C
hristine, Mireille et Philippe forment le noyau dur d'une association d'un type particulier. Ces grands-parents, encore verts, ne comptent pas attendre la mort sans rien tenter et souhaitent la rendre plus douce à tous ceux qui, comme eux, la sentent se rapprocher. Quitte à choquer et être dans l'illégalité... Mais lorsqu'un trentenaire débarque dans leur groupe de parole et demande à « être accompagné », ils ne savent pas vraiment comment lui faire entendre raison.
Deux ans après La vie moderne, Livio Bernardo s'associe à Olivier Peyon pour proposer un album au thème fort. Issu du cinéma, le scénariste signe ici sa première BD et de fait signe une entrée remarquée dans le neuvième Art. L'euthanasie, puisque c'est de cela dont il s'agit, est traitée avec beaucoup de tact, mais aussi avec modernité et humour. En s'inspirant d'une association réelle, Ultime liberté, les auteurs se mettent au niveau des mourants et surtout de ces accompagnants, conscients d'enfreindre la loi, pour plonger au cœur d'une décision à laquelle nombre de malades ou de personnes en fin de vie sont confrontés. Sans prosélytisme et en évitant au maximum les lieux communs, les artistes installent une proximité et une connivence naturelles avec leurs protagonistes.
Plutôt que de montrer les joutes éthiques ou morales, ils choisissent de s'immiscer, et leur lectorat avec eux, dans le quotidien de ces petits vieux qui aimeraient partir dignement. Leurs blessures, leur passé et tout ce qui a forgé leurs convictions comme leurs doutes et leurs peurs sont abordés. Drôles par moments et toujours pleins d'émotions, ces passages abordent les raisons qui poussent les membres de l'association à s'engager dans cette démarche. Mieux, au travers de la demande de Vincent, le scénariste les questionne. À partir de quel moment est-il possible, acceptable, envisageable de vouloir mourir ? Quels critères sont à considérer ? L'état de santé, l'âge, la souffrance, physique ou émotionnelle : qu'est-ce qui compte dans la décision et qui peut la prendre ? Toutes ces interrogations, les personnages se les posent, collectivement ou individuellement, et les soumettent au public avec beaucoup de tact et d'intelligence. Habilement mises en image, par un trait expressif aux nuances de noir, gris, blanc, rehaussées de quelques touches de couleurs sur certains éléments, ces séquences s'enchaînent avec fluidité jusqu'à la conclusion qui étreint.
En toute conscience est une de ces lectures qui surprend, émeut et, (presque) sans en avoir l'air, donne à réfléchir. Olivier Peyron et Livio Bernardo réussissent leur pari : rendre hommage à des gens courageux, tout en ouvrant le débat sur une pratique qui gagnerait à être encadrée. C'est aussi et surtout un bien bel album de bande dessinée.
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