À Washington, le 28 juillet 1943, un homme attend dans un couloir d’être reçu par le président Franklin D. Roosevelt. Au même moment, celui-ci confère à son sujet avec ses proches collaborateurs. D’après eux, l’individu ne saurait avoir traversé tout ce qu’il prétend. Pourtant… Quatre années auparavant, en septembre 1939, Jan Kozielewski, vingt-cinq ans, profitait d’une soirée mondaine à Łódź, en Pologne, quand la mobilisation générale est annoncée. Alors qu’il se rend sur le front, son train est bombardé et il est capturé par les Russes. Envoyé dans un camp de travail, il parvient à s’échapper et entre dans la résistance. Devenu Jan Karski, il va s’introduire dans le ghetto de Varsovie, puis dans un camp d’extermination, avec pour mission d’observer avant de transmettre un rapport circonstancié sur les tragédies qui s’y déroulent.
À l’occasion de ses dix ans, Steinkis a entrepris de ressortir plusieurs des albums de sa maison. Parmi ceux-ci, il y a Jan Karski, l’homme qui a découverte l’Holocauste, signé par Marco Rizzo (au scénario) et Lelio Bonaccorso (aux pinceaux). S’appuyant sur le l’ouvrage écrit par le Juste en 1944, -Mon témoignage devant le monde - Histoire d'un État secret (réédité en France en 2004) -, les auteurs narrent donc l’existence du Polonais, depuis son engagement dans l’armée au début de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à son entrevue avec le chef des États-Unis. Divisé en sept chapitres, le récit suit ces années sombres, de combat et de clandestinité, de plongée dans l’horreur de la réalité de la Solution finale. Les ressentis du personnage central et son engagement sont bien restitués, de même que la force de volonté de ceux qu’il a côtoyés. Comme l’explique Marco Rizzo en postface, il a effectué des choix scénaristiques afin de simplifier et rendre plus lisible les nombreuses péripéties des pérégrinations de Jan Karski (1914-2000) durant cette période. Ce parti-pris pourra chagriner les plus puristes, mais permet de ne pas alourdir un propos déjà dense et l’Italien ne manque pas de mentionner une méprise potentielle relevée par les historiens dans les souvenirs de son héros.
Graphiquement, la partition de Lelio Bonaccorso se caractérise par un dessin au trait semi-réaliste et expressif. Le découpage soigné et les cadrages variés assurent une belle dynamique d’ensemble, que ce soit par le biais de larges bandes superposées ou d’un gaufrier plus classique, voire à travers quelques pleines pages. Quant aux couleurs réalisées par six mains, si elles s’avèrent plutôt sombres et dominées par des gris, des noirs et des bruns, elles collent parfaitement à l’ambiance générale de l’époque et de lieux englués dans les ténèbres du régime nazi.
Album s'inscrivant dans le devoir de mémoire, Jan Karski, l'homme qui a découvert l'Holocauste met en lumière l'existence et le parcours d'un homme en quête de vérité. Une réédition bienvenue à (re)découvrir.
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