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hanteur, mais avant tout poète, Leonard Cohen (1934 – 2016) a mené toute sa vie sous le signe des muses et celui des femmes. De sa Montréal natale à l’ensoleillée Hydra, en passant par le New York crasseux du début des années soixante-dix, partout, il aura écrit et composé afin de comprendre et de dompter sa mélancolie. Également amateur des plaisirs terrestres, les tentations des paradis artificiels le poursuivront aussi tout au long de son parcours. À un moment, il les affrontera même en s’isolant dans un monastère bouddhiste. Plus tard, à son crépuscule, il est forcé de reprendre le chemin des salles de spectacle à cause d’une manager véreuse qui l’a dépouillé. Cet ultime baroud musical lui fera cependant retrouver le plaisir de côtoyer à nouveau un public, évidemment conquis depuis longtemps.
Philippe Girard s’essaye à la biographie dessinée en illustrant l’existence de son illustre compatriote. De facture ultra-classique, son album fait sagement le tour de son héros. Sans détonner ou montrer beaucoup de personnalité, le résultat se montre néanmoins des plus agréables à parcourir. Les origines de quelques chansons emblématiques sont très bien suggérées et le défilé de personnages d’importance (Lou Reed, Nico, Janis Joplin, etc.) ininterrompu. Le caractère subtil et complexe de l’auteur d’Hallelujah est logiquement au centre de la narration, malheureusement sa description reste terre-à-terre et très convenue.
S’attaquer à un tel monument est une tâche quasi-impossible. Plutôt que de se confronter et suggérer, Girard a préféré rester en retrait et se limiter au rôle du scribe studieux. En gros, il s’est attelé à adapter et résumer les différents ouvrages de référence déjà existants (cf. la bibliographie en fin d’ouvrage). Peut-être était-ce la seule solution pour ne pas trahir l’aura de ce magicien des mots. Dommage quand même, un peu plus d’audace - dans le découpage, la mise en scène ou les couleurs – aurait certainement apporté un supplément d’âme à un album, certes sympathique et globalement complet, mais terriblement banal dans sa manière d’aborder son sujet.
Biopic sincèrement réalisé, bien que très conventionnel dans son approche, Leonard Cohen – Sur un fil est une bonne introduction à propos d’un artiste majeur de la seconde moitié du XXe siècle.
Bien que très amateur des chansons de Leonard Cohen, j’avoue avoir tardé à acheter l’album de l’auteur québécois Philippe Girard sur la vie du poète-musicien. (Un seul auteur pour une biographie dessinée, c’est assez rare !) Je trouvais saugrenue l’idée de traiter Cohen en bande dessinée car j’associais l’homme à ses chansons, l’imaginant donc sobre et ascétique. Eh bien non, l’artiste eut une existence pour le moins rock-and-roll, presque aux antipodes de la tranquillité imprégnée de spiritualité qu’il communiquait dans ses poèmes et musiques… Sans doute son œuvre fut elle un refuge car l’homme était dépressif, accro aux tranquillisants, et perpétuellement insatisfait. Il se partagea entre Montréal, Londres, New-York, et Hydra en Grèce. Il fréquenta le gratin du rock américain des années 1960 et 70, et collectionna les conquêtes féminines, jusqu’à des célébrités comme Janis Joplin ou l’actrice Rebecca De Mornay, excusez du peu !
Girard nous raconte tout cela de manière fidèle et chronologique, en truffant son récit d’anecdotes qui donnent de la profondeur au personnage. Son dessin sobre comme une chanson de Cohen est adéquat pour ce portrait. Et cerise sur le gâteau, l’atmosphère des villes où vécut Cohen est admirablement bien rendu. L’ouvrage s’enrichit de la galerie de personnalités célèbres ayant compté dans le parcours de Cohen. De quoi plonger dans l’œuvre d’autres artistes qu’on connait moins -ce que j’ai fait. Bref, j’ai réservé à l’album une place de choix dans ma bibliothèque…
Complètement d'accord avec A.Perroud, album sympathique mais décevant, avec l'impression de rester à la surface du personnage et de sa personnalité