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n 1939, Étienne avait trois ans, il vivait dans un foyer lambda avec à sa tête « …un père de famille à l’ancienne qui décidait de tout, tout seul… ». Sa mère prend pourtant les choses en mains lorsque les Allemands envahissent la France. Après quelques pérégrinations en zone libre et occupée, elle amène ses deux fils à Chambon sur Lignon, en Haute-Loire. De tradition protestante, les habitants de la bourgade se mobilisent pour accueillir les jeunes juifs. Le garçon y vit des jours heureux.
Matz se veut surtout célèbre pour ses polars, notamment Le Tueur et Tango. Cette fois, il adopte un ton complètement différent en racontant une résistance tranquille, loin des ponts dynamités et des messages codés dissimulés sous un banc d’église. Certes, le climat demeure lourd, mais l’auteur s’attache plutôt à la bonté ordinaire : un mot d’encouragement livré par une inconnue, des paysans téméraires se portant à la défense des gamins ou encore une boniche acceptant de prêter son nom à des gens qu’elle ne connaît pas tant que cela. Le romancier n’est toutefois pas naïf, sans les collabos et les nazis, il n’y a pas d’histoire, ils seront donc les lointains moteurs de la narration.
Le lecteur a un peu l’impression que le scénariste s’est approprié le proverbe : « À quelque chose malheur est bon ». Il rend ainsi hommage à des individus qui, dans l’adversité, ont révélé leur courage et leur sens de la solidarité. Il présente également une femme forte et déterminée, prête à ébranler la dynamique patriarcale lorsqu’elle est convaincue d’avoir raison.
Après avoir collaboré à quelques recueils de bandes dessinées, Kanellos Cob illustre un premier album. Il le fait de jolie façon avec un dessin semi-réaliste de belle qualité ne lésinant pas sur les détails lorsqu’il croque un bourg ou un paysage. Dans ce récit historique, il favorise un trait classique, la plupart de ses vignettes trouveraient du reste facilement place dans un ouvrage publié il y a plusieurs décennies. L’artiste laisse parler ses images ; celles-ci sont d’ailleurs peu nombreuses, rarement plus de quatre ou cinq par planche, invitant par conséquent le bédéphile à prendre son temps. Les larges gouttières l’incitent aussi à s’attarder avant de se pencher sur la case suivante.
Enfin, les couleurs pastel de Kathrine Avram collent très bien au livre auquel elle donne un côté vieillot, tout en traduisant la douceur du propos.
Une chronique profondément humaniste.
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