C
inq ans, c’est le temps qu’il aura fallu à la police afin de mener ses enquêtes et aux instances pour mettre en accusation les complices des attentats de janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher. Ils sont quatorze, onze présents, trois en fuite, à être poursuivis pour avoir prêté assistance aux terroristes. Yannick Haenel et François Boucq ont endossé le costume d’envoyé spécial et ont assisté à ces débats contradictoires pendant trois mois et demi. Leurs minutes, parues en ligne et dans les pages de Charlie, sont désormais rassemblées pour la postérité dans Janvier 2015 – Le procès.
Même s’il est impossible d’oublier ou de faire abstraction de l’émotion et du chagrin, la cour d’assises est un espace neutre et seuls les faits sont recevables. Les faits et non pas la vérité, car c’est également un lieu d’affrontement au sein duquel, tant les procureurs que les avocats des accusés vont tenter de faire accepter leur version de ce qui s’est passé, en fonction des mêmes sources. La barre voit défiler une foule d’experts, de témoins, de proches qui, tous, font de leur mieux pour répondre aux questions ou partager leur perception de tel ou tel détails d’intérêt. Batailles de mots, de procédures, beaucoup de fatigue et d’énervement, les jours s’enchaînent dans une réalité parallèle où seul des masques devenus obligatoires rappellent qu’une pandémie fait rage à l’extérieur.
Certains mentent, d’autres s’en tiennent aux preuves matérielles, il y a des larmes, des regrets (sincères ou pas) et, revenant à plusieurs reprises sous la plume d’Haenel, une question lancinante : pourquoi décide-t-on de massacrer des innocents ? Évidemment, cette interrogation fondamentale ne sera jamais directement adressée. Puis, finalement, après les ultimes arguments des deux parties, les verdicts tombent, presque sans surprise après tant de tension et d’amertume.
Lecture hypnotique d’une intensité de tous les instants habillée d’extraordinaires portraits sur le vif dans la grande tradition du croquis d’audience, Janvier 2015 - Le procès s’avère aussi être une leçon d'éducation civique sur le fonctionnement de la justice.
« On n’est pas des porteurs de messages. On est simplement des clowns, des saltimbanques. » – Cabu
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