L
e Mind Management est une organisation d'agents doués de facultés paranormales. Dissoute depuis des années, d'anciens membres tentent de la réactiver, pour diverses raisons. D'autres s'y opposent. Entre les deux factions, une véritable guerre éclate.
L'argument de cette série est finalement très simple. Il ne faut pourtant pas se fier aux apparences. Dès les premières pages, il est évident que rien ne sera ce qu'il paraît. Chapitre après chapitre, Matt Kindt redéfinit les enjeux et les motivations des personnages, multiplie les rebondissements, les retournements de situation et les révélations avec une précision diabolique.
Raconter Mind MGMT relève du pari impossible, tant la narration est imbriquée. Elle passe d'une époque à l'autre, changeant sans cesse de point de vue. Pourtant, chaque pièce s'emboite avec une parfaite fluidité. Le lecteur doit parfois revenir en arrière, et, une fois la lecture achevée, il sera immanquablement pris d'une furieuse envie de revenir à la première page parce qu'il possède enfin toutes les cartes pour saisir l'entièreté des tenants de l'intrigue. Une telle qualité d'écriture reste exceptionnelle en bande dessinée ou ailleurs. S'il fallait chercher des équivalents, il faudrait se tourner vers Alan Moore, Sandman de Neil Gaiman ou Andreas en ce qui concerne le neuvième art, et Christopher Nolan en se référant au septième.
Rares sont les exemples d'un univers auto-suffisant aussi riche et satisfaisant. L'imagination débordante de l'auteur lui permet de mettre en place une mythologie à la fois complètement folle et parfaitement cohérente. Il agrémente également son récit de multiples notes en bas de pages et d'explications dans les marges. Si elles peuvent donner l'impression de n'être que des gadgets, il apparaît rapidement qu'elles contribuent à une expérience de lecture immersive et servent également à apporter un contrepoids ou un éclairage supplémentaire au contenu principal des planches. Bien qu'elle impliquent une gymnastique supplémentaire pour les déchiffrer, l'habitude est très vite acquise et elles s'intègrent finalement sans heurt. Il est impossible de déposer cet album avant de l'avoir terminé.
Si le graphisme peut dérouter de prime abord, il ne faut pas longtemps pour être happé par le récit. Matt Kindt possède un style qui peut sembler brouillon. Sous des airs peu travaillés, il se révèle en fait très efficace. Il possède un excellent sens de la mise en scène doublé d'un dynamisme impeccable. La mise en couleur contribue aussi à créer tout un panel d'ambiance qui souligne le ton particulier des scènes. En fait, un dessin trop réaliste ou plus détaillé aurait immanquablement distrait le lecteur de l'essentiel.
Monsieur Toussaint Louverture, dont le catalogue impose décidément le respect, aura donc publié les trois tomes, soit un millier de pages, de Mind MGMT en douze mois. Une fois ce dernier volume refermé, il est impossible de ne pas saluer la performance réalisée par l'auteur. C'est un véritable tour de force qu'il a réussi, à tel point que son absence dans la sélection lors de la grand-messe angoumoisine de cet hiver semble quasi incompréhensible. Sans trop s'avancer, il s'agit d'une des lectures marquantes de l'année 2021 et d'ores et déjà un classique.
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