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assé son image glamour et ses différents évènements de renommée mondiale, la Principauté de Monaco ressemble beaucoup à n’importe quel autre paradis fiscal : gouvernance opaque, système financier peu regardant et une foule d’arrangements reposant davantage sur la corruption que la libre entreprise. Rajoutez-y des histoires de famille sordides, des trafiquants divers et variés, sans oublier quelques oligarques hors-sols amateurs de football et vous obtenez le terrain d’investigation idéal pour les journalistes n’ayant pas froid aux yeux.
Hélène Constaty (Une histoire du nationalisme Corse, La revue dessinée) fait partie de ceux-là. Dans Monaco Luxe, crime et corruption, elle suit deux « affaires » qui ont marqué et continuent de marquer le Rocher ces dernières années. D’un côté, l’assassinat sanglant d’Hélène Pastor, héritière d’une richissime dynastie locale, crime commandité par son beau-fils pour des raisons d’héritage, évidemment. De l’autre, un embrouillamini artistico-judiciaire sur fond de divorce impliquant Dmitri Rybolovlev . Le point commun de ces sinistres algarades entre gens du beau monde ? Une cité-état au fonctionnement plus basé sur la discrétion et le maintien des apparences que le respect de la loi (que le Prince peut toujours modifier au cas où). Malgré sa sécheresse et son ton monotone, l’exposé de la scénariste se montre implacable et ses conclusions imparables, même si les tribunaux n’ont pas encore rendu leurs décisions finales.
La mise en image de Thierry Chavant (Sarkozy-Kadhafi - Des billets et des bombes) suit également la même voie. Le trait est fin, lisible et se concentre à souligner sobrement les faits. Afin d’illustrer ces sombres circonstances, le dessinateur reste dans le concret et ne s’autorise aucune métaphore graphique ou découpage extravagant. Le résultat s’avère donc efficace et tendu. Dommage cependant que les personnages d’importance ne soient pas très reconnaissables (un trombinoscope en fin d’ouvrage aurait aidé pour s’y retrouver) et que les improbables couleurs grises et sépia plombent les planches. L'idée de se distancer des habituelles cartes postales publicitaires ensoleillées est compréhensible, mais là, l’ambiance fait plus penser à Dunkerque en novembre qu’à la Côte d’Azur.
BD de reportage classique réalisée avec attention, Monaco Luxe, crime et corruption informe, explique (un peu), met en contexte (un peu moins) et c’est à peu près tout.
J'ai toujours eu une image un peu idyllique de Monaco qui est une principauté indépendante. Il y a une image assez glamour qui est attaché alimenté par une certaine presse. On pense à la princesse Grace Kelly et plus récemment Charlène, à son port de plaisance rempli de yacht, à son prix de formule 1, à son prestigieux casino.
Il faut savoir que Monaco n'est pas la France. C'est même une monarchie constitutionnelle avec un prince héréditaire au pouvoir. Ce n'est pas un royaume mais un état confetti. Il se concentre là-bas de riches fortunes grâce aux largesses fiscales.
J'admire le travail des journalistes indépendants qui ne nous vendent pas du rêve mais qui décrivent une réalité plus dérangeante dans le monde des riches et des puissants. Il faut le savoir mais les personnalités du monde politique et économique ne sont pas exempt de toutes malversations. Les enquêtes pour les confondre sont souvent assez complexes.
Le prince Albert II a indiqué dans un discours que Monaco était un pays ensoleillé dirigé par un prince magnifique. Pour la modestie, il faudra repasser à moins qu'il ne s'agisse d'une pointe d'humour. Il faut dire qu'un habitant sur trois est millionnaire. Peu de pays au monde atteigne un tel niveau.
Le sujet de la corruption à Monaco a rarement été abordé dans la bande dessinée. C'est un plaisir que de le découvrir. Visiblement, tout se joue dans les bureaux de gestionnaires de fortune et chez les promoteurs immobiliers du rocher.
Il y a des indices graves et concordants à des infractions pénales mais les participants sont présumés innocents tant qu'un juge ne les aura pas condamné officiellement. Il faut savoir également que ces prévenus contestent les faits qui leur sont reprochés et clament leur innocence. Cela m'a un peu fait penser au président Nicolas Sarkozy ou à son premier ministre François Fillon, tous deux finalement condamnés par la justice.
D'entrée, on va commencer par l'assassinat de la femme la plus riche de Monaco commandité par son gendre. Cela démarre fort. Une sordide histoire de famille, de haine et d'argent.
On va comprendre que le prix de location est le plus élevé au monde. Un loyer d'un deux pièces de 42 m3 avoisine 4900€ par mois. C'est 8000€ pour un trois pièces. L'objectif non avoué est de devenir résident à Monaco et ainsi échapper à l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, il n' a pas d'impôt sur les successions, pas de taxe d'habitation ou foncière, pas d’impôt sur les plus-values, ni d'impôt sur la fortune. Monaco est en effet un véritable paradis fiscal pour ces millionnaires. C'est le seul état du continent européen à offrir de tels privilèges à ses résidents.
La seconde grosse affaire concerne un oligarque russe. Il faut savoir qu’après la chute de la Russie en 1989, certains amis du pouvoir se sont partagés les richesses de la Russie en se les accaparant de manière assez outrancière. Ces hommes sans foi ni loi sont alors partis dans les paradis fiscaux afin d'être moins exposés aux aléas du pouvoir.
Un de ses oligarques russes richissime avait des liens assez privilégiés avec certains membres du gouvernement monégasques via le club de foot de l'équipe de Monaco ainsi que des autorités de police. Bref, le favoritisme est poussé à son paroxysme dans la mesure où les services du Prince sont les seuls à pouvoir accorder la nationalité monégasque qui vaut de l'or.
L'auteure Hélène Constanty ne se fait guère d'illusion dans la mesure où Monaco fera tout pour étouffer le scandale afin de ne pas ternir son reflet. Suite à cette lecture, on ne regardera plus Monaco de la même façon.
Bienvenue dans l’état le plus riche du monde, Monaco. Enfin, bienvenue si vous êtes millionnaire… Vous comprenez bien que sur une si petite superficie, on ne saurait accueillir que les personnes qui peuvent payer un loyer de 4900 EUR par mois pour un deux pièces de 42 mètres carrés. Mais ne soyez pas petit joueur ! Pourquoi ne pas louer un duplex de 1300 m² pour la modique somme de 900000 EUR par an plus 30000 EUR de charges et 20000 EUR pour 4 parkings en sous-sol ? Cher ? Mais pas du tout, voyons ! Terrasse privative de 900 m² avec sa piscine et son jacuzzi !
Dès lors faut-il s’étonner de l’assassinat de la femme la plus riche de Monaco, Hélène Pastor, 77 ans, la plus grosse fortune dans l’immobilier monégasque ? L’assassinat s’est produit à Nice où elle venait rendre visite tous les jours à son fils hospitalisé. (Cela aurait été bien compliqué de la liquider à Monaco avec des caméras de surveillance à tous les coins de rue et des policiers partout.)
Mais d’autres affaires aussi donnent une autre image moins idyllique de la vie sur le rocher que ces photos que l’ont retrouve dans les magazines people : la corruption des policiers hauts gradés et d’un ministre par un oligarque russe qui détient les 2/3 des actions de l’AS Monaco…
Critique :
Hélène Constanty transpose dans cette BD les enquêtes qu’elle a menées à Monaco et dont l’acte final devant les tribunaux doit encore se jouer, des reports ayant eu lieu à cause d’un dénommé COVID.
Le découpage de l’histoire n’est pas toujours clair avec des allers-retours dans le temps. Les dessins de Thierry Chavant ne m’ont pas vraiment conquis. Ils sont assez rudimentaires bien que les visages puissent être assez expressifs.