Les lauréats des BDGest’Art 2007 sont désormais connus et les habitués du site ont choisi de couronner Trois ombres de Cyril Pedrosa dans la catégorie reine. Vous trouverez dans le commentaire qui suit le palmarès complet des sept catégories proposées cette année ainsi que le prix du Jury.
L’édition 2007 nous semble à ce point intéressante qu’elle a mobilisé un nombre significatif de passionnés de bandes dessinées qui ont exprimé leurs coups de cœur de l’année. Avec plus de 1.100 suffrages exprimés pour la catégorie Meilleur album (deux fois plus qu’en 2006 !) et une première place âprement disputée, cette consultation publique reflète les goûts d’un public large et varié auquel il était proposé une sélection riche et éclectique. Dans les autres catégories, la compétition a été très souvent acharnée et le résultat incertain jusque dans les dernières minutes du vote.
L’équipe de bdgest.com vous remercie pour avoir joué le jeu et confirmé les atouts du support internet, parmi lesquels la possibilité de participer, de réagir et de suivre l’évolution des résultats en temps réels. Nous vous donnons d’ores et déjà rendez-vous mi-décembre 2008 pour la prochaine édition. D’ici là, bonnes lectures !
Trois ombres (Delcourt) est donc le vainqueur de l’édition 2007. Avec son conte à la fois charmeur et bouleversant, Cyril Pedrosa a rallié le plus grand nombre de suffrages autour de l’histoire de ce petit bonhomme que ses parents refusent d’abandonner à son destin. Un récit marquant qui tord au passage le cou au faux théorème qui voudrait qu’il n’y a point de salut populaire lorsqu’on s’éloigne des formats et des paginations traditionnels et surtout lorsqu’on se risque au noir et blanc et aux variations de traits dans un même ouvrage. Un récit sincère, un pari culotté, quelques imperfections, soit les caractéristiques essentielles d’une œuvre profondément humaine.
Face à lui, longtemps en tête des votes, un mythe de la bande dessinée : La quête de l’oiseau du temps et son 6ème tome (Dargaud). Avec le savoir-faire du tandem Le Tendre – Loisel (primé en 2005 avec Magasin général) pour retracer la genèse d’une série qui a bercé les rêves de nombreux lecteurs et initié un genre depuis maintes fois décliné, il est évident que ce titre constitue une valeur-refuge. D’autant plus que le choix de confier le dessin à M Aouamri s’est révélé tout à fait convaincant pour un résultat graphique à la hauteur de l’attente des fans.
A la troisième place, un message d’espoir et d’optimisme délivré par Shaun Tan autour d’un sujet qui ne s’y prête pas nécessairement, le parcours d'un homme contraint de tout quitter afin d'assurer un plus bel avenir aux siens. Là où vont nos pères (Dargaud), avec ses tons sépia et sa dimension biographique, a touché ses lecteurs.
A remarquer également que même s’ils ont finalement rallié relativement peu de voix, deux comics (Criminal et Desolation Jones) faisaient partie de la sélection. L’année 2007 s'est distinguée par la présence remarquée de nombreux titres d’auteurs américains qui ont secoué certains genres pour en renouveler le traitement, le polar en particulier. Hasard de plannings et de catalogue ou mouvement qui sera confirmé en 2008 ?
Il était une fois en France (Nury – Vallée – Delf – Glénat) aura passé les 16 jours qu’a duré le scrutin solidement aux avant-postes sans réellement trembler. Le premier volume de l’histoire de Joseph Joanovici a comblé les amateurs de saga, de trajectoires de self made men qui cultivent les paradoxes et qui entretiennent des relations ambiguës avec la morale. Les cinq volets suivants sont d’ores et déjà attendus de pied ferme.
Son challenger était un poids lourd, de renommée internationale. Death note (Kana) fait en effet l’objet d’un culte un peu partout sur la planète, en témoignent son adaptation en longs métrages et animes ainsi que les produits dérivés que la série a inspirés. Le Jury avait retenu les tomes 2 à 4 particulièrement haletants et bien construits, les quelques incohérences, rebondissements capillotractés et analyses psychologiques retorses amusant plus le lecteur qu’ils ne l’ont réellement agacé. Le changement de direction engagé à partir du tome 5 ainsi que les tomes 6 et 7, un cran en dessous, publiés eux aussi en 2007 auront peut-être refroidi quelques enthousiasmes au moment du vote.
Ile Bourbon 1730 (Delcourt) et sa libre lecture de l’histoire de la Réunion échoue à la troisième place et salue le talent d’Appolo qui avait également récolté une nomination pour le 1er tome de Biotope (avec Brüno – Dargaud) en catégorie Meilleur album. Le retour au dessin pour une histoire complète de Lewis Trondheim n’est pas à occulter dans le pouvoir de séduction exercé par l’album mais c’est la chronique d'un peuple en pleine reconstruction racontée par un passionné enfant du pays qui est ici couronnée.
Transfuge de la catégorie Jeunesse dans laquelle il obtint le 1er prix en 2005, Le vent dans les sables (Delcourt) a rassemblé les voix de près d’un votant sur cinq. Si la fidélité et la constance sont des vertus, celles des bdgestistes à l’égard du travail de M.Plessix méritent d’être saluées.
Adoptant la technique du Qui va piano va sano, G.Rosinski, pour le 30ème tome de Thorgal (Le Lombard) a construit très progressivement sa deuxième place. Mais peu importe le rythme au fond, l’essentiel étant de saluer la performance d’un dessinateur désormais maître de la technique de la couleur directe. A noter qu’il avait occupé la première marche du palmarès en 2005 pour le 2ème tome de La vengeance du Comte Skarbek.
A une demi-encablure, Siegfried signé A.Alice (Dargaud) et sa relecture mise en images de la légende des Nibelungen. Sous le charme de son ouverture digne d’un feu d’artifice inventif et décoiffant, ses amateurs se sont rapidement mobilisés pour lui permettre de faire la course en tête pendant une grande partie du concours. Gageons qu’ils se tiennent prêts à valider un nouveau ticket à l’occasion de la sortie du tome 2.
A noter, la présence du troisième volet de la série lauréate pour le Meilleur album en 2006 à la quatrième place, Magasin Général t3 (Loisel – Tripp – Lapierre – Casterman).
La raison d’être d’une catégorie Couleurs ? La pertinence de ce choix est toujours le sujet d’interminables conversations : « les techniques sont tellement variées que, faute d’être technicien ou expert dans le domaine, il est bien difficile de comparer telle ou telle réalisation », « dans certains cas, la mise en couleur fait partie intégrante du dessin, ce qui abolit les frontières entre ces deux catégories » ou encore « pourquoi s’acharner à tout segmenter alors que ce qui est intéressant c’est le Tout que constitue un album ?». Le Jury 2007, après avoir tourné ces interrogations plus de sept fois sur le tapis des débats, a finalement choisi de présenter une nouvelle fois une sélection Meilleures couleurs. Ne ce serait-ce que pour donner l’occasion de jeter un coup de projecteur sur le travail de certaines petites mains, au savoir-faire souvent incomparable pour valoriser et renforcer le pouvoir de séduction d’un dessin ou d’un scénario. En assumant le risque de trouver sur le podium des auteurs complets qui assurent, avec talent, à la fois dessins et couleurs et non des coloristes spécialisés.
Cette année, c’est le troisième et dernier volet de Zoo (Bonifay – Pé – Dupuis) qui l’emporte. La conclusion tant attendue de cette série aura ainsi eu sa brassée de lauriers, amplement méritée, par le biais de ses couleurs. Et peu importe finalement si elle est emblématique de l’approche fusionnelle dessin-couleurs pour son créateur, l’essentiel, selon l’expression consacrée, est peut-être aussi ailleurs.
Suivent, au coude à coude, Le cycle de Cyann t4 (Lacroix – Bourgeon – Vents d’ouest) et Siegfried (Alice – Dargaud).
Sans vouloir user de la métaphore bon marché, force est de constater qu’il aura fallu du souffle pour boucler le tour de piste dans cette catégorie. Le suspens a été haletant et c’est le titre le plus régulier en termes de suffrages collectés qui l’aura emporté d’un cheveu sur un adversaire qui, par à-coups impulsés par ses supporters, a su se hisser à son niveau.
Hel, signé du duo Y.Beaupuis-A.Renaud (Delcourt), a séduit avec sa fascinante héroïne jouant les monte-en-l’air dans une cité peuplée d’individus aux profils insolites et aux caractères forts qui n’ont pas fini de livrer leurs mystères. Captivant aussi par son intelligence et sa rigueur, il s'agit d'un joli coup d’essai pour les premiers pas de deux néophytes.
Billy Wild (Akileos), arrivé second, est a priori bien différent. Céka n’en est pas à son premier scénario (Ego vox, Le procès notamment) mais il a offert à G.Griffon la possibilité d’offrir un écrin taillé sur mesure à un genre nouveau : le western gothique. Au programme : couverture d’une sobriété coup de poing, noir et blanc éclatant, « gueules » marquantes. Hel et Billy Wild ont cependant en commun de s’inspirer de mythes pour se les approprier et construire d'autres histoires qui ont peu à voir avec des adaptations.
Soulignons toutefois que ces deux titres ont capté plus d’une voix sur deux relégant leurs poursuivants assez loin derrière. Parmi eux, Smoke city t1 (Delcourt) se détache et permet à B.Carré d'imposer sa maîtrise technique pour composer une ambiance particulièrement réussie pour illustrer le scénario de M.Mariolle (Pixie, De sang froid notamment).
Le lauréat 2007 a au moins une particularité : celle d’avoir été retenu par le Jury à la fois en Meilleur album et en Album Jeunesse. Un livre comme Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill (Gallimard), ça suscite des débats. Pas seulement à cause de son titre, d’une faconde peu ordinaire, mais parce qu’il irrite parfois inutilement le cuir chevelu de ceux qui aiment tout ranger dans des boîtes : « typiquement jeunesse, regarde le sujet et le trait », « pas du tout, il faut une certaine maturité pour apprécier et le sujet et le trait, ce que n’ont pas les jeunes d’entre nous (les lecteurs de BD) ». Pour couper court, il a donc concouru dans les deux catégories. Et l’histoire bdgest / Emile Bravo (lauréat du Prix du Jury 2005 pour une série avec Une épatante aventure de Jules) n’est apparemment pas prête de s’achever. Avec Jean Regnaud, il a composé une nouvelle fois une histoire faite pour tous, les petits curieux qu’aucun thème n’effraie mais aussi les grands gamins qui sont toujours partants pour discuter avec eux.
A sa suite, des habitués du podium, puisque Seuls (Vehlmann – Gazzoti – Cerise - Dupuis) et Lou ! (Neel – Glénat) occupaient déjà les mêmes places d’honneur en 2006 (et la petite Lou était déjà 3ème en 2005 !).
Le jury 2006, cédant à une douce euphorie, avait – aussi symboliquement que virtuellement – choisi de remettre trois prix : le premier à un album (Pourquoi j’ai tué Pierre de Ka, Alfred et Meunier – Delcourt), le second à une série (Une épatante aventure de Jules par Bravo et Chedru – (Dargaud) et le dernier à une idée (la collection 32 de Futuropolis).
L’assemblée 2007 a été plus sobre. L’autre fin du monde de Ibn Al Rabin (Atrabile) a très rapidement émergé des discussions pour finalement s’imposer comme une évidence pour une large majorité de membres. Comme le précise la chronique publiée sur le site, Ibn Al Rabin signe un récit dense, structuré, qui frappe par sa cohérence malgré la fantaisie du propos. C’est aussi une œuvre pleine de drôlerie, débordant d’esprit, ce que son sujet de départ (le décès de l’être aimé) ne laissait pas naturellement supposer. Impressionnant, dépouillé et intrigant dans sa forme, propice au questionnement et à la réflexion, cet album laisse aussi à celui qui s’y plonge la capacité de s’investir dans sa lecture, sans laisser ses facultés et sa personnalité au vestiaire. Livre hors norme, il y aura bien quelques esprits qui lui reprocheront d’être très éloigné du cahier des charges de la bande dessinée tel qu’on l’entend habituellement. C’est un fait dont on peut facilement s’affranchir en se réjouissant de la diversité du 9ème Art. D’autant que le Jury a eu un coup de cœur et chacun sait que le cœur a ses raisons…
Pourtant, face aux albums qui ont suscité débats et passion (parmi lesquels ACME de C. Ware chez Delcourt ou Le grand Autre de L.Debeurme chez Cornélius), le Jury a également souhaité relevé une initiative, un choix éditorial visant à proposer une série d’albums peu chers, idéale pour l’achat d’impulsion et la fringale « lectivore », construite autour du principe du feuilleton auquel tous les amateurs de séries sont attachés. L’exemple le plus emblématique a évidemment été proposé par Paquet qui, en plus de la collection Tekap, a lancé Cité 14 (de P.Gabus et R.Reutimann) qui étanche la soif de ses fans à raison d’un volume par mois depuis avril 2007 pour un euro symbolique et un intérêt constant. Il doit y avoir un moyen de lui faire une petite place au soleil de l’Autre fin du monde.
Quelques rappels à propos des BDGest'Art :
Une présélection en amont
Un Jury a établit une présélection de 10 titres maximum publiés en 2007 dans 7 catégories qui vont être soumis au vote du public. Ce Jury est composé de douze membres inscrits sur le site parmi lesquels on trouvait cette année un administrateur du site, un journaliste, des chroniqueurs réguliers, un libraire et des amateurs éclairés, tous gros lecteurs de bandes dessinées.
Précisions
Un album ne peut cumuler des citations dans les trois premières catégories.
Pour la dernière catégorie, il doit s’agir de la première œuvre publiée pour l’un des auteurs.
Qui participe au vote ?
Pour participer au vote, il suffit d'être un visiteur enregistré sur le site BDGest.com. Un seul vote est accepté par adresse IP. En conséquence, plusieurs personnes qui partagent un même ordinateur ne peuvent exprimer qu'un seul vote. Le système repère également les différents ordinateurs utilisés par un même membre, pour éviter les votes doubles. Tout cela peut sembler un peu rigide, mais c'est le prix à payer pour conserver leur légitimité aux BDGest'Art.