D
aniel Defoe, auréolé du succès de Robinson Crusoé, désire désormais s'attaquer au sujet épineux de la piraterie. Il dispose d'un matériau de premier choix : les prisonniers des geôles de Marshalsea, où croupissent de nombreux prisonniers soupçonnés d'être des pirates. En ces temps de justice expéditive, les juges ne font pas dans la dentelle et nombreux sont ceux qui clament leur innocence. Parmi eux, un homme, identifié comme Edward Teach, tristement célèbre sous le nom de Black Beard, jure n'être qu'un pauvre coq.
Depuis des années, Jean-Yves Delitte est passionné par la mer. Il a d'ailleurs reçu le titre de peintre officiel de la Marine belge, et multiplie les projets qui fleurent bon les embruns. Avec ce diptyque, il s'intéresse à l'un des personnages emblématiques du genre : Barbe Noire. Mais il entend s'éloigner au maximum de l'imagerie d'Épinal du corsaire accroché à son gouvernail partant à l'abordage, sabre au clair. En 1721, la roue de la barre n'existait pas encore. Pourtant, il est difficile de s'imaginer un flibustier sans cet accessoire. En fait, la culture populaire a perpétué les anachronismes et inexactitudes. La reconstitution de l'auteur se veut beaucoup plus fidèle à la réalité. Elle ne comporte pas de galions grandioses ou de cabines luxueuses. Les faits sont moins flamboyants et plus austères. Dans les dernières pages, Defoe assume d'ailleurs clairement son désir de retravailler les témoignages récoltés pour leur donner plus de souffle, et envisager d'utiliser un pseudonyme pour gagner en légitimité (ce qu'il fera, son Histoire générale des plus fameux pyrates – A General History of the Pyrates, 1724-1728 est signée d'un capitaine Charles Johnson complètement fictif).
Sans doute le dessinateur entend-il rappeler que, dès le départ, l'histoire de la flibuste fut une légende enjolivée pour faire rêver et trembler. Reste que cette bande dessinée souffre d'un scénario extrêmement convenu et aux ellipses parfois un peu brusques. Et si Delitte excelle dans les scènes navales, s'offrant quelques doubles pages majestueuses, il se révèle par contre beaucoup moins à son aise lorsqu'il s'agit de représenter ses personnages. Les trognes ont tendance à trop se ressembler et la mise en scène manque parfois de dynamisme, comme lors d'une scène d'abordage étrangement statique.
Le résultat paraît donc mitigé. Par son aspect documentaire très soigné, Ma mort est douce intéresse, mais pèche par un scénario trop attendu.
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