D
e tout temps, l’immortalité a constitué le fond de commerce des religions. Certaines promettent que l’âme obtiendra un ticket pour le paradis, d’autres assurent qu’elle migrera vers une enveloppe différente, humaine ou animale. Bref, ce n’est pas d’hier que l’homme et sa fiancée ont un souci avec le concept de fin. Au Siècle des Lumières, les fabricants d’automates ne le savent pas, mais ils posent les bases de l’informatique, laquelle n’est qu’une étape puisque trois cents ans plus tard les scientifiques sont convaincus qu’un jour elle fusionnera avec les êtres vivants.
Dans L’incroyable histoire de l’immortalité, l’épopée du transhumanisme, le journaliste Benoist Simmat raconte deux millénaires observés à travers le prisme de la crainte de la nuit éternelle. La narration de l’ouvrage au ton éminemment didactique est confiée à Alan Turing, lequel vulgarise le propos avec beaucoup d’aisance. Le célèbre mathématicien souligne les liens entre l’obscurantisme, la biologie et la mécanique qui, après avoir longtemps évolué en parallèle, finissent par converger. Les derniers chapitres se révèlent les plus captivants ; le reporter y explique comment les milliardaires des nouvelles technologies investissent dans la recherche sur l’intelligence artificielle, sans que les gouvernements ne s’en mêlent vraiment. Tout cela est inquiétant, car ces questions ont toujours intéressé une droite libertarienne et narcissique.
Surtout connu pour son dessin caricatural, Philippe Bercovici multiplie depuis quelques années les projets journalistiques, entre autres sur la littérature française, la médecine et la franc-maçonnerie. Le choix de l’illustrateur des Femmes en blanc n’est certainement pas fortuit, l’artiste ajoute à ces entreprises une touche de légèreté fort agréable, notamment dans ses décors fourmillant de détails.
Fondamentalement, le transhumanisme est la volonté de ne plus être contraint par les limites de son cerveau ou de ses muscles. Dans l’album, l’auteur aborde essentiellement le sujet sous l’angle scientifique et technique et tout cela relève, encore aujourd’hui, de la science-fiction. Il aurait été intéressant d’entendre son point de vue sur des enjeux sociaux actuels, par exemple le culte d’une anatomie reconfigurée en gymnase ou à la pointe du bistouri, sans oublier le refus du sexe biologique. Une chose est indéniable, la dissociation entre le corps et l’esprit apparaissent très tendance au XXIe siècle, dans les chaumières comme dans les laboratoires californiens.
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