M
onsieur, « je préférerais ne pas ». Un jour, qui ressemble à n’importe quel autre dans le quartier de Wall Street, au XIXème siècle, la municipalité new-yorkaise propose les services de Bartleby comme scribe car elle juge qu’il possède les compétences requises pour cet emploi. L’office notarial est dirigé par un directeur qui a sous ses ordres deux autres gratte-papiers : Turkey et Nippers, ainsi qu'un garçonnet de courses prénommé Ginger Nut. Bartleby fournit un travail exemplaire de copiste pendant quelques temps, puis commence à refuser d’exécuter les tâches demandées sans pour autant vouloir quitter son lieu de gagne-pain.
Scénarisée et dessinée par José-Luis Munuera (Zorglub), cette histoire est adaptée d'une nouvelle d’Hermann Melville (Moby Dick) qui fut un succès retentissant sur le thème de la résistance passive, aux balbutiements de l’avènement du capitalisme et de l’émergence de la paperasserie. C’est un « drôle » de dilemme auquel est confronté le patron de ce bureau d’étude; Bartleby, dans la relation employeur-employé ne cherche pas la confrontation mais défie les ordres en préférant ne pas les réaliser. Les plumitifs actifs, eux, ne comprennent pas cette défiance du nouveau bureaucrate et ont comme principale revendication, le renvoi du nouveau venu.
Avec l’aide de Sedyas à la couleur, l’auteur dessine un environnement froid et austère où le bonheur et le bien-être ne semblent plus exister. La « grosse pomme » n’est pas à son avantage dans cet ouvrage, tantôt sous la pluie, sous la neige, favorisant le plongeon dans la besogne qui semble accaparer chaque instant de la vie les protagonistes. L’action se déroule au sein du quartier d’affaire le plus connu des États-Unis, dans lequel gravite la frénésie du libéralisme. Cette liberté, le jeune scribouillard ne la perçoit plus, cloîtré dans un silence inquiétant et observant par la fenêtre de son bureau, un mur de briques.
Selon Max Weber (Economie et société), l'un des pères de la sociologie moderne, la bureaucratie est « le moyen le plus rationnel que l'on connaisse pour exercer un contrôle impératif sur des êtres humains ». Bartleby, le scribe brosse un portrait d’une société émergente où l’esprit de contradiction n’a pas sa place. Ici, le personnage principal représente la chute du conformisme en choisissant de s’arrêter de marcher plutôt que de continuer à courir tête baissée sur un chemin tout tracé. Cette adaptation illustre et résume parfaitement le texte initial de 1853 et procure un complément de lecture fort appréciable.
C'est une adaptation de la nouvelle d'Herman Melville (Moby Dick) portant le même nom. J'aime beaucoup la nouvelle originale et ce roman graphique est un excellent compagnon de support. L'histoire n'est pas reprise 1:1, mais ajoute quelques scènes et approfondie le personnage principal du patron.
Les dessins sont sublimes et je trouve important de mentionner particulièrement la palette de couleur qui renforce énormément les émotions contenues dans le récit. Certaines pages se rapproche plus de peinture à l'aquarelle que de simples dessins.
Pour ce qui est de l'histoire, il faut comprendre la dimension philosophique du récit qui, si prit en surface, peut paraître vide. Ce qu'il faut se demander, c'est qu'est-ce qui arrive lorsque quelqu'un refuse soudainement de faire partie de la machine bien huilé qu'est notre société? Qu'est-ce qui arrive quand un homme décide, contre toute convention sociale, de ne respecter que lui-même et rien d'autre? Le système le rejette, comme une tumeur.
La nouvelle originale comme ce roman graphique sont d'excellentes lectures que je recommande.
J'ai adoré cette fable philosophique, (je l'ai considérée ainsi) entre deux visions de la société que tout oppose. Bartleby serait-il la conscience de son employeur qui doute? Cet autre homme avec qui le patron échange souvent sur ces "vils" employés serait-il son démon intérieur?
Tous ces antagonismes sont servis par un dessin qui est juste magnifique. Les habits, les décors, tout ce fond parfaitement dans l'esprit de moment à part de la vie.
Je ne connais pas la nouvelle dont est tiré ce roman graphique, aussi je ne sais pas dans quelle mesure elle a été suivie. Mais l'ensemble est cohérent, interpellant.
Herman Melville qui a écrit le célèbre « Moby Dick » s'est également penché dans une courte nouvelle sur un employé de Wall Street à savoir Bartleboy. Il voulait dénoncer les conditions de travail et proposer une certaine forme de désobéissance civile.
Ce dernier a en effet un dicton principe lorsqu'on lui demande d'accomplir une tâche particulière: je ne préférerais pas. Il est clair que si on répond cela à notre chef, on se voit flanquer par un licenciement en bonne et due forme. On est au travail pour l'accomplir sans avoir ses préférences. C'est la dure réalité du marché.
Il est vrai que le patron de Bartleboy est un vrai humaniste qu va tout faire afin de lui faire entendre raison. Mais rien ne pourra faire obstacle à la détermination de Bartleboy ce qui aura incontestablement une issue fatale. J'ai eu un peu de peine à la fin de ce récit tout comme ce patron bienveillant.
La moralité de ce conte urbain et professionnel est d'une logique implacable. Il faut se couler dans le moule ou sinon gare ! Il est vrai que beaucoup d'individus l'accepte sans se poser de questions. Cependant, ce n'est pas le cas de tout le monde et j'ai envie de rajouter le mot « heureusement ».
Bref, cette lecture ne nous laissera pas de marbre.
« ……….. !! » Voilà ma première impression lorsque j’ai vu les premières planches de cet album. Bouche bée devant tant de beauté, je me suis réjoui de plonger dans le nouvel album de Munuera. Je ne connais pas la nouvelle d’Hermann Melville et je découvre cette histoire avec les yeux grands ouverts : Les personnages sont remarquables, les couleurs ternes sont épatantes d’a propos, les pleines pages sont bluffantes, les cadrages sont ingénieux…. C’est beau !!
Je découvre donc cette histoire… bien plus complexe qu’il n’y paraît… la préface et l’épilogue m’ont d’ailleurs aidé à mieux saisir l’impact philosophique et sociologique de cette histoire.
Bartleby et sa rébellion passive questionne notre rapport au travail, à la société, mais aussi notre rapport aux autres et à nous-mêmes. Il pousse à la réflexion. Quel rôle ai-je envie de jouer dans ce monde ? Suis-je soumis ? Est-ce que je peux faire preuve de libre arbitre ?
Même si l'album est effectivement d'une beauté graphique absolue, la nouvelle de Melville est essorée pour n'en garder que la partie, sinon la moins intéressante, en tout cas la moins littéraire.
Bartleby, héros du Rien, incarnation du Vide, pouvait difficilement être représenté en bande dessinée, et il faut bien dire que Munuera pouvait difficilement faire mieux. Si la satyre sociale y est bien présente, le principal intérêt de la nouvelle originale, objet éminemment littéraire bien plus que social, parodique, satyrique... n'est pas là.
Ceci étant dit, on peut très bien s'en tenir là, ça reste un album fort agréable à lire.
Cette œuvre sociale est importante et vous devriez vous y plonger au cours de votre vie de lecteur et d'Homme.
L'album est beau et la postface est d'une grande qualité.