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lors que Largo Winch se retrouve une fois de plus dans une situation apparemment inextricable, comme à la fin de chaque tome impair, Dargaud semble se souvenir qu'il possède dans son catalogue quelques titres qui pourraient bénéficier par ricochet du succès du milliardaire en baskets. En attendant une éventuelle réédition de Léo Tomasini, voici donc l'intégrale de Des villes et des femmes. Philippe Francq se cherchait encore graphiquement et peinait à se libérer de certaines influences qui parasitaient son style, mais ses fans devraient y trouver leur compte. D'ailleurs, pour bien appâter le chaland, la nouvelle couverture reprend commodément quelques marqueurs familiers. Pourtant, il y a bien peu de points communs entre les deux univers.
Cet album reprend six courts récits écrits par Bob de Groot et édités en deux volumes entre 1987 et 1988. Atypique pour l'époque, le projet aurait pu trouver sa place dans la collection Aire Libre, qui date sensiblement de la même période. En lieu et place d'un héros récurrent, ces histoires qui s'inspirent de la banalité de vie quotidienne ne sont reliées entre elles que par la persistance de deux éléments, comme l'indique le titre générique.
Mis à part dans Helen, très différente des autres dans le ton et le déroulement, le cadre géographique ne dépasse pourtant jamais l'intérêt de la carte postale. Les récits suivants pourraient être transposés dans n'importe quelle ville sans que le scénario en soit chamboulé. Ce sont les personnages qui sont au centre de l'intrigue. Pourtant, les femmes vantées en couverture restent toujours en retrait. Les protagonistes principaux sont toujours des hommes et tous ont un problème avec une épouse, une tante acariâtre, une vieille dame trop envahissante... Elle peut être castratrice, manipulatrice ou hystérique. Et, à chaque fois, le scénario s'achemine vers une conclusion dramatique.
Le lecteur de l'époque pouvait apprécier l'originalité de la démarche, sortant du schéma classique de la série franco-belge. Mais trente années plus tard, il lui est difficile de ne pas s'interroger sur la systématisation des schémas narratifs. Malgré la variété des genres abordés, les effets sont identiques. Les rapports entre genres se révèlent extrêmement stéréotypés et dénotent une vision assez sexiste, qui ne détonnait à l'époque. C'était au temps où les féminicides s'appelaient des crimes passionnels. Prises isolément, il ne s'agit que de simples nouvelles qui ne sont pas désagréables. Les personnages masculins sont également loin d'être eux-mêmes irréprochables. Mais l'effet de répétition met en évidence une "morale" assez discutable. La balance finit toujours par pencher dans le même sens. Il est évident que cette réédition opportuniste d'une œuvre de jeunesse plutôt anecdotique n'est qu'une opération commerciale qui ne voit pas plus loin que de réaliser un succès à bon compte. Elle s'adresse majoritairement à un public de complétistes du dessinateur. Ils y trouveront leur bonheur.
J’ai découvert cette série grâce à l’intégrale récemment parue.
Les 6 histoires courtes proposées sont scénaristiquement inégales (celles sur les Keys et sur Marseille sont très courtes et apportent peu de choses, celles sur New York et Amsterdam sont excellentes et bien construites).
En revanche graphiquement c’est remarquable, les ambiances des villes sont assez dingues. Dés ses débuts Francq était un maître dans l’art de croquer les décors et de transmettre des émotions, des ressentis très forts.
Le récit sur New York est un petit bijou à ce niveau-là, avec une multiplication des cadrages et des angles de vue.
C’est une petite pépite qui mérite d’être découverte pour tous les fans du dessinateur de Largo !