D
estin exceptionnel que celui de Werner von Braun (1912 – 1977) ! Né dans l’Allemagne de la défaite et de l’humiliation, ce passionné d’aéronautique devient l’ingénieur en chef du Reich pour lequel il conçoit les premiers missiles modernes. Ses V1 et V2 sèmeront la mort et la peur sur Londres, mais ne changeront heureusement pas le cours du conflit. « Récupéré » par les Américains à la Libération, il est chargé de mettre au point le programme balistique de l'US Army. Forcé par les succès spatiaux des Soviétiques, il passe à la NASA et se met au travail afin de damer le pion à Gagarine et aux Rouges. Il en résultera la célèbre fusée Saturn V, celle qui permettra à Neil Amstrong et Buzz Aldrin de fouler le sol lunaire.
Dix après, Robin Walter retourne au camp de concentration de KZ Dora et propose une biographie dans les règles de l’art du « Professeur », comme l’avait surnommé Adolf Hitler en personne. Sans (trop) juger l’individu, il offre un excellent portrait contrasté d’un scientifique de grand talent doté d’un charisme extraordinaire. Dès sa plus tendre enfance, il n’a qu’un objectif : l’espace et rien ne l’arrêtera. Jeune homme, il se met naturellement au service de son pays. Ambitieux et intelligent, il a rapidement compris qu’il faut jouer le jeu des puissants pour arriver à ses fins. Pour ce faire, il se joint à l’armée, puis aux SS et se fond dans l’abject système forgé par les Nazis. Même si les autorités américaines feront tout pour gommer les aspects les plus sordides de sa carrière à Peenemünde et à Dora, ce lourd passé lui sera régulièrement reproché. Sa réponse face ces accusations ? Il n’avait pas le choix et, de toute façon, lui ou un autre, ça n’aurait rien changé. Malgré cette faible défense, ses réussites cruciales pour la course aux étoiles lui permirent de ne jamais être inquiété.
Astucieusement construit, l’album met en regard la vie d’avant la guerre avec celle d’après. Ce montage parallèle s’avère impeccable. Chacun des innombrables retours en arrière permet d’approfondir la psychologie de Von Braun et de souligner le chemin parcouru. Également pertinentes, les scènes de la vie de tous les jours dans cette Amérique de carte postale apportent des éclairages originaux et très parlants à propos de ce personnage hautement singulier. Dommage cependant que le trait parfois hésitant et, surtout, la mise en « couleurs » trop uniforme (Berlin, la Baltique, l’Alabama ou la Floride, c’est toujours le même gris !) rendent la lecture légèrement austère, voire peu engageante.
Biopic finement pensé et réalisé, Von Braun raconte avec franchise et beaucoup de doigté l’existence hors du commun d’un homme qui, durant toute sa vie, n’a fait que regarder vers le ciel dans l’espoir secret de pouvoir un jour s’y envoler.
Il s'agit de la biographie du plus célèbre des ingénieurs nazis ayant permis aux Etats-Unis de réussir pleinement son programme spatial et de poser en premier le pied sur la Lune dans la course contre l'Union Soviétique.
Les américains ont voulu récupérer la compétence de ces ingénieurs en fermant les yeux sur leur passé criminel. Bon, la plupart n'ont pas pressé sur la détente mais ont participé à ce manège infernal ayant conduit à des millions de morts dans des camps d'internement. C'est cela que l'opinion public ne pardonne pas. Pour autant, en période de guerre froide, il convient de se servir de ce qu'on dispose comme ressource pour gagner la partie face à un ennemi autrement plus redoutable.
En effet, les américains vont grâce à l'opération Paperclip en 1945 récupérer les plus grands scientifiques allemands. Ce pays va surtout s'intéresser à ceux qui ont travaillé à Peenemunde en face de la mer Baltique.
Wernher von Braun fut connu pour avoir fabriqué les fameux fusées V1 et V2 qui vont faire tant de ravage en Angleterre ainsi qu'en Belgique et aux Pays-Bas durant la dernière phase de la guerre mondiale. Hitler aurait pu sans doute gagner la guerre si cette conception avait eu lieu plus tôt, c'est ce que dira le général en chef Eisenhower dans ses mémoires. Ce sont des armes redoutables notamment pour les V2 que les défenses ne parviennent pas à arrêter.
Les américains vont se servir allègrement de Von Braun et de son équipe puis tout doucement s'en débarrasser après la victoire sur la Lune. Il faut dire qu'une nouvelle génération d'ingénieurs américains hautement qualifiés avait pris le relai surtout pour le programme de la navette spatiale. Je n'ai pas trop apprécié cette hypocrisie du système pour parvenir à leurs fins.
La description de Von Braun est fascinante car il a pu s'en tirer à très bon compte grâce à des talents indéniables. Il n'avait qu'un rêve absolu : celui de la conquête spatiale. Et pour cela, il était prêt à tout sacrifier et même à travailler avec le diable pourvu d'arriver à cet objectif. Bref, un pur opportuniste comme on en rencontre assez souvent dans le milieu professionnel notamment.
J'ai trouvé que cette biographie était tout simplement excellente. Un très bon dessin sert l'ensemble. Par ailleurs, c'est réellement passionnant à souhait. On ne rate pas un passage. Je mets presque la note maximale car c'est vraiment un excellent travail.