]Lucio Urtubia, décédé en juillet de cette année, a consacré sa vie à la cause anarchiste, même s'il s'est toujours considéré comme un simple compagnon de route et n'a jamais adhéré à aucune organisation. De son enfance misérable dans l'Espagne ecrasée sous le joug de Franco, il a développé une aversion profonde pour toute forme d'injustice. Il n'aura de cesse de "rééquilibrer la balance", considérant que « Voler, pour moi, si on avait faim, ce n’était pas voler. Je ne piquais pratiquement que des biens destinés aux bourgeois, avant qu’ils nous les revendent beaucoup plus cher. Je sautais ces étapes et me servais directement dès que je pouvais. »
Il se confie à une jeune étudiante, Amaïa, lui racontant ses combats et ses faits d'armes. Il relate comment il conjuguait une existence simple de père de famille et d'entrepreneur avec celle de révolutionnaire, finançant la lutte par une longue série « d’expropriations » (des braquages, pratique qu'il abandonnera rapidement), de « récupérations » de matériels divers (notamment d’imprimerie), de fabrications de faux papiers et autre fausse monnaie, d’enlèvements... Son coup le plus célèbre fut une vaste fraude aux traveler checks, ciblée contre la Citibank, qui y perdit vingt millions de dollars en 1979.
L'admiration que lui voue Mikel Santos Belatz est flagrante. Il dresse un portrait extrêmement romantique de cette vie qui mêle aventures à la Robin des Bois et normalité d'un homme simple et humble. En conséquence, son propos manque singulièrement de point de vue. Son seul angle narratif sont les souvenirs racontés par le vieillard. Cela rappelle les histoires d'ancien combattant du vieux Tonton Alphonse qu'il ressasse dans les réunions de famille. C'est donc avec un respect indulgent qu'est écrite cette biographie. Les gentils sont clairement identifiés, tout comme les méchants : les politiciens, les banques, les curés, les flics... La vision du monde qui en résulte se révèle finalement assez binaire.
Le livre reste agréable à lire. Le graphisme allie harmonieusement l'aspect réaliste et la délicatesse de la dimension intime du récit. Il faut d'ailleurs souligner le très beau travail de mise en couleur. Le scénario, quant à lui, est composé de flashbacks s'articulant autour de discussions entre le héros et une étudiante réalisant un mémoire sur lui. Il évite ainsi le déroulement platement chronologique. Mais il manque cruellement de mise en perspective et de contextualisation. Aussi sincère qu'il soit, Le Trésor de Lucio laisse un goût d'inachevé. Il échoue à transmettre la passion qui anime son auteur. Un peu de contradiction n'aurait pas fait de tort, Lucio Urtubia aurait sans doute aimé débattre et cette bande dessinée serait apparue moins lisse et plus intéressante.
J'ai trouvé cette lecture plaisante mais sans réel petit plus qui ferait toute la différence. Je m'y suis pas trop ennuyé. Il est vrai que j'ai découvert un personnage assez intéressant à savoir Lucio ainsi qu'un parcours d'anarchiste assez notable pour mériter d'être raconté.
Il m'a manqué toutefois un ressenti plus fort au niveau de l'émotion car le rythme narratif est un peu trop long pour bien s'attacher au héros, une sorte de justicier qui vole aux riches pour donner aux pauvres. Le public peut parfois aimer les personnages qui agissent selon leurs convictions même si cela les amènent à la case prison.
Il manque également de surprises notables tant cela reste sur du déjà vu maintes fois. On va se perdre également dans les méandres de la chronologie avec tous ces flash-back mal coordonnés. La fin de ce récit m'a également laissé sur une note d'inachevée.
Par ailleurs, le graphisme n'est guère transcendant. Bon, c'est autant d'inconvénients qui se cumulent et qui font que ce titre parfois trop bavard ne m'a pas réellement convaincu. J'ai senti néanmoins beaucoup de potentiel pour l'auteur qui fera mieux la prochaine fois.