Les éditions Cambourakis ont inauguré au mois d'avril dernier une collection consacrée à l'Asie avec la sortie de deux albums. Si l'auteur des Maîtres, Ji-Woo Lee, est encore inconnu du lectorat européen, celui de Entre Ciel et Terre a déjà acquis, avec La Balade de Yaya (sept tomes sortis aux Éditions Fei), une petite notoriété. La mythologie chinoise et le taoïsme s'invitent dans la nouvelle série de Golo Zhao qui a cette fois également écrit le scénario.
Quand avez-vous eu l’idée de ce scénario ? Avant La Balade de Yaya ?
Golo Zhao : Tout a commencé par une petite histoire que j’ai imaginée en 2010 et qui s’appelait « Luciole » ; j’en avais tracé les grandes lignes. Au début, je voulais dessiner une petite fille qui habitait dans un petit village et avait une vie difficile, et il y avait quelqu’un qui pouvait prendre soin d’elle. C’était ma première idée et, un an plus tard, j’ai commencé à en faire une histoire longue, à élargir la perspective.
Comment s'est déroulée la collaboration avec les éditions Cambourakis ?
L’album s’ouvre par un extrait du Shijing. Quelle est la place de ces poèmes dans la culture chinoise aujourd’hui ?
G.Z. : Ce genre de références n’est pas fréquemment utilisé. C’est un recueil très ancien, après tout, qui date de près de 2600 ans. En fait, la langue elle-même est très ancienne, très différente du chinois moderne. C’est quelque chose de très beau, un vrai trésor pour nous, et les étudiants l’apprennent au cours de chinois, à l’école primaire. Par exemple, la phrase qui ouvre l’album signifie que la luciole va et vient, et ne s’arrête jamais.
Quels éléments de la mythologie chinoise retrouve-t-on dans Entre Ciel et Terre ?
G.Z. : On y retrouve ce qu’on appelle le taoïsme. C’est la deuxième religion la plus importante en Chine, différente du bouddhisme. J’essaie d’en expliquer la signification dans mon histoire, celle d’un garçon qui, maudit par une fille, va tomber amoureux de 6 monstres, dans un environnement différent. En fait, c’est inspiré du taoïsme, dont les adeptes croient qu’après la mort, on passe par les « Six Destinées » en enfer avant de renaître dans le monde des humains.
La mort et le deuil sont deux thèmes très présents dans ce premier tome. Pensez-vous que tous les sujets peuvent être abordés avec les enfants ?
G.Z. : Je pense que quand des enfants font face à la mort de quelqu’un qu’ils aiment, il y a quelque chose d’universel, c’est très difficile et triste, mais en même temps, il y a des différences entre la Chine et la France au niveau des funérailles, des coutumes et de la perception de la mort. J’essaie de le montrer à travers mon histoire. Dans le premier volume, la petite fille a été mal comprise, c'est le début d’une tragédie.
Quelles sont vos influences en termes graphiques ?
G.Z. : J’essaie de varier les styles, par exemple en utilisant le noir et blanc. Je pense que le fait d’avoir lu tant de « Lian Huan Hua » m’en a fait reprendre des éléments, comme l’importance du décor ou la puissance du contraste entre le noir et le blanc. Je pense que le noir et blanc est différent de la couleur, c’est une autre façon de créer, de montrer ses sentiments, une autre forme d’art. Pour ce livre, c’est la première fois que je me mets au noir et blanc, mais le style reste proche du manga et j’espère pouvoir aller au-delà de cette influence.
Justement, pourquoi avoir choisi le noir et blanc plutôt que la couleur comme sur La Balade de Yaya ?
G.Z. : Je pense que l’effet est différent, par rapport à la couleur. À mon avis, la couleur et le noir et blanc sont deux façons différentes de montrer notre créativité et notre émotion. C’est un peu comme goûter deux plats différents : le lecteur peut comparer les saveurs. Comme je vois les choses, quand on dessine, le crayon est ustensile et le papier est la poêle, et la technologie un atout pour rendre le plat délicieux.
Les différents formats (à l’italienne pour La Balade de Yaya, normal pour Entre Ciel et Terre) changent-ils votre façon de travailler ?
G.Z. : Pas tant que ça. Parfois, ça a du bon de s’essayer à un autre format, parce que la narration ne sera pas la même. En Chine, le format des « Lian Huan Hua » est identique au format italien. Peut-être y a-t-il un lien entre les deux. Je serais curieux d’essayer le format italien en noir et blanc si j’en ai un jour l’occasion. Je pense que les sensations seront différentes, l’expérience aussi.
En combien de tomes est prévue Entre Ciel et Terre ? À quel rythme de parution ?
Que pensez-vous de l’initiative des éditions Fei, à savoir former des duos d’auteurs franco-chinois ? Les méthodes de travail et la façon d’aborder la bande dessinée sont-elles vraiment différentes d’un pays à l’autre ?
G.Z. : Quand deux personnes travaillent ensemble, elles doivent se comprendre. Parfois, cela pose problème, mais on s’en sort bien. Pour moi, c’est juste une autre manière de créer des histoires. Soit je travaille avec un scénariste, auquel cas nous joignons nos forces pour créer ensemble quelque chose de nouveau, soit j’illustre une histoire que j’ai moi-même inventée. Je suis toujours très content de travailler avec un bon scénariste, d’illustrer de belles histoires, et en même temps, j’ai moi-même beaucoup d’histoires à raconter. L’important, finalement, est de faire un bon livre.
Vous attendiez-vous à un tel succès de La Balade de Yaya en France ?
G.Z. : Je n’y pense pas au début, quand je me mets à dessiner l’une ou l’autre histoire. Je veux juste faire le meilleur travail possible. J’ai été surpris par le succès de La Balade de Yaya. C’est quelque chose d’imprévisible, et on veut juste donner le meilleur de soi-même. J’espère que le même succès sera au rendez-vous pour Entre Ciel et Terre.
À part ces deux séries en cours, quelles sont vos autres activités en Chine ?
G.Z. : Je vais publier plusieurs livres en Chine. Nous envisageons de publier la version chinoise d’Entre Ciel et Terre cette année. J’espère que ça pourra se faire. Un recueil d’histoires courtes sera également publié en chinois en juin, et la version française paraîtra en août.
Avez-vous d’autres projets de bande dessinée ?
G.Z. : Oui, je pense que La Balade de Yaya se terminera cette année, et mon recueil d’histoires courtes paraîtra en août. Pour l’année prochaine, je prépare quelque chose de très intéressant. Ouvrez l’œil !