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éroport JFK New York, le 14 avril 2013. Frédéric Pierucci, un cadre supérieur d’Alstom, est arrêté par le FBI alors qu’il était sur le point de s’envoler vers Paris. Il est accusé de corruption et immédiatement incarcéré. Choqué et ébranlé, il fait néanmoins confiance à son employeur pour le tirer de ce mauvais pas qui ne le concerne pas vraiment. En effet, les faits qui lui sont reprochés (une histoire de centrale électrique livrée à l’Indonésie) datent d’il y a plus de dix ans et, à l’époque, il n’était qu’un subalterne. Un simple contretemps de quelques jours qui va être réglé par des avocats, c’est certain. Sa détention va durer plus d’une année et son procès s’éterniser bien au-delà. En France, cet incident va provoquer une véritable affaire d’État et se solder par la démission du ministre en charge d’alors.
Dans les années 2000, les USA avaient décidé de serrer la vis contre la corruption généralisée utilisée par les multinationales à travers la planète pour obtenir des contrats juteux. Fort de lois particulières comme le Foreign Corrupt Pratices Act qui autorise à attaquer en justice des entreprises et des individus même si les délits n’ont pas été commis sur le sol américain, le Department of Justice avait déployé sa puissance afin de faire le «ménage» pour plus de transparence (et surtout affaiblir des concurrents commerciaux, cela va sans dire). Le piège américain – les dessous de l’affaire Alstom revient sur ces évènements qui s’étaient soldé par la désastreuse vente quasi-forcée de la division énergie d’Alstom à son rival General Electric. Et quid de Fédéric Pierucci ? Finalement, juste un pion perdu dans une partie d’échec géopolitique et économique aussi improbable qu’implacable.
BD-docu ultra-classique basée sur le travail de la cellule d’investigation de Radio-France, l’album suit la méticuleuse enquête menée par Mathieu Aron et son équipe. Point positif, si le résultat est carré, il reste fluide malgré la complexité du dossier. Aux pinceaux, Hervé Duphot met en image le calvaire de Pierucci d’une manière efficace et sans chichi. Sa mise en scène variée arrive même, par moments, à faire oublier le côté purement informatif de la narration. Si l’ouvrage ne se dépare jamais d’une rigueur journalistique pure et dure, ces minuscules écarts permettent à une petite atmosphère de thriller ou de série télé de se faire sentir. Ce n’est pas grand-chose, mais la lecture en bénéficie assurément.
Les récits du réel – dessinés ou pas - sont à la mode, Le piège américain présente un épisode de la rivalité entre puissances et lève un peu le voile sur les manigances peu reluisantes qui se cachent derrière les prétendues réussites industrielles d’ici et d’ailleurs.
Indispensable et implacable pour éclairer le mondes des affaires actuel, les américains ne sont pas les gendarmes du monde mais des mafieux prêt à tout