D
ans un monde post-apocalyptique, Éclo, un môme non genré, s’ennuie depuis que la personne androgyne qui en prenait soin est partie défendre les veufs, veuves, orphelines et orphelins aux prises avec les technophiles. Le personnage se perd dans une fantaisie onirique où il rencontre Gluan, qui l’aide à retrouver le chemin de la maison.
Dans Skip, il y a un peu d’Alice au pays des merveilles, de Fred Philémon ou de Yellow Submarine, le film psychédélique tiré des chansons des Beatles. S’y trouvent aussi de belles et nobles valeurs : le courage, la loyauté, l’amitié, la générosité, l’entraide et l’égalité. Pour tout dire, une atmosphère de livres pour enfants règne dans cette histoire. L’équité y domine, tellement qu’il n’y a pas d‘hommes et pas de femmes, tous sont des iels. Cette posture inclusive irrite un brin ; il est néanmoins possible de passer par-dessus… malgré les points médians font des picots dans les yeux.
La fable apparaît dans l’ensemble sans queue ni tête. Le tandem bascule d’un univers à l’autre, sans que le lecteur ne comprenne ni pourquoi ni comment. La lecture ne se révèle pas fondamentalement désagréable, elle est même plutôt gentille, mais l’entreprise tourne à vide et, pour dire vrai, fatigue un peu.
Tout ce qui agaçait dans le scénario s’affirme comme une force dans le dessin. L’artiste est libre et créative. Chaque planche constitue une unité. Certaines compositions, particulièrement en début d’album, évoquent les représentations animalières de John James Audubon. Par la suite le bédéphile a l’impression de faire un voyage dans l’art du XXe siècle alors qu’il découvre des motifs lui rappelant l’expressionnisme abstrait, le surréalisme, le cubisme, le Pop Art ou encore le futurisme avec ses lignes droites et sa palette flamboyante.
Ce sont du reste les couleurs qui s’imposent dans ce projet. De nombreuses pages affichent des demi-teintes, avec une abondance de marron et d’orange, puis, soudainement, les bleus, les rouges et les verts explosent en formant de larges arabesques. Le coup de pinceau se montre d’ailleurs généralement fluide avec une profusion de courbes. Il va de soi qu’une telle illustratrice ne se laisse pas contenir par les cases dont elle n’hésite pas à bafouer les contours lorsque l’intention l’exige. Et c’est fascinant de la voir s’exprimer sans contraintes.
Une bande dessinée tout en contrastes, qui agace, séduit, rebute et fascine. À regarder, mais pas nécessairement à lire.
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