I
l peint. Malgré l'observation plus ou moins bienveillante d'un obscur groupe de personnages, il peint. Mais pendant ce temps, dans leur chaumière, son père se meurt. Il meurt d'avoir trop travaillé dans cette grande usine que l'on voit là-bas, où tous commencent par perdre leur santé, pour finir par perdre leur âme. Tout ça pour laisser son petit peindre. Alors, le fils renverse le schéma et part lui aussi à l'usine pour soigner son père. Des rencontres "artistiques" avec un alter-ego qui fait dans l'abstrait aux entrevues moins sympathiques avec les surveillants de l'usine se tisse l'histoire de ce petit cochon qui débute dans la "grande vie" d'une manière un peu trop cruelle...
La première lecture d'Ex Abrupto ne compte pas. Ni la deuxième d'ailleurs. C'est à partir de la troisième que des éléments commencent à sortir du brouillard. Si on y ajoute la lecture des 36 planches supplémentaires du TL, la quatrième lecture se finit les larmes aux yeux. Extrêmement différent des travaux de Manu Larcenet auxquels on s'est habitué, Ex Abrupto est un album graphique. Difficle de dire le contraire étant donnée l'absence totale de texte ! Mais quel coup de crayon ! Malgré le manque de repères, on pressent la trame de fond qui est loin d'être aussi simple que, par exemple, celle d'un Smart Monkey qui travaille sur le même procédé.
Larcenet est père, et ça se voit. Il en a les inquiétudes, les bonheurs aussi dans cet album, bien loin de Laurence Pernoud©. Peut-être plus près de la réalité ? Il reste néanmoins quelques zones d'ombre, mais l'auteur le dit lui-même : "Il ne faut pas chercher à tout comprendre".
Le dessin est magnifié par le format à l'italienne, sans case, qui lui permet de respirer, de prendre tout l'espace nécessaire. Du coup ce travail tout en crayonnés, à l'opposé des personnages nettement détourés du Combat Ordinaire ou du Retour à la Terre, ajoute à la densité de l'histoire. Est-ce le manque de texte qui, tel un manque d'oxygène, permet à l'esprit de s'évader ? Ou le trait puissant? Ou encore le papier utilisé par les Rêveurs de Runes, doux au toucher, et épais sous le doigt ? En tout cas, chacun a son interprétation de cet album, venant de son histoire personnelle, ou de son envie du moment. Que demander de plus ?
Un album qui fait parler de lui pour son côté énigmatique, mais aussi un très beau livre, tendre, sensible et parfois brutal pour parler de l'amour filial (quel grand mot!) et de la passion, de la nécessité de gagner sa vie et du besoin de trouver le bonheur en réalisant ses envies. A lire !
Impossible d'aller au bout. C'est en lisant la chronique que j'ai saisi l'histoire... Je n'ai pas compris la relation père-fils. Ni vraiment le réel du cauchemar. Le personnage principal a toujours une expression enjouée bizarre. Pas assez clair pour moi dans l'émotion suggérée.
Et pourtant, j'aime beaucoup le travail de Manu Larcenet. Même ses premiers titres. Mais celui-ci n'a pas fonctionné pour moi. Tant pis...
Pour moi, « ex abrupto » reste une des oeuvres les plus personnelles (avec Presque, toujours chez le même éditeur) et les plus abouties de Manu Larcenet.
Les principaux thèmes abordés par Larcenet dans ses bd sont présents dans ce livre : la création, la maladie, la mort, l’angoisse, le regard des autres...
Une bande dessinée muette (mais est-ce encore une bd ?) comportant deux cases par page, découpée en plusieurs chapitres assez courts.
Si le début est assez bucolique voire enjoué, l’histoire vire rapidement vers le tragique à travers la maladie du père du héros, le petit cochon. C’est noir, très noir mais c’est beau.
J’ai même trouvé une similitude avec Chaplin dans le final (le héros habillé comme un clochard quittant sa maison ou ce qu’il en reste).
On peut s’attarder sur chaque page pour admirer ce dessin torturé, ce dessin d’un véritable écorché vif.
Si la première lecture nous laisse assez dubitative, c’est un livre que j’ai surtout aimé relire et dont on tourne les pages avec plaisir. Je ne conseille évidement pas ce livre aux habitués de la bd franco-belge labellisée 48CC par JC Menu, même les amateurs du Larcenet de Le combat ordinaire ou de Le retour à la terre risquent d’être désorientés.
Par contre, les adeptes de "Presque" ou encore de "Dallas Cowboy "ne peuvent passer à côté d’un tel chef d’oeuvre.
Un choc graphique, une mise en abîme scénaristique, un bel objet éditorial, donc un album incontournable.