1910. Mademoiselle Marguerite voudrait profiter d’une belle journée du mois de mai pour courir au milieu des fleurs et des papillons, mais la gouvernante lui rappelle que son ouvrage de couture n’est pas achevé. Restée seule dans la grande demeure, elle s’aventure dans le grenier. Sous un portrait au regard perçant et menaçant, elle tombe sur une malle. Par curiosité elle l’ouvre. Par jeu elle y entre. Par malice, le couvercle se referme sur elle. En 2010, une autre Marguerite, dans la même maison, s’ennuie. Les copains ne sont pas là et il n’y a rien à la télé. Livrée au désœuvrement, une course-poursuite avec son chat l’entraîne sous les combles. Sous une peinture reproduisant un visage à l’étrange expressivité, se tient une sorte de grand coffre. Elle s’y cache et se retrouve prisonnière. Après des efforts désespérés, les deux Marguerite parviennent à s’extraire de leurs geôles provisoires. Mais à leur réapparition, tout a changé. L’habitation, le quartier et la ville sont les mêmes, mais les gens et les choses y sont totalement différents. Les adolescentes ont été transportées chacune dans l’époque de l’autre.
Initialement paru en 2009, cet album est réédité à l’occasion de la sortie du film qu’il a inspiré, L’Aventure des Marguerite, réalisé par Pierre Coré. Le prolifique Vincent Cuvellier, à qui l’on doit romans, albums jeunesse, documentaires, articles ou essais, reprend le classique thème du voyage dans le temps, mais en l’agrémentant à sa manière. D’une part, il narre deux déplacements temporels en miroir, ce qui démultiplie le potentiel de gags et quiproquos. D’autre part, il partitionne subtilement ses planches : la moitié supérieure pour l’avant-guerre ; l’inférieure pour le monde contemporain. Le dessinateur Robin (Les Larmes d’Esther, Poverello) attribue les teintes sépia au siècle dernier et la couleur à nos jours. Nul risque ainsi de se perdre, même pour le plus jeune public.
Les deux héroïnes, malgré l’incongruité de la situation, ne cèdent à aucun moment à la panique. Tout au plus sont-elles surprises, désemparées ou énervées par certaines situations. S’enchaînent stupéfactions, déceptions et, le plus souvent, scènes comiques. L’une découvre Jimi Hendrix, la guitare électrique et le téléphone portable. L’autre fait connaissance avec « un petit frère débile, un grand frère raciste, un père qui fout des claques ». Il ressort de cette fantaisie plaisante et légère qu’il n’est de meilleure époque que celle dans laquelle on vit, quelle qu’elle soit. À méditer, de 7 à 77 ans.
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