S
tation de recherche Polaire. La scientifique Sara Lemons étudie la composition de carottes de glaces afin de déterminer l’histoire de la planète Terre. Un jour, son équipe retire des profondeurs de la banquise, un être primitif. Un an plus tard, l’espèce humaine est confrontée à un mal qui s’est répandu aux quatre coins du globe. Du gamin des rues de Mexico au Yakuza Tokyoïte, de l’interprète de guerre Afghane au survivaliste obèse du Minnesota, personne ne semble épargnée !
La maison Panini lorgne sur les structures indépendantes américaines pour le plus grand plaisir des lecteurs de comic-book francophones. Après avoir pioché au sein du catalogue développé par TKO Studios (Sentient, Sara, The Seven Deadly Sins), l’éditeur transalpin s’est penché sur les productions de l’entreprise AWA Studios et a acquis les droits de quelques créations prometteuses. À la fin du premier trimestre, une fournée de séries a été diffusée sous le label Upshot. Le public a ainsi pu découvrir The Resistance, une collaboration de Joe Michael Straczynski et Mike Deodato Junior. Ce titre a reçu un accueil positif et c’est heureux, étant donné qu’il devra constituer le socle d’un univers partager à venir. Ensuite, Year Zero scénarisé par Benjamin Percy et illustré par Ramon Rosanas qui vise à prouver qu’il existe une voie d'expression zombiesque entre Crossed et The Walking Dead. Revenons sur cette dernière sortie portée par des décisions narratives tranchées.
Le manuscrit se compose de cinq fascicules qui explorent autant de personnages. Chacun de ces kiosques a une structure stricte. Les arcs narratifs sont déployés par alternance, de manière à ce que le lecteur découvre à deux reprises les divers miraculés. Concrètement, sur les vingt-deux pages des numéros, au moins quatre seront consacrées aux « héros » et selon un rythme binaire et immuable : une séquence introductive puis un cliffhanger.
Cet édifice cadenacé est également contraint par l’isolement des protagonistes. Les dialogues sont proches du néant, pour autant les auteurs n’ont pas jugé bon de réaliser une œuvre muette. L’écrivain explore la psyché des uns et des autres en usant donc du procédé de la voix-off. Le spectateur accompagne chacune des pensées faîtes d’espoir, de revanche, de regrets, de combativité, d’interrogation sur la place de l’Homme et de la foi. Les trames sont bien construites, joliment énoncées, mais peu surprenantes. Elles connaissent aussi des fins plutôt ouvertes, alors même que le prochain tome de cette saga mettra à l’honneur des survivants différents. Ce parti-pris est assumé en exergue de l’album. Dont acte.
La partition graphique est de la main de l’artiste espagnol Ramon Rosanas. L’influence du cinéma se ressent notamment à travers le découpage où les ellipses tiennent davantage de lieux de montage. D’ailleurs, les saynètes se déroulant à proximité du laboratoire, rappellent beaucoup The Thing de John Carpenter. Le dessinateur joue pareillement de la dichotomie des décors, entre l’étendue glacée à perte de vue et le huis clos oppressant de l’institut. Et il utilise à son tour l’opposition froid/chaud. En outre, son trait est légèrement épais. Il exclut les valeurs de gris et plonge habilement dans le noir. Ce clair-obscur équilibre ses planches et permet d’exploiter des teintes vives. Évidemment, Lou Loughridge attribue une gamme polychromatique particulière aux rescapés de façon à identifier automatiquement les enjeux. La représentation des zombies est esthétisée et peu gore. Les attitudes désarticulées jonchent plusieurs vignettes, même si l’ambition est de centrer le récit sur le vivant.
Pour ce qui relève de la couverture, celle-ci ne fera pas l’unanimité. Les photomontages et peintures numériques réalistes d’Andrews Kaare s’exposent sur chaque issue. Sa contribution participe à exposer que le cataclysme est mondiale. Néanmoins, le choix artistique est clivant. À vous de juger.
Une seconde vague de publication native de la licence Upshot est annoncée pour juillet. Elle propulsera sur le devant de la scène Bad Mother et American Ronin, des récits violents de porte-flingue, l’un féministe l’autre altermondialiste. Les admirateurs de polars bruts devront d'ici là s’armer de patience. Une attente qui pourrait utilement être occupée par la (re)lecture cadrée et introspective de Year Zero !
On va finir par croire qu'il y aura un jour une apocalypse zombie sur notre planète tant il y a d'ouvrage relatant ce fait qui relève pourtant du fantastique. On peut y voir une allégorie d'une pandémie mondiale d'un virus décimant toute l’humanité.
Bref, le sujet n'est pas du tout nouveau surtout depuis que la saga « Walking Dead » a remis au goût du jour les productions du cinéaste George Andrew Romero avec ces films d'horreur mettant en scène des morts-vivants.
Nous suivons ici le parcours différencié de 5 survivants de cette holocauste en nous plongeant dans un univers post-apocalyptique. Encore une fois, la dimension psychologique sera de mise avec des questions aussi bien éthiques que religieuses. J'ai d'ailleurs bien aimé la phrase suivante au niveau de la narration : la religion est un commerce qui vend du sens à ceux que leur insignifiance terrifie. Certes, on peut ne pas être d'accord.
L'originalité vient du fait d'avoir des profils totalement différents et venant de plusieurs continents : un gamin des rues mexicaines, une jeune femme afghane interprète militaire, un tueur japonais, une scientifique du cercle polaire et enfin un survivaliste du Mildwest américain. A noter qu'on les suivra de manière autonome sans lien de rattachement. Ils ont pourtant tous un but commun : survivre à cet enfer.
Comme dit, la narration joue un grand rôle et celle-ci ne sera point rébarbative afin de nous expliquer la situation du monde. Cela paraît la grande force de cette œuvre où l'on ne sympathise pas vraiment avec les personnages tant le regard semble être extérieur. Cela manque singulièrement d'empathie.
A noter une couverture un peu trompeuse d'une photographie réelle alors qu'il s'agit d'une bande dessinée. Cela questionne sur le réalisme de la situation à savoir une pandémie mondiale. Comme dit, on s'y croirait.
Ce comics n'a pas prétention à révolutionner le genre mais il se débrouille plutôt bien pour retenir notre attention à la condition d'aimer ça au-delà de toute forme de lassitude.