T
out le monde aime que les plans se déroulent sans accroc, seulement, dans la réalité, c’est rarement le cas. D’un côté, les ravisseurs ont « perdu » leur prisonnière et, de l’autre, la presse a profité des indiscrétions de l’inspecteur Baratta pour ébruiter l’affaire. Résultat, l’enquête traîne en longueur et c’est sans compter cet autre dossier qui tombe sur les bras du commissaire Sordi. Un joueur de la Roma manque à l’appel et une demande de rançon est arrivée sur le bureau du président du club. Mamma mia, si les sportifs s’en mêlent, c’est vraiment la fin de tout !
Avec No body, Christian De Metter se pose comme l’auteur qui a transposé le plus radicalement les codes des séries télévisuelles modernes en bande dessinée. Intrigue principale et sous-intrigues entremêlées afin de semer le doute, une distribution éclatée avec des personnages aux psychologies fouillées, le tout dans un cadre historique chargé, tous les éléments sont rassemblés pour captiver l’attention du spectateur. En bon « show-runner », le scénariste distille méticuleusement les informations, avance parfois masqué, ménage ses effets et n’oublie pas de lâcher quelques révélations aux bons moments pour relancer le suspens. En résumé, la tension ne retombe jamais et l’attention est irrémédiablement happée.
Dans ce type d’histoire, l’ambiance générale se doit de donner le ton, tant aux événements qu’aux protagonistes. L’Italie des années soixante-dix joue parfaitement ce rôle. Crise économique doublée d’agitation politique violente, les Années de plomb apportent ce qu’il faut de dramaturgie à ce qui ne serait autrement qu’un roman policier très classique. Le trait franc – les visages ! les regards ! - ainsi que les couleurs crépusculaires et délavées utilisées par le dessinateur retranscrivent impeccablement cette grisaille sociale et existentielle. Il ne manque qu’une référence géographique reconnaissable (un monument emblématique, par exemple) pour totalement ancrer les débats. Pagination restreinte ou volonté de laisser libre cet aspect du récit ? Toujours est-il qu’une ou deux grandes planches purement illustratives auraient également permis d’offrir un petit peu de répit au lecteur, tout en lui laissant le loisir de faire le point avant le prochain coup de théâtre.
Complexe, mais pas à en devenir incompréhensible, finement écrit et élégamment mis en image, Les Loups est une lecture prenante et crispante des plus réussies. Suite (rapidement s.v.p. !) et fin dans le troisième tome.
Fan du travail de De Metter depuis longtemps, je ne peux que vous conseiller de lire la série Nobody... Passionnante, intriguante, récompensée par le prix polar 2017 du festival de Cognac, à consommer sans modération !
Un second tome qui complexifie le scénario : vrai kidnapping sans otage, kidnapping bidon, de faux activistes d'ultragauche. Un bon éclairage sur la situation politique italienne des années 70.
Vivement la suite !