s'est construit tant bien que mal avec ces souvenirs. Les siens propres mais aussi ceux de la mythologie familiale qu'il perpétue, la mémoire hantée par la fatalité, la résilience et la mélancolie. Comme si, jour après jour, une longue maturation avait infléchi le cours de sa vie pour l'amener à créer ce livre, qui prend une valeur d'œuvre testamentaire universelle.
Une façon pour l'auteur de se délivrer du poids de ces héros en le transmettant au lecteur qui lui, s'en sent paradoxalement plus léger. C'est superbe (hormis la couverture, complètement ratée).
Indispensable... déjà parce que l'histoire et les planches sont vraiment géniales.. parce que c'est pleins de nostalgies... parce qu'on s'identifie rapidement à ce petit bonhomme... et que l'auteur en dédicace est d'une gentillesse infinie! Hommage!