A
près son escapade parisienne, le Chat a choisi d’accompagner le Malka et son lion dans le désert. Le Malka, conteur infatigable et roublard, est arrivé à un tournant de sa vie. Celui où on doute, où l’on s’aperçoit qu’on n’a pas encore toutes les réponses alors qu’on a atteint « l’âge de raison », où l’on se demande si l’on peut encore trouver la force de continuer. Mais, avec le temps, il a acquis une dimension de "légende locale", il a donc un rôle à assumer. Et ça, il n’est pas prêt à y renoncer.
Le rabbin, on savait que c’était lui (le Chat aussi probablement). Le Malka, ce faux-sage malin qui n’hésite pas à dire ce qu’il a à dire, ce conteur d’histoires, ça ne fait plus aucun doute, c’est lui aussi. A plusieurs reprises, Joann Sfar regrette dans son dernier Carnet (Caravan à l’Association) que le succès du Chat du rabbin ait changé le regard des gens, et des médias évidemment, à son égard. Là où il se considère comme un chantre de la laïcité et un pourfendeur des tentations et des dérives communautaristes, certains ont tendance à faire de lui un porte-parole de la congrégation juive. Alors que ses livres ne font que parler de gens et d’une société en se refusant de mettre la spiritualité et la religion sous un éteignoir. Qu’on se le dise, le Chat n’est pas une sorte de « Torah pour les nuls » et il est ridicule de faire de son auteur une sorte d’ambassadeur, apparemment disponible et disert il est vrai, apte à s’exprimer sur tous les faits d’actualité ayant un rapport plus ou moins lointain avec la condition juive (place de la religion dans une société laïque, actes racistes, situation au Proche-Orient etc).
Pourtant, avec ce quatrième volet, il ne modifiera pas son statut, peut-être s’en accommode-t-il d’ailleurs. On est assez loin de l’exposé théologique, le registre est celui de la fable et le ton se laisse aller, dès que l’occasion est donnée, à la bonne humeur teintée d’une légère dose de dérision. L’influence du soleil et l’ambiance truculente propre à l’Afrique du nord de l’époque jouent sans doute. Ses personnages ne sont pas des icônes, leurs paroles rares et dépourvues de solennité . Les thèmes évoqués, dévoilés au fil de l'eau et un peu pèle-mèle comme souvent chez l'auteur, parlent d’eux-mêmes. Être et « avoir été ». La vieillesse et la déchéance. Les sentiments vrais et les faux-semblants. L’esbroufe et le vrai courage. La tentation de céder à l’excès face à une sagesse privilégiant la tolérance et la non violence. Tout ceci avec une économie dans la démonstration qui n’évite pourtant pas une exubérance dans certaines scènes.
C’est souvent la force des non-dits (ou des vite exposés) qui fera le reste. Au lecteur de soulever les questions qui trouvent un écho en lui, d’interpréter les faits, de les rattacher aux évènements réels – historiques ou d’actualité – et surtout de se forger sa propre opinion. Comme ce devrait être le cas avec les Saintes Ecritures. Oh il ne s’agit pas avec ce constat de surestimer, voire de sacraliser le discours et la portée du Chat du rabbin mais simplement de saluer la démarche et le savoir-faire. Pour certains, le dépouillement du propos et parfois du trait laisseront un goût de « très peu » (construit, abouti, profond au choix). Pour d’autres, ceux qui prennent le temps d’une respiration entre les chapitres pour mieux digresser à partir de ce qu’on leur offre, ce sera un plaisir. Un peu court cette fois au regard de ce qu’ils peuvent tirer des inestimables Carnets mais un plaisir certain.
Malgré un graphisme toujours aussi approximatif, typique du style de Joann Sfar, la lecture de ce quatrième tome est tout à fait plaisante. On se régale à suivre les aventures du Malka, du lion et du chat (et du serpent !) dans le désert, qui est un décors fascinant. Et comme d'habitude, sous couvert d'humour ou de conte, Sfar arrive à traiter joliment de thèmes plus profonds (ici la vieillesse, la mort ou le racisme). Album bien sympa au final !
L'un de mes préférés de la série, avec plein d'humour et d'anecdotes passionantes.
J'ai trouvé ce tome 4 un peu en deça des 3 premiers et j'ai pris moins de plaisir à suivre les aventures du sympathique chat du rabbin. Pourtant le ton et le trait sont les mêmes. Reste quelques belles trouvailles et peut-être un peu de lassitude de ma part.
L'album de la série que j'ai préféré jusqu'à maintenant. Pourtant, il est beaucoup moins concis et n'enseigne que par le conte, la fable des déserts... L'émotion est au rendez-vous; il fait bon de quitter le bitume chaud et pollué de l'été pour remonter le cours du temps. On y retrouve un peu moins de substance pour les néophytes comme dans les trois autres albums mais, la dynamique formée par le lion, le chat, le malka et ses histoires bidon se laisse tout simplement dévorer. Excellent!
Le chat du rabbin suit le Malka des lions à travers le désert. Le Malka est en apparence un grand conteur, un vrai héros et un séducteur hors pair. Seulement, le chat du rabbin va vite se rendre compte que derrière le Grand Malka se cache un vieil homme rongé par le doute.
Sfar est un grand narrateur et c’est avec une grande habilité et brio qu’il nous conte cette jolie fable d’un artiste en fin de carrière qui sent que son emprise sur le publique n’est plus la même qu’avant. Tout comme son lion il devient vieux, mais par fierté il ne veut pas terminer sa carrière dans un cirque. Comme tout artiste il aimerait qu’on se souvienne encore longtemps de lui après sa mort, il aimerait tant laisser une trace indélébile avant de quitter la scène.
Sfar nous livre ici une réflexion subtile, humaine et non moralisante sur la vieillesse, la mort, la sagesse et la tolérance face à la terreur et la guerre. Son dessin est toujours aussi particulier, haut en couleurs et chatoyant.
Malheureusement, le chat du rabbin n’a toujours pas retrouvé la parole et reste « réduit » à son rôle de narrateur. C’est vraiment dommage car depuis le premier tome de la série nous savons tous que si le chat est un excellent conteur, c’est dans le dialogue que son esprit contradictoire excelle.