«À les écouter, cet endroit serait presque une villégiature ; une transition agréable avant d'arriver en Ukraine dans un «État juif indépendant», comme ils disent. En attendant, il faut participer un peu aux taches quotidiennes, c'est normal. Et puis, il font attention à l'hygiène quand même, pour éviter la contagion éventuelle de maladies, il y aura une douche et des vêtements propres qui seront fournis. Un nouvel arrivage de Hollandais descend du train aujourd'hui, bienvenue à Sobibor.»
Les frangins sont de nouveau ensemble. Leur antagonisme se creuse : Moïse demeure un homme réfléchi, prudent et anxieux, supportant difficilement la pression, comme le montre cette lourde scène où il se voit incomber le pouvoir de vie et de mort. Salomon, ce chien fou, est toujours aussi insouciant (inconscient? ), débrouillard et aveuglément optimiste. L'histoire avance à grands pas, s'entremêlant naturellement dans la grande. La réflexion politique et sociale est ici plus poussée, le contexte et la période se révèlent en effet un terrain propice où les graines de discorde poussent dans chaque camp. Que dire de plus que ce qui a déjà été dit précédemment ? Que faudrait t-il faire pour vous convaincre du grand talent de conteur de Luc Brunschwig ? Car le troisième épisode de cette - déjà - grande série confirme tout simplement les qualités démontrées : à savoir, narration passionnante, scénario structuré dans ses allers-retours, justesse de ton, personnages profondément humains et attachants, rythme bien géré, graphisme sans tâche, car il ne faut pas oublier le travail d'Etienne Le Roux, qui, malgré son nombre soutenu de publications, reste toujours régulier et efficace dans son dessin.
Les passions se déchainent. Cette saga familiale et historique d'excellente qualité prend de l'ampleur et s'enrichit à chaque tome, comme le prouve Le mariage Bensoussan, qui renouvelle l'intérêt pour ce thème éculé de la condition juive lors de la Seconde Guerre mondiale.
Camp de concentration de Sobibor.
A l’arrivée du train d’Amsterdam dans le camp, par haut-parleur, la bienvenue est souhaitée aux nouveaux arrivants. Tout est mis en œuvre pour faire croire aux nouveaux-venus qu’ils séjourneront quelques temps en ce lieu avant d’être transportés en Ukraine pour s’y établir dans « un état juif indépendant » voulu par le Reich…
Faisant partie de la triste comédie, Moïse est là, au micro, pour recruter une personne qui va l’assister dans son boulot de coiffeur. Il sait quel triste sort attend ceux qui ne seront pas choisis. Cinq candidats se présentent prétendant connaître la coiffure. Un.e seul.e peut être sauvé.e…
Critique :
Toujours aussi fort, ce tome 3 montre la fourberie des nazis et comment ils s’y prennent pour que les juifs se rendent docilement à la chambre à gaz. Ce scénario très dur de Luc BRUNSCHWIG est, une fois de plus, remarquablement servi par les dessins des talentueux Etienne LE ROUX et Loïc CHEVALLIER, et la fabuleuse mise en couleurs d’Elvire DE COCK.
Selon une technique devenue habituelle, le scénariste nous balade dans le temps pour compléter les aventures des frères Rubinstein. C’est ainsi que l’on va découvrir que Moïse a été accepté au Lycée Henri IV à Paris en 1933, et que brillant élève, tout le monde souhaite travailler avec lui, y compris des personnes très à droite et franchement fascisantes. Quelle ne sera pas la surprise de Moïse de découvrir les origines d’Albert Lipp, encarté aux Croix de Feu, une association patriotique de droite dure ! Albert va l’introduire dans des milieux nauséabonds… Pratiquement au même moment, Moïse apprend que son frère, Salomon, s’est évadé de la colonie pénitentiaire où il était détenu pour un crime qu’il n’avait pas commis mais il avait accepté de se rendre afin que son frère cesse d’être inquiété et puisse poursuivre sa brillante scolarité…
A Sobibor, Moïse fait son choix parmi les cinq candidat.e.s, sachant quel sort attend les quatre qui ne sont pas retenus…
C’est un nombre incroyable d’aventures dans l’aventure qui vous attendent dans ce nouvel opus extraordinaire de la saga des frères Rubinstein.