U
n accident de la route a emporté l’âme sœur de Rebecca Kumar. Depuis, elle est dévastée. À peine quelques jours plus tard, elle fête ses vingt-et-un ans en compagnie de ses amis. Cherchant un peu d’intimité, elle se dirige vers les toilettes. Là, dans une pièce carrelée de huit mètres carré, Becky est confrontée à Taranis, le corbeau-dragon. Ce roi illégitime lui arrache le cœur et la laisse pour morte. Pourtant, le souvenir des battements de sa pompe à sang et sa puissante lignée indienne lui permettent de continuer à se mouvoir, mais le monde s’est éveillé à elle. Sans compter que son pouvoir devient un enjeu pour les traîtres à la couronne. Fer Doirich, le gardien de Central Park et Fatalia Macbeth, alias Maeve reine du cycle d’Ulster, lui révèlent alors sa condition de sorcière. Et ils entament, à son insu, un rituel afin de provoquer sa magie. Aussitôt, un terrible flux irrigue la jeune adulte et déchire le voile du secret !
Wicked Game, le second volume de Nomen Omen poursuit son brassage de mythes et d’histoires en tentant de créer une cohésion entre un continent féerique et une réalité technologique. Le scénariste Marco B. Bucci exploite parfaitement la quête de sens de son héroïne afin de dévoiler, au fur et à mesure, les arcanes de son univers. Il sème de nombreuses pistes et aborde avec à-propos l’initiation au mystique. Au terme du tome précédent, l’écrivain s’épanchait sur l’appétence de Becky pour la technologie. Les bonus permettaient ainsi d’éclairer une facette de sa personnalité, sans susciter d'intérêt particulier. C’est finalement au cours de cet opus que l’information est pleinement utilisée. Ainsi, la maîtrise de l’encodage évolue en langage magique, un peu à la manière d’une clé de lecture du scénario de Matrix, des sœurs Wachowski. En vue de clore la présente production, l’auteur italien signe deux nouvelles. Dès lors, il n’est pas impossible qu’elles détiennent un élément prépondérant du prochain ouvrage. À lire attentivement, donc.
Au pinceau, Jacopo Camagni est très à son aise. Il possède un style moderne et précis qui se conjugue facilement au format comics. Il rythme son gaufrier de cadrages serrés et de pleines pages. Puis il rend des planches copieusement garnies et d’autres au décor épuré. L’artiste transalpin est également à l’écoute de la narration. Comme le personnage principal est atteint de dyschromatopsie (précisément, d’achromatopsie), l’illustrateur retranscrit un quotidien exempt de couleurs en jouant d’aplats sombres et en apposant des trames qui soulignent son travail de lignes. Les valeurs de gris scindent les plans et ensorcellent le lecteur. Cependant, l’irruption d’enchantement par des créatures fantastiques provoque, à l’endroit de Rebecca, autant d’apparition de nuances de vert, de rose et de bleu. Les sorts prennent soudain une teinte, en contrepoint du noir et blanc. Ce procédé magnifie le dessin et permet, de surcroît, d’identifier les séquences surnaturelles, les invocations et les sortilèges à l’œuvre. Splendide !
En outre, la peinture des passages oniriques a été confiée à Fabio Mancini (déjà assistant sur l’épisode Total Eclipse of the Heart). Par essence, ces scènes de songes sont davantage confuses. Néanmoins, leurs mises en images tranchent agréablement avec le reste du récit.
Tout en restant intriguant, Wicked Game convainc légèrement moins. Les cartes s'abattent, les pièges s’enchaînent, la prestation graphique est sérieuse, la fin est agrémentée d’un cliffhanger "déchirant", toutefois le script est parfois nébuleux.
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