I
l y a peu d’oiseaux à Beyrouth. À peine quelques colombidés trouvent refuge dans cette agglomération où le béton foisonne et où la végétation se montre rare. Puis, il y a les chasseurs qui font des carnages en s’exerçant au tir. Ironiquement, pour voir des animaux, il faut se rendre à l’animalerie de quartier. Un jeune Français de passage dans cette ville prend conscience de la fracture entre l’homme et l’environnement. Il se dit que ce qui est vrai dans l’ancienne colonie l’est probablement aussi dans sa Dordogne natale.
Dans ce projet, Troubs adopte un ton sobre. Il dévoile les faits et laisse au lecteur le soin de se faire une idée. L’information, bien qu’abondante, n’est jamais écrasante. Le parti-pris de l’exposer sous la forme d’un dialogue entre une tourterelle et le protagoniste se révèle efficace. En toute simplicité et dans ses mots, le volatile raconte son milieu, ses déboires et les conséquences des bouleversements.
De longs épisodes méditatifs en forêt périgourdine ponctuent du reste le récit. Ces bois et la capitale libanaise ont peu en commun. Les chardonnerets semblent constituer le seul point de contact entre les deux univers ; en liberté dans la campagne dordognaise et en cage dans un commerce beyrouthin où ils sont vendus plusieurs centaines d’euros. Cela dit, le bédéphile a du mal à comprendre où le scénariste veut en venir avec cet étrange parallèle entre deux lieux que tout oppose.
Le dessin est très agréable. L’artiste aime visiblement dessiner la nature sous toutes ses formes. Il n’hésite d’ailleurs pas à multiplier les cases où n’apparaissent que des arbres. Évidemment omniprésentes, les bêtes à plumes sont dépeintes avec beaucoup de grâce. La colorisation à l’aquarelle est également réussie, particulièrement pour mettre en valeur la flore et la faune.
Entre les lignes des Oiseaux se lit le douloureux constat que la métropole est désorganisée et que les autorités peinent à y faire respecter les lois. Bien que les explosions survenues dans le port à l’été 2020 ne figurent pas dans l’album, il est difficile de ne pas y penser.
Un joli récit, engagé, sans pour cela être lourd. Néanmoins, les dernières pages donnent tout de même un peu dans le prêchi-prêcha.
Avec Les Oiseaux, le lecteur renoue avec le personnage qu'il avait côtoyé dans Mon Voisin Raymond. Cette fois ci, notre rêveur, partage ses réflexions entre le Liban et la Dordogne. À travers des moments de vie, mais aussi ses dialogues avec les oiseaux, Troubs, analyse la nature et son environnement. En Dordogne, les forêts s'étendent et pourtant, les oiseaux se font rares. Paradoxalement, à Beyrouth, là où la guerre avait tout détruit et où désormais d'immenses immeubles s'élèvent, les oiseaux ont su s'adapter. Troubs réfléchit, observe et essaie de comprendre. Ce livre se contemple, tout comme le personnage principal contemple la nature environnante.
Au travers de magnifiques planches, le lecteur découvre de superbes paysages. Le contraste entre les deux pays est frappant. J'ai passé de nombreuses minutes à regarder les planches. J'ai été séduite par les décors de la Dordogne, les arbres, la forêt. Troubs arrive à la perfection à nous faire sentir la fraîcheur des feuillages, la touffeur des branches. Et puis, quelques pages plus loin, Beyrouth s'étale à nos pieds. Et là, on se sent écrasé par la chaleur. Ce livre multiplie les paysages et les sensations.
Finalement, lire cette BD, c'est réfléchir sur notre impact sur la nature mais c'est aussi en prendre pleins les yeux.
https://aufildesplumesblog.wordpress.com/2021/03/31/les-oiseaux/