A
u commencement était le jeu… Edward Ross aurait ainsi pu débuter son exposé sur cette activité si essentielle chez l’Homme et dans le monde animal. De tous temps, les enfants, en particulier, ont imité les grands pour s’amuser et, à la même occasion, apprendre par imitation les gestes indispensables à la survie. Puis, la Civilisation se développant, cette occupation s’est transformée en loisir, tantôt encouragée, car aidant à l'éducation des élites ou, à l’inverse, honnie et bannie, car vue comme une perte de temps alors que les moissons attendaient. Toujours est-il que l’être humain aime et a besoin de jouer. S’affronter sans réel risque et prouver sa supériorité autour d’un terrain ou d’un damier, mais aussi pour décompresser, tel ces soldats qui, durant la Première Guerre mondiale, osèrent organiser une partie de football avec les gars d’en face. Que se soit pour la gagne ou simplement la beauté du geste, pour occuper une après-midi pluvieuse ou se joindre à un team connecté à travers la planète au sein d’une arène virtuelle avec l’espoir de décrocher une bourse importante, personne ne résiste à l’appel du ludique.
Après une introduction sous forme de rappel historique, l’auteur se concentre tout particulièrement sur les jeux vidéos. Précis, il retrace les différentes étapes qui ont permis de passer de Spacewar (1962) à la dernière version de League of Legends. Méticuleux à l’extrême, il cite à peu près tous les titres parus durant ce laps de temps, en soulignant les avancées techniques et conceptuelles de chacun d’eux. Ce travail de synthèse s’avère impressionnant et c’est sans compter les cinquante pages de notes et de compléments en fin d’ouvrage.
Encore plus remarquable, Ross propose également une véritable étude horizontale à propos de ce qui est devenu une industrie brassant des milliards de dollars. Enjeux sociologiques (racisme, homophobie, féminisme), économiques, moraux et philosophiques, il ne laisse aucune combinaison de touches non attribuée. Par contre, si la matière est bel et bien là, la narration se montre passablement en retrait. Le ton et la manière font beaucoup penser à un interminable cours ex cathedra dans lequel la passion du professeur se serait retrouvée écrasée par la masse d’informations dispensée. Oui, tout cela est intéressant, passionnant même, mais, de grâce, laissez au lecteur un peu de place pour respirer !
Malgré sa densité et une tendance quasi-névrotique à ne vouloir absolument rien oublier, Les Mondes du jeu a le mérite de faire le tour complet de son sujet. Résultat, fort de cette gageure, Edward Ross a amplement gagné le droit d’inscrire son nom dans les high scores.
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