S
ous le ciel étoilé de la campagne anglaise, le renard Fawkes et son acolyte s’alcoolisent joyeusement lorsque, fendant la voûte céleste, un astre flamboyant se dirige vers eux et semble atterrir. Poussés par une juste curiosité, les compères chassent l’origine du phénomène. Au matin, dans la commune de Lower Crowchurch, se déroule l’élection du comité de la fête annuelle. Les hommes de pouvoir de la ville, notaire et journaliste en tête, ont invité un nouveau concitoyen. Un certain Slipaway, vétéran de la marine ayant participé aux Guerres étrangères. Avant que la réunion soit close, le soûlard de Goupil envahit les lieux. Apeuré, les mains bleutées, il raconte péniblement la disparition de son camarade sous les feux d’une machine inhumaine. Connu pour être un ivrogne invétéré, son discours décousu est rejeté par l’assistance. Excepté par le soldat, qui reconnaît la terreur au fond des yeux du boit-sans-soif.
Le très prolixe Dan Abnett a construit un scénario pouvant se résumer à une transposition de La Guerre des Mondes de H. G Wells au sein d’un univers animalier et en plein cottage, So british ! Le script reprend l’idée d’une attaque extraterrestre prenant la forme de tripodes armés d’un rayon ardent, tout en édulcorant la violence des affrontements. Le scénariste convoque des personnages un peu convenus, l’écrivaine en mal d’inspiration se consolant grâce aux spiritueux ou encore l’éditorialiste d’un journal local peu téméraire. Toutefois, ces archétypes permettent d’orchestrer des interactions crédibles et de défendre des concepts simples. À ce titre, l’un des protagonistes, l’officier désabusé, remet en cause les valeurs de courage et de revanche. Son caractère permet d’organiser une résistance et, surtout, d’opérer un lien avec les idées pacifistes accolées à l’œuvre originale. En effet, le romancier souhaitait que l’empire britannique soit attaqué en son cœur, afin de procéder à la critique de l’impérialisme qui reposait alors sur une course aux armements navals coûteuse au détriment d’allocations budgétaires destinés aux plus démunis. Le comics propose donc une relecture, davantage enfantine, moins violente et sans trahir les vertus promues par le roman. Et en ce sens, Wild’s End est une réussite.
Hormis ces adaptations de Sherlock Holmes (Le Chien des Baskerville, Une étude en rouge, Le Signe des quatre, La Vallée de la peur) ainsi que celles consacrées à H.P Lovecraft (Les Montagnes hallucinées, L’Affaire Charles Dexter Ward, La Quête onirique de Hadath L’Inconnue), I.N.J Culbard est également l’illustrateur des parutions Dark Ages, Brink et The New Deadwardians, toutes trois en compagnie de Dan Abnett. Cette collaboration fructueuse adopte, pour une fois, les atours du livre jeunesse. Au graphisme, cela se traduit par une faune anthropomorphe enluminée d’une ligne claire impeccable aux variations subtiles dans l’épaisseur du trait. Très lisible, la mise en images souffre parfois d’un défaut d’arrière-plan. Le dessinateur laissant, à quelques reprises, au coloriste, la responsabilité de meubler ses séquences.
Premières lueurs inaugure la trilogie Wild’s end à paraître aux éditions Kinaye en installant convenablement ses héros et les enjeux. La fin de ce volet se termine sur un suspens conventionnel. Mais le lecteur s’est attaché aux interprètes, il lira donc de bonne grâce une aventure plutôt bien construite.
Poster un avis sur cet album