Le record est tombé ! Après dix-sept jours de compétition, près de 2.300 amateurs de BD ont participé au vote pour désigner le Meilleur album 2010.
L’équipe de BDGest vous remercie d'avoir participé nombreux à cette consultation de lecteurs. En 2010, plus de 3.800 nouveautés nous ont été proposées (source : rapport de Gilles Ratier pour l'ACBD) et il est bien entendu impossible de tout lire. Nos choix de lecture sont orientés par les actions de promotion des éditeurs, les conseils des libraires et, bien sûr, par le bouche-à-oreille auquel un site internet peut contribuer.
La consultation aura été marquée par quelques jolis duels acharnés et autres triangulaires disputées. Dans la catégorie suprême, un lauréat qui a puisé son inspiration dans les actes d’une personnalité à laquelle on a souvent reproché de ne jamais être sortie vainqueur des urnes ! Quai d’Orsay, album favori des bédégestistes en 2010, qu’on se le dise !
Cette sélection large et variée vous aura peut-être permis de découvrir des albums intéressants. Éveiller la curiosité, inviter à dépasser le champ de ses lectures habituelles... Tels sont les objectifs du site au quotidien, illustrés une fois par an par le bilan ludique que constituent les BDGest'Art.
Par rapport à l'an passé, la participation aux BDGest’Art a une nouvelle fois fait un bond en avant (+ 15 %). Ce bon résultat en accompagne d'autres pour le site : plus de 56 millions de pages vues en 2010 (+ 13 %), près de 500 chroniques publiées, 180 previews d'albums présentées, 49 concours organisés, 130 news et interviews proposées, etc.
Merci de votre fidélité et rendez-vous mi-décembre 2011 pour la prochaine édition. D’ici là, bonnes lectures et bonne année !
Le haut du pavé est donc occupé par Quai d’Orsay (Dargaud) qui est un passage particulièrement dynamique et souriant dans les coulisses de la diplomatie en compagnie d’un jeune thésard chargé de participer à la rédaction des discours du maître des lieux. Là, sous la plume d’Abel Lanzac et de Christophe Blain, Alexandre Taillard de Worms, copie quasi-conforme de Dominique de Villepin, y déploie une énergie ébouriffante en usant d’un « langage » qui ne se limite pas au verbe, mais qui dépasse fréquemment les limites du lyrisme pour verser, avec force de gesticulations, dans l’emphase pratiquée comme une discipline physique. Les fans sont rassurés, un deuxième volet est annoncé pour le printemps 2011.
À une toute petite poignée de voix, Pluto de Naoki Urasawa (Kana) pointe son nez. Le retour de l’auteur de Monster (Kana) et 20th Century Boys (Panini) était attendu avec impatience en version française (la série a été en effet publiée dès 2004 au Japon). Le fait qu’il s’agisse d’une adaptation d’Astroboy, classique de l’âge d’or signé du Dieu du manga, Osamu Tezuka, aiguisait la curiosité. Le savoir-faire du mangaka pour tenir le lecteur en haleine avec un récit feuilletonnant reposant sur une enquête policière et des éléments mettant en jeu robots et autres intelligences artificielles est à nouveau démontré. L’attente a été longue, mais le résultat est là : la série a fait des adeptes au sein d’un large public, au point, par exemple, de clouer le bec de ceux qui n’auraient jamais cru voir un manga en si bonne place dans le palmarès d’un site non spécialisé dans la BD d’origine asiatique.
Troisième, Château de sable (Atrabile) signé Pierre-Oscar Lévy et Frederiks Peeters. Dans un décor familier, une plage, des protagonistes banals dans leur diversité, évoluent, aussi au sens littéral du terme, dans un huis clos à ciel ouvert qui va mettre leur personnalité à rude épreuve. Incursion dans une dimension où le temps s’affole et joue avec ces « Monsieur tout-le-monde », cette balade fantastique a des allures de conte cinglant, hypnotique au point de s’interdire de le lâcher avant d’en connaître l’issue, servi par un trait d’une virtuosité toujours époustouflante. Trois beaux livres, très différents, qui méritent une place de choix dans toute bédéthèque d’amateur de sensations variées.
Dans cette catégorie également, tout s’est joué à un cheveu. Pour la première fois en huit éditions, c’est à un one-shot que revient la palme : Soul man, Pittsburgh État de Pennsylvanie 1964… (Delcourt). Un bon vieux polar, bien ancré dans son époque, les 60’s, avec sa pègre, ses caïds, son magot, ses entourloupes... bref, tout ce qu’on aime. Avec son jeu de masques et ses duperies en cascade, David Chauvel a composé un récit où ceux qui croyaient les plus malins en sont pour leurs frais et qui n’arrête pas de rebondir jusqu’à sa conclusion. Le tout sans excès de gros calibres. Jubilatoire.
Juste derrière, visible dans le rétro et clignotant en action jusqu’à la dernière ligne droite pour tenter un dépassement victorieux, celle qui restera probablement dans les mémoires comme la plus fameuse série franco-belge de ces dernières années : Il était une fois en France (Glénat). Après quatre tomes (dont trois primés ici-même), impossible de ne pas rester collés aux basques de Joseph Joanovici, ambivalent salopard et héros ordinaire, collabo et résistant selon les circonstances, mais avec un objectif unique : sauver sa peau et préserver sa famille. La plus difficile des tâches n'étant pas nécessairement celle que l'on croit. La saga ne semble pas marquée par le spectre du fameux « tome de transition » et Aux armes, citoyens ! fait preuve d’une richesse qui la conforte dans son rang de chouchou des bédégestistes. À noter que le 4e du classement est également signé Fabien Nury (La mort de Staline t1) qui, outre l’art de savoir bien choisir ses complices – en l’occurrence Sylvain Vallée et Thierry Robin - montre qu’un auteur peut à la fois cumuler les citations et les places d’honneur, mais aussi disperser les voix en créant de sérieux dilemmes à ses lecteurs. Cornélien et fatal d’un point de vue arithmétique, réjouissant dans tous les autres domaines.
Lauréat en catégorie Meilleur 1er album en 2009, Ken games (Dargaud) confirme son statut. La conclusion d’une série est toujours un exercice délicat et José Robledo, en compagnie de Marcial Toledano, a répondu aux attentes. Le sort et les rapports de ses trois menteurs de choc ont séduit jusqu’au bout du triptyque.
Jean-Pierre Gibrat couronné sur BDGest, c'est tout sauf une surprise... mais ça n'était jamais arrivé. Avec la seconde partie de Mattéo (Futuropolis), l'oubli est réparé. Sous son pinceau, les volumes laissent songeurs, les angles de vue étonnent, les lieux prennent vie : un fort bel écrin rehaussé d’aquarelle pour Mattéo et Léa, qui évoluent dans Petrograd secouée par la révolution. Et puis, les héroïnes de Gibrat...
Authentique monument de la BD, La quête de l'oiseau du temps (Dargaud) figure en bonne place dans le palmarès avec son 7e tome, La voie du Rige. Aux côtés de deux dessinateurs devenus pour la circonstance scénaristes, Vincent Mallié a su offrir aux fidèles de la première heure comme aux heureux découvreurs de dernière minute, une nouvelle incursion dans l'univers de Bragon et, bien entendu, du Rige, dans le respect de la ligne artistique originale.
Après Billy Wild, qui lui avait valu une reconnaissance unanime pour ses débuts, Guillaume Griffon est revenu en 2010 avec Apocalypse sur Carson city (Akileos). Avec son style identifiable au premier coup d'œil, il a délaissé le western pour construire un univers en ébullition, hérité en droite ligne du cinéma bis, avec ses « gueules » typiques, ses excès, ses effets de style, son côté rentre-dedans, toujours pied au plancher. Indiscutablement, la « patte » vaut le détour.
Blacksad (Juan Canales et Juanjo Guardino, Dargaud) compte indiscutablement parmi les séries culte et nombreux sont ceux qui jettent un regard enamouré sur chacun de ses épisodes. Lauréate dans la catégorie Dessin en 2003, elle pointe cette fois ses moustaches en Couleurs. Une scène tonique de carnaval et un instant délicieux sous les feuillages justifiaient à eux seuls une citation. Dans un même élan, plus d’un votant sur trois a choisi de porter au pinacle le félin détective dans la catégorie où il apparaissait.
Autre registre, autre technique avec Le dernier des Mohicans (Soleil) mis en images par Cromwell. Sa composition, toute en intensité et en matière, restitue la violence du contexte, l’âpreté des souvenirs et la dimension angoissante de l’environnement en jouant notamment avec l’obscurité. Immersion en milieu hostile et sauvage garantie.
Autre séducteur chromatique, Jacques Lamontagne, avec Aspic (Quadrants), a su rehausser son trait, déjà charmeur, d’une gamme de tonalités et de textures appropriées pour faire du récit aux accents de fantastique concocté par Thierry Gloris un régal, appuyant l’aspect tour à tour enjoué et inquiétant de la première aventure de leurs Détectives de l’étrange. Épatant.
Chaude lutte pour désigner le Meilleur Premier album parmi un trio qui se tient dans un mouchoir de poche. Tout d'abord une histoire d'amour magnifiquement exposée : Le bleu est une couleur chaude (Glénat). Une jolie histoire qui puise dans le vécu de l’auteure, Julie Maroh, et démontre sa faculté à communiquer, avec sensibilité, la fragilité, l'intensité des premiers émois, la portée des non-dits, des regards et des gestes, les étapes par lesquelles les héroïnes passent, les sentiments éprouvés, les doutes, les incompréhensions, les révoltes. Une première œuvre marquante.
Autres temps, autre genre, avec Le banni (Le Lombard) qui s'inscrit dans une veine classique de l'Heroic fantasy. Le récit basé sur des faits guerriers mais aussi sur la déchéance des hommes, écrit par l'expérimenté Henscher, bénéficie de l'audace de son jeune dessinateur, Tarumbana, qui fait ici de solides premiers pas. Grâce à une variété de points de vue, de teintes et d'éclairages, le premier volet du diptyque sort du lot. La suite est attendue de pied ferme.
Tout juste derrière les deux précédents, Block 109 (Akileos) des débutants Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat a secoué le cocotier angoumoisin en janvier dernier. Avec leur uchronie culottée dans laquelle le IIIe Reich cédait la place à un Nouvel Ordre Teutonique triomphant des Alliés, ils ont surpris. En ancrant leur pure fiction dans des repères connus, en jouant la carte du grand spectacle, des comportements entiers et de la dimension dramatique, ils ont fait preuve d'une audace et d'une fraîcheur qui relèguent quelques écueils au rang de détails. Un an plus tard, leur troisième album, dans le même univers, est attendu en librairie.
Un lapin, deux quatuors et un duo de légende au coude à coude en Jeunesse ! Avec ses chevaliers, L'épée d'Ardennois (Paquet) d'Etienne Willem offre un spectacle familial, alliant bravoure et humour, mettant en scène des personnages animaliers. Suffisamment riches en expressions, incontestablement dynamiques, ils ne doivent rien à personne, quand bien même ils font vibrer la corde du souvenir, en s'inscrivant dans les profils traditionnels de productions Disney découvertes, en leur temps, par des parents aujourd’hui satisfaits de partager ce type d'aventures et de graphisme avec leurs enfants.
Pour les apprentis détectives des Quatre de Baker street (Djian, Legrand et Etien, Vents d'ouest), le constat est différent. Les thèmes, le traitement et le graphisme les destinent à un public plus endurci. Le contexte politique exposé dans Le dossier Raboukine, 2e volet de la série, la rudesse, voire la violence, de certaines situations exigent un minimum de maturité pour goûter le travail des auteurs. Néanmoins, lorsqu'il y a un an, nous avions pronostiqué que ces quatre-là feraient leur chemin dans la cote d'affection des lecteurs de BDGest...
À propos de l'aventure de Spirou et Fantasio, Panique en Atlantique (Dupuis) , proposée par Lewis Trondheim et Fabrice Parme, on a à peu près tout entendu, en positif comme en négatif : variation burlesque et moderne pour les uns, ratage cauchemardesque pour les autres, en passant bien évidemment par les soupirs des gardiens du Temple. Alors, comment interpréter le vote des bédégestistes ? Réflexe pavlovien dès qu'une icône pointe son nez ? Reconnaissance du travail claironnée avec vigueur pour que les réticents prêtent un autre regard sur cet album ? Une fois encore, on peut dire tout et son contraire...
Pas de quartier dans cette catégorie. Après avoir raflé le butin en 2007, Long John Silver marque son entrée dans la jungle amazonienne en faisant main basse sur plus de quatre suffrages sur dix. Le labyrinthe d'émeraude dispose en effet d'atouts majeurs en termes d'évocation : frisson de l'inconnu, pénombre refuge de tous les dangers, silence à peine troublé par le clapotis des rames ou quelques bruissements échappés d'une épaisse végétation, éclairage somptueux qui joue avec la brume permanente.
Autre époque, autre ambiance pour son dauphin, Jour J – Les russes sur la lune ! Pour une certaine génération, les premiers pas sur la lune, comme la une qui semble sortie d’un numéro jamais publié de Life présentant un astronaute près de la bannière étoilée, sont chargés de souvenirs et de rêve. Cette couverture, détournement d’un célèbre cliché, frappe et introduit parfaitement le concept d'uchronie : un logo, un cosmonaute près du drapeau rouge à la faucille et au marteau. Il n'en faut pas plus pour que la mémoire cède la place à l'imagination : et si... . Objectif lu, en un coup d'œil.
Sur la troisième marche, le premier tome de Zombillenium et son gros plan qui capte l'attention : visage lisse d'une créature qu'on devine plantureuse et doté d'un fort caractère, silhouette d'une autre créature, fantastique et menaçante, en reflet. Confrontation en vue ? Efficace, c'est aussi ce que l'on demande à une couverture.
Le Jury 2010 a souhaité distinguer une création qui relève à la fois de la série et, d’une certaine manière, de l’initiative. En 14 mois, sous l’égide d’un « petit » éditeur qui aligne les choix remarquables qui construisent son identité, Fabrice Colin, Serge Lehman et Stéphane Gess ont proposé un récit complet, composé un univers peuplé de super-héros évoluant sur le continent européen au cours d’une période trouble. La conclusion de l’article publié à l’occasion de la sortie du 6e et dernier tome traduit l’enthousiasme procuré par la découverte de cette série qui a su jouer des codes classiques pour imposer les siens : "Brillant du début à la fin, audacieux dans sa thématique et sa construction, exigeant mais respectueux envers le lecteur, La brigade chimérique est peut-être l’une des meilleures surprises de ces dernières années. À découvrir de toute urgence, si ce n’est déjà fait."
Quelques rappels à propos des BDGest'Art :
Du 16 décembre 2010 au 3 janvier 2011, bdgest.com a organisé ses traditionnels BDGest’Art. Pour la 8e année consécutive, les habitués du site (65.600 inscrits début janvier 2011) ont été invités à élire leurs favoris dans le cadre de 7 catégories.
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