I
l fait nuit noire. Une femme parcourt à cheval la lande désolée jusqu'à un cairn où l'attendent trois individus à l'allure peu engageante. De l'or contre la mort, une bourse remplie passe d'une paume déterminée à d'autres, avides ; l'affaire est conclue. Gruoch vient de commanditer l'assassinat de Cuilèn, ami et main du roi.
Suite et fin du diptyque avec Le livre des fantômes. Globalement fidèle à l'œuvre d'origine tout en se permettant quelques initiatives personnelles, aussi bien avec l’enchaînement des événements qu'avec le texte de Shakespeare, Thomas Day apporte ici comme modification majeure le fait d'accorder à Lady MacBeth le rôle principal, héroïne terrible, cruelle et prête à tout pour arriver à ses fins. Ce personnage ambigu occupe ici un emploi plus prépondérant que dans la pièce. Loin de se limiter à conseiller son mari, elle prend directement les choses en mains et participe activement à l'ascension du couple. Ce choix scénaristique implique donc de limiter quelque peu l'implication de son homme, celui-ci endossant le statut de victime consentante des agissements de son épouse et non plus seulement de traître. Néanmoins, l'adaptation proposée ici est tout à fait convaincante et le résultat saisissant, faisant bien ressortir toute la dimension tragique du sombre récit aux âmes tourmentées.
La puissance des mots est impeccablement retranscrite en images ; Guillaume Sorel offre notamment de superbes représentations de paysages : lande, châteaux, cercle de pierre, le tout sous des cieux changeants aux tons de rouge, de bleu ou d'orangé. L'artiste joue avec les contrastes de ses couleurs, ce qui donne un rendu vraiment remarquable. Les scènes de combat et de banquet sont également très réussies et permettent, grâce à l'abondance de détails de s'immerger dans l'ambiance envoûtante et violente.
Si les puristes crieront «haro sur le beau Day» par les libertés ouvertement prises, cette version fascinante reste brillamment revisitée par Gillaume Sorel qui offre un second souffle au classique universel d'un grand auteur anglais. Une épopée flamboyante à redécouvrir sous un nouvel angle, parfaitement maîtrisé.
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Lu les 2 tomes dans la foulée sans aucune pause et c’est pour moi une grosse claque bedephile!
Claque scénaristique par la qualité et l’originalité du traitement, avec cette Lady Macbeth extraordinaire et la richesse des thématiques brassées par le couple infernal. C’est littéraire, sauvage, furieux et poétique à la fois. Une œuvre exigeante de haut niveau qui se fait malheureusement de plus en rare dans le paysage. On sent que Thomas Day est d’abord un écrivain avant d’être un scénariste de bd. Ça ne plaira clairement pas à tout le monde, on est loin de la bd pop corn hyper accessible mais si l’on est sensible à l’écriture et aux thématiques complexes et torturées, c’est un véritable ravissement.
Claque graphique avec le dessin de l’immense Sorel qui nous livre une de ses meilleures productions tout en ayant fait beaucoup évolué son dessin et son traitement de la couleur. Après 30 ans de carrière, il a encore passé un cap. Flamboyant, paroxystique et inventif, ses planches servent l’œuvre littéraire et la parachèvent de la plus belle des manières. Rarement, je n’avais eu à ce point la sensation du traitement de la couleur comme un personnage à part entière.
Belle adoption de ce chef d’œuvre de la littérature ! Sorel toujours aussi génial et puissant dans ses découpages et son dessin ! Bd absolument indispensable !