« Moi, je ne suis pas intelligent... En réalité, je suis informé, mais pas cultivé... s'informer, c'est manger, se cultiver c'est digérer...Depuis que je suis en fonction j'avale et je vomis des infos à jet continu, sans jamais digérer... »
Dire qu'Emmanuel Guibert n'était pas franchement attendu avec un tel titre est un doux euphémisme. Même si le Grand Prix de la ville d'Angoulême 2020 a l'habitude des écarts, lui qui passe d'Ariol à La Guerre d'Alan, en passant par Le Photographe ou Sardine de l'Espace, le retrouver sur ce projet de discussion entre un balayeur et le symbole de la techno-dépendance de nos sociétés pouvait prêter à sourire. Pourtant...
Pour qui connaît le medium, la difficulté de tenir la distance sur l'exercice des gags en une page est réelle. D'autant plus si, comme ici, l'auteur choisit de s'émanciper des cases, se limite à un fond blanc pour décor et opte pour un trait tendance « gros nez ». Mais lorsqu'elle s'accompagne de pensées pertinentes, de dialogues efficaces et d'un sens de la narration aussi consommé, le défi devient quasiment une sinécure. Jouant avec le lecteur (parfois), avec les stéréotypes (souvent) et nos travers d'occidentaux accrochés à nos écrans (toujours), il croque nos nouvelles habitudes, les tord, les moque et ouvre à la réflexion. Jamais méchant, il dresse pourtant un portrait terriblement cruel de l'évolution du rapport à soi, aux autres et au monde qui nous entoure, depuis l’avènement du téléphone moderne.
À contre-courant de la production habituelle d'Emmanuel Guibert ce Smartphone et le balayeur ? Peut-être pas autant qu'il serait facile de le croire a priori. Cet album est surtout un exercice drôle, intelligent et totalement réussi. Vous ne regarderez plus les agents de la voie publique du même œil. Votre « téléphone intelligent » non plus.
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