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Partis dans le bon wagon ?

Entretien avec Xavier Fourquemin

Propos recueillis par L. Cirade et L. Gianati Interview 16/12/2012 à 10:03 4958 visiteurs
Après les rues de Bourbon Street, c'est à bord d'un train que Philippe Charlot emmène ses lecteurs pour sa deuxième série éditée dans la collection Grand Angle, chez Bamboo. Un train, oui, mais pas n'importe lequel car celui-ci transportait, au début du 20e siècle, des jeunes orphelins vers l'Ouest des États-Unis pour y trouver, non seulement une famille d'accueil mais également pour fournir en main d’œuvre les industries locales. Une fois n'est pas coutume, c'est le dessinateur, Xavier Fourquemin, qui est venu répondre à quelques questions dans le cadre du récent festival de Saint-Malo.

Traiter d'une histoire d'orphelins hors de l'enceinte d'un orphelinat, c'est particulièrement motivant pour sortir des sentiers battus ?

Xavier Fourquemin : Pour moi, que les enfants soient dans l’orphelinat ou à l’extérieur n’est pas le plus important. Ce qui m’a le plus intéressé, c’est l’histoire de ces enfants livrés au monde des adultes. Dans un orphelinat, on aurait plus joué sur les rapports de forces entre les pensionnaires et les surveillants. L’extérieur permet d’ouvrir les champs de possibilités et au lecteur de voyager, même si on passe beaucoup de temps dans le train.

Le début du 20ème siècle est-il votre terrain de jeu favori ?

X.F. : Oui, j’aime bien. Je préfère dessiner des chevaux et des carrioles, plutôt que des voitures, même si j’ai dû en faire quelques-unes dans cet album, avec le flashforward au début des années 90. Ce que j’aime dans ces périodes fin 19ème-début 20ème, c’est qu’il y a eu beaucoup de changements. Ce mélange de traditions anciennes et de modernité est très intéressant, surtout par le fait de pouvoir jouer sur plusieurs tableaux. Avec Pierre (Dubois, NDLR) sur La Légende du Changeling, c’était flagrant car il mélangeait les légendes avec le début de l’ère industrielle. C’est ce choc des cultures que je trouve passionnant.

Comment faites-vous pour que cette horde de gamins ne se ressemblent pas les uns les autres ?

X.F. : Ce n’est pas évident. J’ai un trait un peu caricatural et j’aurais tendance à dessiner toujours le même. Je joue surtout sur la forme des visages. J’avais lu en entier l’histoire et j’ai pris un carnet pour faire des séries de croquis. Au début de l’album, c’était un peu compliqué car on voyait toujours les sept ou huit mêmes et on devait reconnaître chacun d’entre eux. Après, j’ai soufflé un peu avec une deuxième arrivée d’enfants, à peu près trente-cinq, mais qui n’ont pas vraiment de rôle dans l’histoire et que je pouvais donc dessiner comme je le voulais puisqu’on ne les revoyait pas par la suite.

Avez-vous un gamin favori ?

X.F. : J’ai beaucoup de tendresse pour le héros ainsi que pour son petit frère, pour son côté rigolo. Mais mon personnage préféré reste la veuve Goswell.

Mrs Goswell apparaît aussi pieuse que naïve...

X.F. : Elle n’est pas si naïve que ça. C’est un personnage très ambigu qui se sert de cette association et des bonnes œuvres pour exister et se mettre en avant. On se rend compte très vite que ce n’est finalement pas une bonne personne. C’est un peu le même profil que ceux qui voulaient éduquer les indigènes et qui pensaient savoir mieux que quiconque ce dont ils avaient besoin. Ce sont des personnages très intéressants à traiter. J’en ai fait un personnage imposant qui essaie d’avoir une certaine distinction et par sa corpulence, c’est plutôt une matrone. Je joue là-dessus au début de l’album quand elle est confrontée au directeur de l’orphelinat, et on sent que c’est elle qui prend le dessus et le pouvoir sur les enfants.

L'innocence trahie, ça se représente comment ? La cruauté des adultes, comment fait-on pour seulement la suggérer ?

X.F. : En bande dessinée, j’aime beaucoup jouer sur les clichés. J’aime bien quand les méchants sont très méchants et les gentils, très gentils. C’est très intéressant aussi quand on a des personnages un peu ambigus. J’ai un trait très classique, presque enfantin. J’en profite pour y glisser des personnages a priori sympathiques, mais qui se révèlent être un peu plus noirs que ça. Dans cet album, on n’est pas confrontés directement aux caractères des personnages, on est toujours un peu surpris quand on les découvre. Quand j’ai fait lire l’album à mon fils, il m’a dit que son personnage préféré était Harvey. Et j’en suis content, car je sens qu’on l’a pris au piège car Harvey, finalement… Mais je ne peux pas tout dévoiler.

Est-ce une série jeunesse qui s’adresse à tous les publics ?

X.F. : Oui, mon fils l’a lu alors qu’il a dix ans. C’est ma belle-mère qui corrige les fautes d’orthographe et elle a plus de soixante ans. C’est un thème assez violent mais il n’y a pas de sang, pas de sexe. Les voyages dans le temps peuvent peut-être être un peu compliqués à comprendre pour les plus jeunes. Mais sinon l’histoire est attendrissante, les dessins accessibles pour un enfant.

Comment avez-vous travaillé avec votre coloriste ?

X.F. : Je travaille avec Scarlett (Smulkowski, NDLR) sur la plupart de mes albums. Elle me connaît bien et sait ce que j’aime, donc ça va assez vite. On a beaucoup insisté sur les différentes tonalités au niveau des ambiances, que ce soit celle du train ou celle des différentes époques. Elle a beaucoup joué sur les ombrages dans le train.

La découverte de la couverture du second tome est une surprise : elle rompt avec le style de la première pour se concentrer sur un des gamins...

X.F. : Sur la couverture de la première, on joue sur les deux périodes de l’histoire : le personnage que l’on voit de dos est un personnage des années 90 dessiné dans une scène des années 30. C’est exactement l’inverse pour la couverture du tome 2 : un New York contemporain avec un personnage issu du passé.

Où en êtes-vous du deuxième cycle ?

X.F. : Le tome deux est terminé et doit sortir en janvier 2013. Je suis en train de travailler sur un troisième tome qui sera un spin-off et dans lequel on s’intéresse à Lisa et Joey, qui ont été adoptés dans la même ville. Ce sera également un diptyque.

Aura-t-on un jour la fin d'Alban ?

(sourire) J’adorerais mais c’est compliqué. Si un jour je deviens riche, je m’auto-édite et je le fais. Juré. Ou alors, je vais lancer une souscription. Sans rire, le plus compliqué est de trouver un éditeur intéressé. Et puis, mon dessin n’a plus grand-chose à voir avec celui de l’époque. Si je le refais un jour, je le redessine depuis le début. Quand on ne termine pas une histoire, ça reste un échec. Il n’y pas non plus de suite de Miss Endicott de prévu.
Propos recueillis par L. Cirade et L. Gianati

Information sur l'album

Le train des Orphelins
2. Harvey

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