Decorum est le dernier creator-owned de Jonathan Hickman. Parue chez Image Comics, cette première collaboration avec Mike Huddleston risque de faire date ; d’autant plus que pour séduire le lectorat européen, Urban opte pour la confusion des genres et joue la carte du mimétisme avec le format franco-belge grâce à un album aux dimensions hybrides.
Après une introduction qui n’est pas sans rappeler le récent Amen de Georges Bess, le scénariste de Black Monday Murders reprend ses réflexes d’écriture en intercalant, entre ses chapitres, des pages très stylisées de données censées apporter les informations complémentaires nécessaires à la bonne compréhension du cadre conceptuel et du contexte historique. Sur une matière dense flirtant parfois avec les frontières de l’abscons, le récit diverge rapidement selon deux directions, l’une à l’échelle interplanétaire, l’autre au niveau individuel. Ainsi, le fil de l’histoire s’écoule autour des luttes de l’Église de la Singularité et des pérégrinations de Mme Imogen Smith-Morley et de sa disciple, Neha Nori Sood, sans qu’il soit encore possible d’établir les connexions entre les deux fils narratifs. Cela dit, la question se pose de savoir comment Jonathan Hickman, qui a l’habitude de développer des histoires au long cours, saura (sans ellipses béantes) refermer toutes les portes de cette saga intergalactique au terme d'un simple diptyque. L’avenir dira ce qu’il en sera !
Au-delà de la relative complexité du scénario, il convient de s’attarder sur le travail de Mike Huddleston qui réussit à donner toute sa matérialité aux abstractions développées par Jonathan Hickman. Alternant les styles comme les techniques, parfois sur la même page, et passant sans réelle transition de décors digitaux à des plans aux crayonnés bruts (avec les traces de blanco !) , ou bien encore à des passages encrés avec précision, le trait se décompose en variations qui donnent aux planches, surtout les muettes, une densité graphique d’une inventivité peu courante. Et que dire de la mise en couleurs ? Capable de varier les textures et les tonalités dans une débauche d’effets, elle possède la capacité de passer de séquences en noir et blanc rehaussées d’incrustations colorées à une bichromie aux limites du rudimentaire avec une facilité déconcertante.
Visuellement hors normes, Decorum cultive une richesse à la limite du désordre qui demande une attention particulière et une propension avérée aux paraboles composites, mais comme il est dit "On n’a rien, sans rien ! ".
C’est méga bizarre. C’est… inattendu. C’est surprenant. Puis c’est prenant. C’est tout à fait original. Je m’y suis repris à deux fois…
J’ai adoré !
A cheval entre le récit mystique jodorowskyen/Druillet et la chevauchée badass de deux space-girls, le premier volume de Decorum nous laisse dans l’expectative d’un liant qui permettra de donner du sens à tout ceci. Ébahi par une beauté graphique certaine, on attend de voir si l’expérimenté Jonathan Hickman s’est oublié dans les délires de son comparse ou s’il compte au dernier moment nous confier les clés d’un univers fascinant…
Lire la critique sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2021/03/17/decorum-1/