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Avec La Machine ne ferme jamais les yeux, le journaliste Ivan Greenberg relate l'histoire de la télésurveillance et de l'espionnage intérieur. Si le titre est assez justement traduit (The machine never blinks), le sous-titre ajouté par Delcourt, de 1984 à Facebook est plus que trompeur. En effet, le sujet de ce livre est la surveillance exercée par par différents organismes gouvernementaux américains depuis plus d'un siècle et ne s'intéresse qu'à la marge aux questions liées aux groupes privés, comme Facebook ou Google. Paradoxalement, les GAFA apparaissent même comme des garants face à l'intrusion gouvernementale.

De plus, le propos est très américano centré, dressant des parallèles avec la Bible qui sont caducs pour la Chine, par exemple. Les origines de cette frénésie de collecte de renseignements au mépris des droits des citoyens sont indissociables de phénomènes qui concernent surtout le pays de l'Oncle Sam, à savoir l'esclavage, la paranoïa anticommuniste et l'obsession à assimiler toute forme de contestation à des activités "anti-américaines". Encore maintenant, des mouvements comme Occupy Wall Street ou les activistes écologistes sont assimilés au terrorisme intérieur, justifiant toute une batterie de mises sur écoute, d'infiltrations, d'intimidations ou de mesures de rétorsion.

Si l'auteur semble bien connaître son sujet, cela ne suffit pourtant pas à faire une bande dessinée intéressante. La narration est souvent indigeste, peu aidée par une mise en images très scolaire qui, en plus, se révèle assez approximative lorsqu'il s'agit de représenter des personnages réels. Nixon, Bush JR ou Obama sont presque méconnaissables. De plus, le récit fait parfois des choix étranges. Par exemple, il est question de la surveillance intense à laquelle furent soumis Martin Luther King et Malcolm X. Mais leurs assassinats respectifs sont à peine mentionnés, comme s'ils étaient hors sujet, alors qu'ils font partie intégrante du traitement de deux personnalités perçues comme à abattre (et finalement éliminées), par tous les moyens.

Par certains aspects, ce livre est édifiant. Il pose de vraies questions sur les conséquences de la surveillance de masse qui est en train de se généraliser à grand renfort de caméras, de drones et du big data. L'auteur interroge l'efficacité réelle de cette stratégie à l'aide de quelques arguments percutants. Il questionne également l'impact sur le comportement des citoyens, qui se savent désormais scrutés en permanence. Si, au départ, la tolérance était de mise parce qu'il fallait se donner le moyen de débusquer les ennemis, c'est désormais la méfiance qui monte. De plus en plus de personnes prennent conscience de la violation flagrante de leur vie privée, sans contrôle ni responsabilité.

Malheureusement, le livre tout entier est déjà frappé d'obsolescence au moment de sa publication, tant la problématique qu'il aborde évolue en permanence. Comme il n'est déjà pas particulièrement engageant, autant dire qu'il ne présente pas beaucoup d'intérêt.

Par T. Cauvin
Moyenne des chroniqueurs
4.0

Informations sur l'album

La machine ne ferme jamais les yeux

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