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lace Vendôme, face à Napoléon au sommet de sa colonne, un auteur de bande dessinée vient rencontrer le chef de cabinet de la Garde des sceaux. Son projet ? Réaliser un documentaire en enquêtant au cœur d'un palais de justice de province (précision qui a son importance tant l'activité judiciaire est particulière à Paris). L’avis est favorable. Mais, attention, « nous n’avons pas d’argent » !
Après trois collaborations ayant pour décor leur région natale dans le nord de la France, le duo Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer (auteur notamment de Noir Métal et du Grand A) change d'horizon pour Angoulême (haut lieu de la bande dessinée et terre d'adoption du dessinateur). La Balance, le Glaive et les fourmis s'intéresse à la justice et à son fonctionnement, avec pour objectif affiché de mettre en lumière sa réalité et son quotidien, très éloigné des arrestations spectaculaires et audiences théâtrales que les séries policières (souvent américaines !) donnent habituellement à voir. L’approche se veut ainsi profondément humaine et met l’accent sur tous les rouages qui permettent aux jugements d’être rendus et particulièrement sur les greffier-e-s, maillon méconnu, souvent oublié, et pourtant indispensable. La part belle est faite aux discussions qu’ont pu avoir les auteurs avec les personnes ayant accepté d’ouvrir leur porte (directrices de greffe, président du tribunal ou encore procureur de la République). Le propos est toutefois judicieusement entrecoupé d’anecdotes amusantes et autres moments entre collègues. Les aspects plus visibles de l’activité juridictionnelle sont également montrés à travers le suivi de quelques dossiers particuliers, dont l’un devant la cour d’assises.
Sans être accusateur, l’album révèle aussi les difficultés rencontrées par le personnel du tribunal, malgré son dévouement, pour exercer ses missions. Au moment où la France est régulièrement pointée du doigt pour le montant de son budget alloué à la justice (bien inférieur, en proportion de la population, à beaucoup de ses voisins européens), les traductions concrètes de ce constat sont ici illustrées : de la simple poignée de porte qui attend d'être changée, au burn-out de certains agents. Malgré tout, les différents protagonistes aiment à se le rappeler à plusieurs reprises : c’est pire à Bobigny.
L’ensemble est servi par un dessin simple et efficace utilisant la bichromie à petites doses. Il offre quelques belles vues (de l’extérieur du tribunal ou de la salle des assises par exemple) mais peut s’avérer un peu répétitif puisqu’il est essentiellement centré sur le visage des personnages.
Pédagogique et bien documenté, La Balance, le Glaive et les fourmis est un livre particulièrement utile pour qui veut s’éloigner des clichés et découvrir la face plus cachée de l’œuvre de justice.
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