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aria entame sa première année universitaire à Bergen, en compagnie de son amie et colocataire Johanna. Les deux jeunes femmes suivent un cursus d’histoire de l’art et travaillent à temps partiel comme vendeuses. Mais Maria est déprimée. Sa psy ne lui donne que des conseils futiles, ses études ne l’intéressent pas ; elle se laisse aller. Elle sèche de plus en plus les cours, entretient artificiellement une liaison avec Petter, pour ne pas être seule, puis rompt. Elle multiplie alors les aventures d’un soir, mornes et sordides. La consommation d’alcool s’accentue, celle du cannabis commence. Prise d’ennui et de fatigue chronique, Maria se néglige et glisse doucement mais surement vers le chaos.
Après Sous le signe du grand chien (Çà et Là - 2018), qui peignait l'amitié difficile entre deux adolescentes, Anja Dahle Øverbye publie avec Bergen son deuxième roman graphique, au contenu partiellement autobiographique. Par l’observation et la peinture d’un quotidien routinier, en juxtaposant des scènes de la vie ordinaire, l’autrice met en scène une dérive sournoise, insensible et radicale. Les relations humaines sont superficielles et les plaisirs sont automatisés. Malgré les échanges entre les personnages, il n’y a jamais de véritable communication. Par le truchement de ce microcosme estudiantin, c’est l’image d’une société en crise qui est livrée.
Cette ambiance sombre est cependant contrebalancée par le plaisir de dessiner Bergen, chère à l’artiste. Du vieux centre historique aux hauts de la ville, des ruelles pittoresques aux détails des masures, un savant dégradé de gris (crayon graphite et fusain) révèle à la fois le charme urbain et l’atmosphère des cieux norvégiens. Le style est naïf et figé. Il ne cherche aucunement le mouvement ou l’expression, mais plutôt à suggérer une impression au lecteur.
Même si le trait n’est pas totalement dépourvu de quelques perspectives hasardeuses, si le rythme peut sembler indolent et certaines situations pas assez approfondies, cette tranche de vie est attachante.
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