Cher lecteur de BDGest

Vous utilisez « Adblock » ou un autre logiciel qui bloque les zones publicitaires. Ces emplacements publicitaires sont une source de revenus indispensable à l'activité de notre site.

Depuis la création des site bdgest.com et bedetheque.com, nous nous sommes fait une règle de refuser tous les formats publicitaires dits "intrusifs". Notre conviction est qu'une publicité de qualité et bien intégrée dans le design du site sera beaucoup mieux perçue par nos visiteurs.

Pour continuer à apprécier notre contenu tout en gardant une bonne expérience de lecture, nous vous proposons soit :


  • de validez dans votre logiciel Adblock votre acceptation de la visibilité des publicités sur nos sites.
    Depuis la barre des modules vous pouvez désactiver AdBlock pour les domaine "bdgest.com" et "bedetheque.com".

  • d'acquérir une licence BDGest.
    En plus de vous permettre l'accès au logiciel BDGest\' Online pour gérer votre collection de bande dessinées, cette licence vous permet de naviguer sur le site sans aucune publicité.


Merci pour votre compréhension et soutien,
L'équipe BDGest
Titre Fenetre
Contenu Fenetre
Connexion
  • Se souvenir de moi
J'ai oublié mon mot de passe
AD

Marc Lizano entretient la mémoire

Rencontre avec l'auteur de l'Enfant Cachée

Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade Interview 05/04/2012 à 11:02 5497 visiteurs
En sortant deux albums très différents l'un de l'autre, à quelques semaines d'intervalle, Marc Lizano prouve qu'il n'est pas qu'un "auteur jeunesse". Le premier, L'Île aux trente cercueils, devrait raviver de lointains souvenirs aux quadragénaires, scotchés devant la télévision et agrippés au canapé, durant quelques dimanches après-midi en 1979. Le deuxième, L'enfant cachée, écrit avec Loïc Dauvillier, évoque l'enfance d'une petite fille juive, pendant la seconde guerre mondiale. Si on ajoute ses activités d'éditeur, à travers la micro-structure Gargantua, qui a fêté sa première année d'existence, les questions n'ont pas manqué !

Comment se portent les éditions Gargantua, un peu plus d’an après leur création ?

On nous avait promis une sorte de suicide économique, mais la boîte tient plutôt bien la route. On a une vingtaine de livres au catalogue, et vingt-cinq de prévus pour cette année avec une grande majorité de livres illustrés. Il y a très peu de bandes dessinées car le réseau de distribution est spécialisé en littérature jeunesse. Quoiqu’en mai sort un collectif intitulé Rendez l’argent ! sur la finance en général avec dessins de Pétillon, de Ravard, de Nicoby… mélange d’illustrations et de BD. Sortira aussi en juin La légende de Saint-Julien l’Hospitalier, d’après un texte de Flaubert et illustré par René Follet, un très bel album.

Faites-vous partie de cette génération traumatisée par le feuilleton L’Île au trente cercueils ?

Oui, et d’ailleurs, tous les gens qui me contactent sur le site pour me parler de l’album font référence au feuilleton. Certains me demandent même pourquoi je n’ai pas respecté scrupuleusement la série télé. Je n’ai en fait respecté ni la série télé ni le roman, que j’ai découvert plus tard. C’est une adaptation libre, je ne voyais pas l’intérêt de faire du mot à mot. Si je veux vraiment respecter un livre, je le laisse tranquille. Le scénario que j’ai écrit est parti d’un souvenir très nébuleux que j’avais de l’histoire. Je n’ai lu le roman et revu la série qu’après. Je me suis alors rendu compte de ce que j’avais envie de mettre en avant, c’est pourquoi il y a des scènes parfois très dures, surtout en comparant avec les bandes dessinées que je fais habituellement avec des enfants, des scènes assez tendres. Pour le coup, c’était des vieilles dames crucifiées, des gens massacrés dans des barques… J’ai vraiment pu faire le livre que je souhaitais.

Le découpage en plusieurs chapitres respecte-t-il le rythme du feuilleton ?

Non, ni celui du roman. Le grand format du livre m’impressionnait un peu et le découpage en chapitres m’a rassuré. Et puis j’adorais voir des bouquins avec des vieilles pubs, de vieux slogans… Certains n’ont pas très bien compris ma démarche, j’ai même vu un article dans lequel on se demandait si je ne me la racontais pas un peu trop…

Une des scènes mémorables du feuilleton est le duel des jumeaux sur un pont suspendu, scène qui n’apparaît pas dans la bd…

Oui, c’est quelque chose qui m’intéressait moins. Je préférais que la fin soit très brutale, sans duel. De même, Veronique d'Hergemont a, dans le roman original, une histoire d’amour avec le précepteur de son fils que je n’ai pas souhaité mentionner. J’avais vraiment envie de faire un récit centrée sur l’histoire d’amour entre la mère et son fils.

À qui s’adresse L’Enfant Cachée ? Plutôt à un public jeunesse ou adulte ?

Le projet est né d’une question de ma fille : « Papa, c’est quoi une chambre « de » gaz ? ». Elle avait à peu près 5 ans. Elle écoutait les infos par bribes au moment de l’anniversaire de la libération des camps. Je me suis demandé comment répondre à sa question avec des mots simples. C’est un âge où on ne sait pas trop si les grands-parents vivaient encore au moyen-âge ou à l’époque des dinosaures, leur perception du temps et leur culture étant très limitées. L’idée était donc d’écrire un livre pour lui expliquer, pour lui en parler. Moi-même, étant jeune, j’avais une vision tronquée de ce qu’il s’était vraiment passé pendant la guerre. C’est le regard méprisant d’une petite-fille de déportés, me regardant dessiner naïvement des croix gammées qui m’a poussé à me renseigner sur le sujet et à lire des livres comme La mort est mon métier, Au nom de tous les miens… D’autre part, il y a les grosses têtes qui font aussi penser à un album jeunesse. Comme pour La petite famille, nous voulions absolument qu’il y ait un niveau de langage qui soit compréhensible dès le plus jeune âge et un récit très linéaire. Même si dans L’Enfant Cachée, il y a un flashback, mais amené de façon très naturelle, puisque c’est la grand-mère qui raconte une histoire. Je voulais éviter tout sensationnalisme. Il faut faire très attention quand on s’adresse aux enfants. Raconter la shoah froidement peut désespérer un enfant de la vie. Je souhaitais également une histoire universelle, qui appartient à tous, celle de l’idée de la destruction d’une catégorie de la population. Et quand on veut détruire quelqu’un, on commence par lui enlever son nom. Ce ne sont plus des hommes, c’est de la vermine, des rats … On a rencontré ça également chez les Tutsis et les Hutus. Cette déshumanisation rend possible alors des horreurs qui passent à l’échelle industrielle. On a souvent l’impression que les enfants ne comprennent pas les événements, mais ils les ressentent. Par exemple, un enfant sait déjà quand un couple va se séparer, bien avant qu’il ne soit mis au courant. Des enfants qui jouent entendent très bien les conversations des grands à côté… Ils ont leurs propres antennes. Je ne me sentais pas la force de dessiner des camps. Et on a pensé, avec Loïc, que l’idéal pour parler de quelque chose de grave à un enfant était d’évoquer le syndrome de la séparation.
C’est donc avant tout un livre pour enfants… Mais si c’est un bon livre, c’est aussi un livre pour tout le monde.

Comment vous êtes-vous documenté ?

Loïc a rencontré les membres d’une association, l’AJPN ainsi que quelques survivants. Quant à moi, j’ai rendu visite à un couple, les Goldenberg. Ils m’ont d’ailleurs envoyé un mot très touchant après avoir lu l’album. Cela m’a rassuré quant à la pertinence de mes propos. Ce sont des sujets tellement délicats… J’espère aussi que les gens n’y verront pas qu’un livre pédagogique. C’est un récit avant tout humaniste.

L’Enfant Cachée est le genre de bouquins qui suscite beaucoup de questions de la part d’un enfant. D’ailleurs, le mot « résistant » n’est à aucun moment expliqué…

Oui. De même qu’un enfant ne saura pas forcément pourquoi le papa n’est pas revenu, où était la maman, pourquoi est-elle revenue dans cet état-là… Ce sont des choses qui s’apprennent après, avec le cinéma, à l’école… La culture ne s’acquiert pas du jour au lendemain. Les enfants n’ont pas la même lecture que les adultes. Je me rappelle d’une de mes premières dédicaces sur cet album. Il s’agissait d’une petite fille dont l’arrière-grand-père est parti dans les camps à l’âge de 15 ans. Il fut le seul survivant de sa famille. Le livre a été l’occasion pour cette petite fille d’en parler avec sa maman. D’un autre côté, un article de dBD nous avait mis un doute sur le bien-fondé de l’album. Il disait en substance : « Comment une grand-mère peut-elle raconter de telles horreurs à un enfant ? ». On peut tout raconter à des enfants. Le pire, c’est le silence.

Pourtant la grand-mère a gardé le silence très longtemps avec son propre fils…

C’est quelque chose qu’on a appris avec de nombreux témoignages de survivants. Beaucoup sont revenus des camps en état de choc. D’un autre côté, les gens n’avaient pas forcément envie de ressasser tout cela à la fin de la guerre. Beaucoup de personnes se sont donc retrouvées face à un mur, le syndrome du survivant incapable de raconter ce qui s’était passé. C’est donc la génération suivant qui a souvent eu accès à la mémoire.

En parlant de son ancienne maîtresse d’école qui l’a isolée de ses camarades de classe, la grand-mère dit : « Elle ne savait pas ce qu’elle faisait. » Est-ce une certaine forme de pardon ?

L’idée du pardon passe par la reconnaissance d’un état, celui de victime. Et quand les gens se murent dans le silence, ils ne sont pas forcément dans un travail de reconnaissance. La difficulté a été de ne pas rendre le personnage du récit trop emblématique. Quand on lit Maus, Spiegelman y décrit son père comme quelqu’un de terrible mais décrit aussi d’autres survivants qui ont vécu de façon tout à fait différente. Personne n’a la même façon d’appréhender un choc de vie que ce soit une guerre mondiale ou des événements familiaux plus classiques. Quand Loïc décrit la maîtresse, on peut l’imaginer soit comme une antisémite soit comme une fonctionnaire qui ne fait qu’obéir aux ordres. Je pense que certaines personnes savaient très bien ce qu’elles faisaient, dans le pire comme dans le meilleur. Même s’il est très difficile aujourd’hui d’apporter une sentence, de jouer les donneurs de leçons pour une période comme ça.

« Avec ton étoile, on dirait un shérif ! ». Voilà une façon de rendre la chose presque esthétique… Mais connaissait-on déjà l’existence de shérif à cette époque ?

Oui. Il y avait des westerns même s’ils ne passaient qu’au cinéma. Il y avait aussi pas mal de bandes dessinées avec des cow-boys… Je suis assez à l’aise avec ce genre de choses puisque les gens de l’AJPN ont scruté toutes les planches. Ils m’ont, par exemple, demandé d’agrandir la taille des étoiles, ou fait enlever des fruits d’une corbeille où j’avais mis des pommes, des poires, des bananes, des oranges… Les bananes, on n’en voyait déjà pas beaucoup, les oranges, c’était surtout pour Noël.

Dans le dossier de presse, une large place est réservée au coloriste. Voilà quelque chose d’assez rare pour être souligné…

Sur le premier tome de La petite famille, le nom du coloriste n’était pas mentionné. Il a été rajouté pour le deuxième tome et pour la réédition du premier. Que ce soit pour Jean-Jacques Rouger ou pour Greg Salsedo, ils m’ont rendu les planches en meilleur état que celui où je leur ai laissées. D’ailleurs, je suis tout à fait d’accord qu’ils aient aussi des droits, au même titre que les auteurs.
Propos recueillis par L. Gianati et L. Cirade

Information sur l'album

L'enfant cachée

  • Currently 3.68/10
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
  • 6

Note: 3.7/5 (22 votes)