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ondouillard, Robilar mène une vie de pacha auprès de la comtesse de Carabia. Hélas, tout cela s’efface quand sa maîtresse trépasse sous le pas inopiné d’un ogre métamorphe qui s’éclipse aussitôt. Unique survivant du carrosse écrasé, le gros chat est bientôt castagné par un bouseux édenté et des félins ensauvagés. Sauvé par Panisse, le cadet du meunier, un beau garçon un peu idiot, il est mis à la diète et fort mal apprécié du reste de la maisonnée. Une bonne vengeance contre cette vile engeance, tel est le plan du félidé exaspéré. Avec un roi en manque de gibier, sa fille à caser et quelques tours sortis de sa besace, il n’a plus qu’à jouer. À condition d’être chaussé !
Ah ! Qu’il a fière allure, sur la couverture, ce matou-là, campé sur ses pattes arrière dûment bottées, la queue telle un panache, le poil immaculé et le sourire madré. Dans son dos, un cortège de figures en furie émergeant des buissons. En une image, le ton est donné pour une histoire qui tient en haleine sur soixante-quatre pages. Car, si le chat du fameux conte n’en est plus à sa première déclinaison, il faut bien convenir que celle proposée par David Chauvel (Wollodrïn, Mafia story, Arthur, etc.) et Sylvain Guinebaud (La porte des mondes et des collaborations pour certains tomes de Détectives, sur Sept dragons ou encore le quatorzième volet de Kookaburra Universe) se révèle fort goûteuse.
En effet, puisant aux sources de la fable, le scénariste livre un récit réjouissant dont la trame globale est, certes, connue, mais qui se trouve, ici, astucieusement renouvelée, par l’intégration adroite de références amusantes et d’un véritable passé pour le héros poilu. À cet égard, la transformation du minet de salon bedonnant en rusé raminagrobis, à la suite de la perte de son paradis, ne manque pas de piquant et constitue une merveilleuse accroche. En parallèle, les autres protagonistes, au caractère volontiers grossi, sont introduits sans anicroche et la comédie prend rapidement des allures enlevées, les événements s’enchaînant sur un rythme soutenu, jusqu'au dénouement final qui ménage quelques surprises. Les dialogues se révèlent inspirés et posent les jalons des rebondissements successifs, tout en participant pleinement à l’ambiance. Fleuri et emphatique, le discours narratif en vieux français est ainsi contrebalancé par les tournures grossières du parler paysan, pour un résultat convaincant, petites trouvailles et jeux de mots en sus.
Le dessin n’est pas en reste, puisque Sylvain Guinebaud et Lou, qui le seconde aux couleurs, offrent de très belles planches joyeusement animées. Grâce à un trait expressif qui se plaît à les brocarder, le premier confère à chaque acteur de la ribambelle d’intervenants une vraie personnalité qu’il porte sur le visage, si bien que tous, qu’ils soient bêtes ou humains, ont le profil de l’emploi. Les décors, bien léchés, sont à l’avenant, tantôt chiches – au moulin – ou, au contraire, imposants – au palais et dans l’église. Le découpage alterne avec bonheur cases et bandes, avec, par moments, une planche entière ou une demie, ce qui permet une grande variété de cadrages et de points de vue. Quant au choix des teintes, plutôt chaleureux, il peaufine harmonieusement l’ensemble et le baigne dans une atmosphère pleine d’allant.
Savoureux et bien mené, ce tome initial de Robilar, le maistre chat ferait presque miauler de plaisir. La dernière page tournée, l'envie presse de poursuivre la route avec le félin patelin. Déjà annoncée, la prochaine aventure devrait paraitre en janvier ; il y aurait alors un ogre à marier.
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Très alléché par une fort jolie couverture et de forts bons échos je me suis plongé dans cette variation sur le Chat botté assez enthousiaste. Avant toute chose je tiens à préciser qu’il s’agit d’un album 100% Delcourt qui s’inscrit dans une ligne fort bien connue avec des auteurs qui ont fait toute leur carrière dans ces collections aux jolies couleurs et aux dessins « BD ». Je suis Sylvain Guinebaud sur les réseaux sociaux et apprécie beaucoup ses dessins animaliers humoristiques. Si ses planches sur Robilar sont agréables avec un trait à la fois rapide et détaillé je relève un encrage qui passe moyennement à l’impression avec un résultat parfois imprécis, estompé. Très attaché aux encrages j’ai trouvé que cela affaiblissait la technique costaude du dessinateur. Il reste que son rôle n’est pas des moindre dans cette équipée à trois puisque dans cette farce qui tient plus de Rabelais que de Perrault son art de la grimace est tout à fait efficace.
Sur l’histoire je passerais rapidement puisque hormis une introduction assez étrange nous narrant les origines « nobles » du chat avant de tomber chez le « Marquis » sans que l’on comprenne bien son utilité, on suit l’intrigue connue de tous… jusqu’à une fin ouverte qui permettra sans doute dès le tome deux de s’extraire du carcan littéraire. La principale qualité de ce Robilar est ainsi dans son texte. David Chauvel est connu, outre son rôle de directeur de collection, pour Wollodrin, variante de Fantasy s’inscrivant dans l’univers des méchants orcs. On va retrouver ici cette envie de dépasser le conte en mode farce mais surtout en jouant sur le langage des gueux et des seigneurs, passages les plus truculents de l’album. Allant à la rencontre de différents groupes de personnages (des chats de gouttière complètement stones aux paysans au langage de cul-terreux), le chat va donc fomenter son plan de gloire d’abord, de vengeance ensuite comme on l’imagine sur la suite.[...]
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