L'alcool permet de faire oublier bien des choses, ca les rend même grandioses.
La gnôle, ca donne des ailes aussi, il l'a compris, le drôle.
Pendant que les copains servent de passoires aux Boches, Ferdinand Trancourt ramone de la gironde et s'en met plein les poches.
Sa combine ? Vendre de la bonne bibine.
Pas ce tord-boyau immonde coupé de bromure avec lequel les pauvres troufions se prennent une biture.
Briscards ou bleusaille, pas de différence, tant qu'il y a l'ivresse, pas de souffrance.
Philippe Pelaez s'est déjà aventuré sur les sentiers de la guerre dans Puisqu'il faut des hommes, ainsi que dans les Chroniques américaines. Dans ce nouvel opus (qui aura probablement une suite, Bagnard de guerre), il mélange boissons grisantes, sang et poudre. Il s'est inspiré d'un encart de revue qui donnait les chiffres du vin qu'avaient ingurgité les poilus pendant le conflit de 14/18. Voilà donc comment aborder un sujet archi usité sous un angle pour le moins inattendu. Il fait se confronter les têtes pensantes à l'abri dans les coulisses et les pions qui vont au charbon sur le front. Au milieu, son personnage principal, qui est particulièrement travaillé et captivant dans son évolution, laissant ainsi une grande marge de suspense à l'intrigue. Le texte, avec son vocabulaire et ses expressions argotiques du cru, se révèle un atout de taille pour la narration, que ce soit dans la voix off ou dans les phylactères. Le lecteur est plongé dans le drame illico.
Il s'agit de la deuxième collaboration entre le scénariste et Francis Porcel, après Dans mon village on mangeait des chats. La superbe couverture donne le ton.
La force du dessinateur réside notamment dans ses «gueules», typées, expressives, peu esthétiques finalement mais qu'importe, car elles dégagent beaucoup de caractère. Le lecteur pourrait presque leur trouver un air de Breccia dans ses Sentinelles. À l'instar de son Bouffon, la colorisation en tons naturels crée des ambiances monochromes adaptées aux situations évoquées et restaure ici parfaitement la grisaille et les tensions belliqueuses.
Dans Pinard de guerre, la petite histoire s'invite dans la grande en trinquant aux victimes, aux planqués et aux opportunistes. Un sujet méconnu et original mis en fiction avec brio.
J'ai aimé ce regard décalé, presque historique, sur la première guerre mondiale et l'importance (la postface l'explique) qu'y prend la distribution systématique de vin aux poilus pour qu'ils oublient leur condition et osent, désinhibés par l'alcool, partir dans des assauts aux chances de survie limitées....
J'ai un peu moins aimé le scénario qui traine en longueur, en milieu d'album, dans ce huis clos au sein des tranchées.
Le dessin est superbe et rend bien les expressions.
Je ne considère pas cet album comme un indispensable, mais il est cependant un bon album qui m'a procuré un bon plaisir de lecture.
A noter qu'il s'agit effectivement d'une histoire complète qui peut se suffire à elle-même (ça fait du bien aussi par rapport aux séries à rallonge!), mais ce serait dommage de passer outre la lecture de la seconde histoire "Bagnard de guerre" qui reprend là où s'est arrêté ce tome.
Le principal protagoniste de ce récit est un véritable salopard qui nous sera difficile de nous identifier. Bref, il n'y a pas de héros ce qui rend l'approche un peu plus compliqué et pas toujours très facile d'accès. En même temps, c'est toujours une démarche intéressante.
Pour autant, on va se rendre compte que ce personnage cynique a en aversion la guerre même s'il devient un profiteur en vendant du vin ce qui permet au soldat d'être de meilleure humeur pour aller au combat se faire zigouiller. On va le trouver un peu plus sympathique vers la fin de ce tome où il aura quand même essayer de sauver la vie à des soldats pris au piège des allemands. Comme quoi, tout est possible et surtout le meilleur !
Le thème principal reste l'importance du vin lors de cette Première Guerre Mondiale. A vrai dire, j'ignorais toutes ces implications qui seront fort bien détaillées et argumentés. A noter a présence d'un cahier de huit pages en fin d'ouvrage afin de donner de plus amples explications.
Il ne s'agit pas d'un documentaire mais d'un récit d'aventure dans le cadre de cette guerre particulièrement meurtrière. C'est une intrigue qui s'appuie sur une base historique solide.
Cela reste une bonne BD de divertissement avec un graphisme de qualité ce qui n'est pas pour déplaire. Certes, il faudra passer sur un vocabulaire irrévérencieux. Mais bon, il faut parfois mettre de l'eau dans son vin !
Un regard original, qui pourrait paraître anecdotique, sur la Grande Guerre et sa barbarie quotidienne. Un regard porté d'abord par un marchand sans scrupule, puis par ceux des tranchées.
Le scénario militant est très justement servi par le dessin de Francis Porcel.
Un album à lire et à découvrir.