A
vant, au début de l’Histoire, l’Homme était chasseur. À peu près à arme égale, il dépendait de la Bête pour survivre. Celle-ci guidait ses pas et l’emmenait avec lui dans ses migrations à travers le monde. Puis, peu à peu, le suiveur s’est enhardi, il a inventé des outils plus acérés et a intellectualisé sa traque. Résultat, il put totalement dominer sa proie et imposer sa loi.
Ambitieux récit allégorique, La Chasse résume l’impasse existentielle que s’est imposée la société moderne. En un instant, l’individu frappe de plein fouet les limites de la planète. Aura-t-il la volonté de changer ses habitudes ? Alberto Vázquez dresse un constat implacable et ne laisse que peu d’espoir au genre humain. Pour ce faire, il a imaginé un conte macabre mêlant genèse, légende ontologique et fable apocalyptique. Des parois des grottes magdaléniennes aux hauts-fourneaux de la révolution industrielle, il n’y a qu’un pas que l’auteur franchit avec aplomb et une technique narrative imparables. Même comprimé et résumé à l’extrême, le fond du propos s’avère immédiatement compréhensible et effrayant. Finalement, la situation est aussi élémentaire que ça : oui, nous sommes nos propres bourreaux.
L’énergie de l’album passe évidemment par ses illustrations. Piochant largement dans un imaginaire pictural commun (art rupestre, primitivisme, exotisme et expressionnisme contemporain le plus sombre), le dessinateur offre une retranscription vibrante du temps écoulé depuis les origines. Les planches font preuve d’une force d’évocation étourdissante, tant ce mélange des genres et des styles se montre tangible. Que ce soit dans la forêt primaire, un désert stérile ou à l’ombre de quelques tours branlantes, le ressenti des réalités prend la gorge et ne relâche jamais son emprise.
Derrière un sévère lavis N&B se cache une impressionnante richesse, tant visuelle que philosophique. La Chasse est ouvrage dense et envoûtant, osant lier mysticisme et matérialisme. Du grand art, tout simplement.
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