Ça ne va toujours pas mieux pour Jean-Eudes de Cageot-Goujon (vous le connaissez peut-être sous son nom de plume, Manu Larcenet). Souffrant de dépression et plongé en plein doute à propos de ses capacités créatives, il s’est fait interner volontairement dans une clinique psychiatrique. Travailler sur soi, participer à des sessions de groupe, parler, être écouté et, pourquoi pas, retrouver la flamme ?
Malgré les succès et la reconnaissance, comme beaucoup d’autres artistes (cf. Désœuvré de Lewis Trondheim ou le récent Oleg de Frederik Peeters), Larcenet commence à trouver difficile, ou même impossible, de devoir allonger un nouvel album. Comment faire pour se renouveler et éviter de tomber dans la facilité ? Cette peur de la page blanche est accentuée par une tendance maladive à vouloir se comparer avec les Anciens et pas les derniers de la classe par-dessus le marché. Après Cézanne dans le premier tome, c’est au tour de Bosch, Bruegel, Boileau, Nietzsche et Baudelaire d’être appelés au parloir. Ces différents interlocuteurs donnent l’occasion au lecteur de suivre des scènes hilarantes remplies de bons mots, ainsi que de réelles questions existentielles. Le tout est entrecoupé de tentatives désastreuses pour créer « du neuf » et de nombreuses réflexions plus ou moins assassines sur le paysage de la BD.
Si la souffrance de l’homme n’était pas réelle et douloureusement tangible, cette Thérapie de groupe ne serait qu’une autofiction rigolote et vaguement torturée comme il en existe un grand nombre. De plus, le scénariste pousse également en avant une problématique – la maladie mentale – souvent taboue au sein de la société, rien que pour ça l’ouvrage est salutaire et bienvenu. Reste que sa forme hybride mi-déconne mi-psychotique pourrait désarçonner, voire effrayer certains lecteurs. Pourtant, en y regardant de plus près, tout ce qui est raconté dans Ce qui se conçoit bien se trouve déjà disséminé ici et là dans la riche bibliographie du créateur de Bill Baroud. Cependant, Larcenet ne ressasse pas. Non, il se bat réellement contre ses démons et, se faisant, se met totalement à nu.
Exercice tendu et crispé en dépit de l’humour omniprésent et de son extraordinaire construction/mise en image, Thérapie de groupe est une lecture forte et, espérons-le, salvatrice ou cathartique pour son auteur.
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