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ix ans après, Jacques Ferrandez complète les Carnets d’Orient ; c’était impensable qu’il ne le fasse pas. En effet, après avoir narré la conquête, la colonisation et la guerre d’indépendance, il se devait de raconter la suite. Les Français «partis», Suites algériennes couvre les années 1962 – 2019, où comment les promesses de liberté et de progrès ont été brisées, autant par la realpolitik que la soif de pouvoir et la corruption généralisée. Des espoirs bafoués, des déchirements fratricides, beaucoup de sang et de larmes et si l’histoire n’était qu’un éternel recommencement ?
Après deux premiers cycles où l’auteur racontait sous forme romancée une saga familiale nourrie par ses propres souvenirs ainsi qu’une multitude de témoignages de Pieds-Noirs, la tonalité se devait de changer. D’un récit très incarné, la narration doit maintenant parler des autres, des vainqueurs et de ce qu’il est advenu depuis le jour funeste où il a fallu traverser la Méditerranée vers la Métropole. Imaginer des nouveaux héros plus ou moins reliés avec d’anciens personnages ? Opter pour le reportage dessiné ? Où situer le curseur entre fiction et réalité ? Ferrandez s’est certainement posé énormément de questions et a fini par ne pas vraiment choisir et de mélanger un peu tous les genres, avec plus ou moins de réussite.
À sa décharge, il faut bien avouer, le devenir de l’Algérie depuis son indépendance n’a pas été de tout repos et le dessous des cartes s’avère nébuleux, voire incompréhensible pour les non-initiés. Le scénariste est donc obligé de s’étendre longuement afin de présenter le cadre général et les acteurs principaux en présence. Si ce cours d’histoire plombe passablement le début de l’album, il se montre indispensable pour comprendre le déroulement des évènements et mieux apprécier les apparitions et réapparitions de Manuel, de sa mère et de leurs descendants. Une fois cet arrimage avec le passé digéré, la magie reprend et la lecture devient réellement prenante.
Visuellement, le résultat pâtit de la tendance de Casterman d’imposer un format réduit ne rendant absolument pas grâce au talent de ses dessinateurs. Après Bilal et Giardino, c'est au tour de Ferrandez de se contenter de bien peu d’espace pour s’exprimer. Globalement, il s’en tire avec les honneurs, même si ses merveilleuses aquarelles panoramiques perdent dramatiquement de leur superbe. Mille fois dommage.
Dense, haletant et brillant d’intelligence (pas de coupable, pas d’innocent), Suites algériennes reprend la balle au bond et permet de boucler une boucle encore ouverte alors, que chaque vendredi, le Hirak résonne dans les rues d’Alger.
Autant les Carnets D'Orient m'avaient passionné depuis les débuts et suffisamment intéressé jusqu'au T10 et l'indépendance, autant avec ces Suites, je n'ai pu m'empêcher de bailler profondément, car la trame fictionnelle à disparu au profit d'une BD reportage enchainant les évènements politiques et militaires d'une Algérie qui réussi difficilement son indépendance.
Bien sur, il y a ci et là des plans qui remontent à la famille de Paul & Casimir (comme la scène du cimetière), mais c'est plus une tentative presque désespérée pour accrocher le lecteur cherchant une fiction, puisque l'énorme majorité du bouquin est rempli des péripéties politiques du pays.
Evidemment, un français pourrait trouver cela passionnant, mais votre serviteur n'en est pas un et donc je me suis ennuyé et n'ai pas réussi à finir l'ouvrage, malgré plusieurs tentatives. De plus, si je voulais vraiment me renseigner sur l'histoire de ce pays, nul doute que je chercherais autre chose qu'une BD, fut-elle toujours aussi brillamment dessinée par Ferrandez et ses couleurs enchanteresses. Donc, je me suis un peu senti trompé par le produit, croyant que j'avais affaire à une fiction, comme les Carnets.
Par ailleurs, il est assez dommage que ces Suites Algériennes ne connaitront sans doute jamais un format BD normal, car il faut bien reconnaitre que c'est un peu un gâchis de nous mettre ces planches en si petit format.
Du grand roman historique, très bien documenté, superbes images, des personnages attachants, pas caricaturaux, qui reflètent toute la complexité du drame de la colonisation et de sa suite.
A lire absolument.
J’avoue avoir délaissé Jacques Ferrandez ces dernières années. C’est donc vierge de toute aventure orientale (les Carnets) que je me suis lancé dans ce tome 1 des Suites algériennes qui débute en 1962 au moment de l’indépendance. Alors évidemment il me manquait quelques références liées aux personnages mais ça ne m’a pas trop dérangé.
Le propos est précis, factuel, historique… Ce n’est pas toujours facile à suivre (les dates, les noms…) mais c’est passionnant. La force de l’auteur et de cet album est de nous faire passer ces histoires, cette Histoire par des personnages denses, attachants, différents et impliqués à des degrés divers dans les évènements qui secouent l’Algérie.
On ne s’ennuie pas une seconde, il n’y a pas de récit historique assommant, il n’y a, surtout, pas de jugement et on a accès à tous les points de vue.
On croisera Yanis-Paul, journaliste, Nour son amoureuse, Noémie sa grand-mère mais aussi Mathilde, jeune communiste idéaliste et Bouzid, son compagnon, un des futurs généraux en vue quelques années plus tard. L’album se développe autour de 3 moments chronologiques distincts, les personnages faisant le lien entre eux.
C’est profondément humain, intéressant, complexe bien sûr mais riche. A lire sans aucun doute !
Des dessins, des couleurs toujours aussi beaux pour nous raconter cette histoire qui colle à l’actualité de ces dernières années.
Des personnages vivants, un documentaire à lire absolument !