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uteur de BD abordant l'âge mûr, Oleg est un artiste établi. Ses albums obtiennent régulièrement des prix, sa reconnaissance est certaine au sein du Neuvième Art, tandis que ses fans attendent et réclament sa prochaine œuvre avec impatience. Mais voilà, que raconter de nouveau ? Comment éviter les pièges, la redite ou, pire que tout, la facilité ? Beaucoup d’hésitations et quelques trop rares idées géniales qui ne résistent pas longtemps aux avis clairvoyants de sa compagne et muse ; rien n’est simple, encore plus quand un grave pépin de santé vient frapper un membre de son clan.
Aucun lecteur ne pensera pas qu’Oleg n’est autre que Frederik Peeters lui-même, pourtant cet alter-ego est imaginaire, en tout cas dans l’esprit du scénariste. À l’instar du duo Paul/Michel Rabagliatti, ce stratagème permet surtout de créer la distance nécessaire pour construire une histoire cohérente, rythmée et lisible. Cependant, soyons clairs dès le départ, personne n’est dupe de cet artifice, ce qui est important dans autofiction, c’est le auto-, le même que dans autobiographie.
Réflexions rappelant énormément celles de Lewis Trondheim dans Désœuvré, doublées de la description d’une routine commençant à devenir usante (heureusement qu’il y a sa fille pour le mettre à jour à propos de l’époque), sans oublier les années qui passent et le corps qu’il faut entretenir, ce pseudo-journal intime offre une perspective de choix permettant de mieux appréhender les cheminements de la création. Pour ceux qui en doutaient encore, faire des petits miquets, c’est du sérieux ! Même, si le matériel de départ est intangible et dépend de l’air du temps, ce labeur ressemble à n’importe quel autre job. Il faut se lever le matin et avoir noirci ses planches ou illustrations à la fin de la journée.
Réalisé en parallèle avec Saccage, Oleg reprend une approche comparable à celle des Pilules Bleues, avec vingt ans de carrière et d’évolution graphique en plus évidemment. Si le style est resté identique, la force du geste et le panache ont grandi avec le temps. L’ouvrage est tout simplement somptueux et certaines pages époustouflantes. De plus, preuve supplémentaire de la maîtrise de Peeters, un humour souvent espiègle se fait régulièrement remarquer au fil des chapitres. La superposition d’images mentales incongrues avec le quotidien transforme régulièrement la lecture en une véritable partie de plaisir.
Version actuelle des récits auto-centrés très à la mode au tournant du XXIe siècle, Oleg s’avère être avant tout un témoignage sincère de l’amour et de l’attention que porte Peeters aux siens et à son métier. En bonus pour les passionnés, la révélation de quelques « secrets » de fabrication et, plus généralement, de sa méthode de travail se montrent également très intéressants à découvrir.
Plus qu’une simple chronique de vie Frederik Peeters nous propose un ouvrage sensoriel qui traduit la magie du dessin, ce que l’on aime dans ces traits qui expriment le monde sans le copier. Un regard artistique et humain sur notre existence. Un superbe moment et une lecture obligatoire pour tout amoureux de BD.[...]
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Frederik Peeters voulait pour les vingt ans de « Pilules bleues » faire un « livre miroir », un peu déformant. Il reconnaît d’ailleurs que « la structure du livre est assez proche » et a choisi de publier « Oleg » chez le même éditeur helvétique : « Atrabile ». La parenté des deux ouvrages est enfin soulignée par le choix de la couverture : même couleur rouge, même format…
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Pourtant, ce nouvel opus n’est pas du tout une suite. On y passe du « je » au « il » et le sujet principal semble être Oleg et son processus de création comme l’indique toujours la couverture. On y voit, en effet, un homme allongé, perdu dans ses pensées, semblant rêver à sa prochaine œuvre ou bien structurer son vécu en cases de bd comme semble l’indiquer la mise en page où le nom de l’auteur, le titre et l’éditeur sont inclus dans un gaufrier. Et c’est ce qu’il fait dire à son alter ego : « Il faut voir ça comme une tentative de raconter simplement une vie quotidienne […] À quoi ça rime d'être un auteur de BD vieillissant au 21e siècle ? ». Il répond à cette interrogation de façon presque documentaire tout d’abord. Nous suivons son quotidien d’artiste : il évoque ainsi les longues heures passées sur sa planche à dessin, ses conversations avec son éditeur, ses séances de dédicaces, ses interventions en milieu scolaire dans des saynètes fortement teintées d’autodérision.
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Il nous offre ensuite une savoureuse mise en abyme et renouvelle le thème éculé de l’angoisse de la page blanche : Oleg a plein d’idées, son cerveau « bouillonne » ou plutôt « glougloute » comme il le dit lui-même, mais il a du mal à concrétiser. Observant ce qui l’entoure, il laisse libre cours à son imagination et élabore plusieurs scénarii qu’il soumet invariablement à l’œil acéré de sa compagne, professeur d’histoire de l’art qui finit toujours par lui déconseiller de poursuivre dans cette voie. A la manière du « Magnifique » de Philippe de Broca, Peeters nous offre ainsi un ébouriffant pot-pourri des différents genres régnant dans la bande dessinée et des codes narratifs et stylistiques qui y figurent en les outrant pour en souligner les clichés dans une virtuosité jouissive. Mais cette dimension métalinguistique devient encore plus drôle lorsqu’on s’aperçoit que ces pages fantasques rappellent finalement la bibliographie de l’auteur : on y trouve en effet des références à « Lupus », « Saccage », « RG » ou encore « L’homme gribouillé »… Peeters s’amuse donc ; il construit en déconstruisant, reprend ses anciens ouvrages pour en faire du neuf à la manière du jeu de LEGO dont OLEG est l’anagramme…
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Ce dernier opus n’est cependant pas une œuvre pour « happy few ». Si connaître la bibliographie de l’auteur permet d’apprécier ses clins d’œil, ce n’est nullement indispensable, le comique fonctionne de toute façon. Et surtout, ce n’est pas la dimension principale de cet album qui atteint une portée nettement plus universelle. En effet, quand le héros s’interroge sur sa prochaine création, il décrète qu’il veut s’interroger sur le fait d’« être un auteur vieillissant au 21eme siècle » certes, mais également qu’il veut « raconter l’amour long». Alors, comme dans le jeu de scrabble représenté au verso de la couverture, on peut à nouveau décomposer le titre OLEG et le mettre dans un nouvel ordre : L’EGO (mot compte triple !). Peeters nous touche alors en évoquant l’amour qu’il éprouve pour les deux femmes de sa vie : Elena sa fille adolescente à laquelle il transmet son amour des livres et du cinéma tandis qu’elle l’initie , lui le dinosaure, aux réseaux sociaux, et Alix sa compagne qui va éprouver la maladie. C’est dans ces pages plus intimistes et très pudiques que Peeters excelle se focalisant alors sur des détails infimes et imperceptibles tels quelques gouttes de sueur sur le cou d’Alix, un regard d’Elena et en utilisant de façon somptueuse les noirs…
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« Oleg » c’est à la fois une réflexion sur l’art et l’artiste et une histoire d’humour et d’amour où la maladie vient poser un peu de gravité bientôt balayée par l’autodérision et beaucoup de tendresse. Une œuvre attachante qui parlera aux quadras et quinquas mais pas que … une très belle découverte !
OLEG du dessinateur suisse Frederik Peeters, sorti en janvier chez Atrabile. Un récit qui donne à voir la vie d'artiste, la vie tout court, l'amour et l'entremêlement de ceux-ci. Frederik Peeters dresse le portrait d'un homme plutôt heureux et amoureux en perpétuelle création. La peur de la page blanche et de la recherche créative n'est qu'un prétexte pour nous faire entrer dans son quotidien. Entre humour, maladie et amour, un magnifique récit autobiographique.