"RoboCop, unité de prévention contre le crime de la police de Détroit. Autrefois, c’était un homme. Ils lui ont enlevé ce droit, remplaçant sa chair et ses os avec du métal et du plastique. Fusionnant son esprit à la machine – Faisant de lui le policier ultime -– et l’arme qui involontairement conduira l’humanité à sa perte.
Tout ça avait semblé impossible à RoboCop depuis le moment où il l’a su.
Que les ordinateurs du Pentagone puissent déclencher une explosion nucléaire –-
Que son esprit soit l’étincelle qui rendrait les Terminators conscients. Incroyable. Mais il en avait la preuve entre les mains..."
Nul n’ignore l’attrait de Franck Miller pour la civilisation japonaise. Le lectorat a pu appréhender cette passion en découvrant son interprétation de l’univers d’Akira Kurosawa à travers son roman graphique Ronin. L’influence du manga Lone Wolf and Cub de Kazuo Koike et de Goseki Kojima a également durablement affecter son travail. La création de la tueuse à gages Elektra Natchios et ses écrits concernant Wolverine abondent en ce sens. Pourtant, cet intérêt se reflète surtout dans l’étude de la relation complexe qui lie Homo sapiens à ses créations technologiques, authentique poncif au pays du Soleil levant et thème qu’il a exploité, accompagné de Geof Darrow, tout au long de Hard Boiled ou de Big Guy and Rusty the Boy Robot.
Sollicité par le producteur Jon Davison pour l’élaboration d’une suite au long-métrage RoboCop de Paul Verhoeven, le sulfureux New-yorkais s’est aussitôt investi dans le projet. Il a souhaité accentuer la dualité du personnage, entre les émotions profondément humaines de l’officier de police Alex Murphy et les raisonnements en langage binaire de l’androïde. Seulement, ces concepts n’ont pas été retenus ou ont été largement remaniés, de telle sorte que l’empreinte de la star de la bande dessinée américaine sur la pellicule peine à être décelée. Le maître du négatif a alors procédé à la transposition de ses scripts, toutefois l’aventure éditoriale n’est pas plus limpide que l’épopée cinématographique. Un temps, Avatar press a produit une version de Frank Miller’s Robocop, réédité chez Boom ! Studio en 2013 sous le titre RoboCop : Last Stand. Concomitamment, la Maison des Idées a publié un mensuel (23 numéros) ainsi que l’adaptation des films. De son côté, Dark Horse Comics a orienté une partie de son catalogue vers l’industrie de la licence (Aliens, Prédator, Indiana Jones, The Mask). L’occasion est trop belle pour Diana Shultz, responsable éditoriale, de signer un « gros vendeur » et d’engager une fructueuse collaboration qui verra naître les chefs-d’œuvre Sin City et Give me Liberty (premier tome de l’odyssée de Martha Washington). Au final, la jeune structure a fait quatre mini-séries composées d’autant de numéros, parmi lesquelles le crossover culte de la fin du siècle dernier, RoboCop versus The Terminator.
Afin de créer une cohérence scénaristique et pas une horripilante rencontre fortuite, Frank Miller adopte un postulat malin. Dans son récit, l’intelligence artificielle Skynet, qui s’oppose à l’humanité au cours de la saga Terminator, trouve son origine suite au déploiement d’une avancée scientifique destinée à sauver l’agent des forces de l’ordre Alex Murphy. Simple et efficace, cette idée permet d’imbriquer les franchises et de construire des événements à rebours de la proposition d’anticipation de James Cameron. Dès le début de l’album, une résistante séjourne dans le passé en vue de détruire l'hybride flic/cyborg. À l’endroit des néophytes, le divertissement du grand écran envoyait, quant à lui, un tueur cybernétique abattre Sarah Connor – la mère du leader de la résistance humaine en 2029. La construction en miroir est agréablement entretenue, mais exige de bien connaître les contributions originelles. Le script fait fi de la complexité du voyage temporel et, à l’instar de toute superproduction hollywoodienne, installe des respirations consacrées aux faire-valoir drolatiques et à des dialogues qui dégoulinent de bons sentiments - hors de propos, donc !
La mise en images est confiée à l’expérimenté Walter Simonson. Outre ces vastes runs sur Mighty Thor (épisodes #337 à #382) et Fanstastic Four (kiosques #337 à #354), le virtuose a contribué au succès de divers produits dérivés (Star Wars, Galactica, Jurassic Park, Sword of Sorcery). Sa parfaite maîtrise du médium se fait ressentir par l’utilisation de cadrages appropriés et par la justesse de la composition de ses planches. Il tutoie ici la qualité de production de ses meilleures années (Orion, The Lawmoner man ou encore Alien : The illustrated story). Il dynamise les séquences d’affrontement par des pages iconiques, où les circuits des automates volent en éclats et les onomatopées se déforment. Il pose habilement des caméras au sol, utilisant cet angle de vue comme case d’exposition. Hormis quelques postures stéréotypées de coups directs portés par un protagoniste sur l’autre, l’illustrateur tente de mettre du mouvement au cours des nombreuses scènes de combats. Un bémol cependant, l’écoute est centrée sur le duel des titans et les arrière-plans ne sont pas soignés avec la même ardeur. De manière complémentaire, la colorisation a été révisée lors de sa réédition en 2014. Les palettes utilisées rendent désormais justice à l’encrage de celui qui a été récompensé d’un Harvay Awards pour l’ensemble de sa carrière (Hero Initiative Lifetime Achievement Award, 2010).
Spécialisé dans l’exploitation de licences américaines découlant du cinéma de genre, l’éditeur Wetta propose enfin ce standard du neuvième art resté jusqu’à présent inaccessible à tous les francophones. Il est inséré au label Vestron et présenté à l’intérieur d’un petit fascicule au format souple, couverture à rabats et vernis sélectif. L’histoire est complétée d’un feuillet constitué d’une poignée de croquis dont une pleine page magnifique, détournant l’affiche promotionnelle de 1987. Les collectionneurs les plus avertis se tourneront vers une mouture luxueuse, en noir et blanc, limitée à deux cent cinquante exemplaires. Attention, battez-vous !
Robocop versus The Terminator est un blockboster réalisé par un duo d’artistes à l’apogée de leur talent. Les raccourcis et autres imprécisions sont balayés par une débauche d’effets visuels et une écriture millimétrée qui alterne action, scènes sexy et humour. Un véritable plaisir coupable !
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