Ne me quitte pas, Amsterdam, Quand on n'a que l'amour, La Valse à mille temps, Ces gens-là, Vesoul, Les Bourgeois, Madeleine, Mathilde… Jacques Brel (1929 – 1978) fait partie des géants de la chanson francophone. Pourtant, mis à part pour quelques anecdotes maintes fois répétées ici et là, sa vie privée demeure méconnue du grand public. Belge et enterré aux Marquises, d’accord, mais le reste ? Salva Rubio et Sagar (le duo derrière le remarqué Miles et Juliette ) ont voulu en savoir plus et proposent une biographie dessinée ambitieuse (trois volumes de prévus) afin de présenter l’homme derrière le chanteur.
Racontée sous la forme d’un monologue-confession, Quand on n’a pas que la musique s’attarde sur l’enfance et la jeunesse (toutes deux rapidement expédiées) et, surtout, sur les débuts de «Jacky», alors qu’il s’était donné douze mois pour percer à Paris. Cette année d’essais et de doutes devait s’avérer particulièrement difficile pour ce provincial ignorant tout des us et coutumes du métier d’artiste. Au moins, il a pu compter sur les encouragements de collègues (et pas des moindres, Brassens, Gréco, etc.), ainsi que sur la confiance de Jacques Canetti, le célèbre producteur qui avait su déceler en lui, bien avant que ceux-ci soient reconnus par le public, tout son talent et son univers poétique unique.
Nombreux retours en arrière, une multitude de personnages, l’album se montre riche et dense. Heureusement, les récitatifs du poète s’accordent pour donner le la et le tempo. Ceux-ci, au lieu d’alourdir la narration, la conduisent et la ponctuent de remarques pertinentes au détour de scènes dialoguées plus conventionnelles. Cette mécanique scénaristique très fine s’avère parfaitement huilée. Résultat, la lecture coule de source malgré la masse d’informations et le portrait qui en ressort est parlant et passionnant à découvrir.
Bien au fait de l’époque et des lieux de l’action, Sagar offre à nouveau une impressionnante plongée dans le Paris des années cinquante et de quelques autres lieux (Belgique, Maghreb). Par contre, contraint par le découpage serré de son scénariste, il se retrouve à plusieurs reprises un peu «coincé» et est obligé de resserrer, voire étouffer, sa mise en page. Rien de vraiment dommageable, l’ensemble reste d’excellence tenue. Cependant, quelques scènes auraient gagné à disposer d’un peu plus d’espace (comme celles lors de la tournée en Algérie, par exemple).
Biopic de qualité tant sur le fond que la forme, Brel – Une vie à mille temps rend un hommage sincère et puissant au grand Jacques. Vivement la suite.
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