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Basile et sa madeleine

Entretien avec Frédéric Bézian

Propos recueillis par L. Gianati Interview 13/01/2012 à 15:39 5788 visiteurs
Pourquoi un album de Frédéric Bézian est-il toujours un événement ? Est-ce à cause de son trait, reconnaissable au premier coup d’œil ? De ses univers sombres et envoûtants ? De ses décors vertigineux, personnages à part entière ? Un peu de tout cela, certainement, Aller-Retour ne faisant pas exception à la règle. L'auteur fait une fois de plus étalage de ses talents de dessinateur sur un sujet peut-être plus personnel que ses précédentes créations. De là à parler d'autobiographie ? Réponse...

« Une autobiographie déguisée de Bézian ? ». C’est la question posée dans le dossier de presse d’Aller-Retour. Quelle est la réponse du principal intéressé ? (sourire)

Le terme « autobiographie », même « déguisée » n’est au fond pas très adéquat. Certes, 1960 est mon année de naissance, et le village qui est le décor d' Aller-retour est celui de mon enfance. Certes, j’ai parsemé le récit de détails authentiquement vécus, de noms authentiques plus ou moins altérés, et la maison de mon enfance y figure en bonne place. Cela fait autant de « détails autobiographiques », mais le récit achevé tient plutôt du récit « à clés », et de loin, encore… C’est une fiction tissée de réminiscences réordonnées et dont tous les vides entre elles ont été artificiellement comblés. Pour finir, on cherchera vainement une ressemblance physique entre Basile Far et moi.
Au fond, seul l’argument du livre est autobiographique : moult fois j’ai pris le train pour revenir dans ce village, et, à chaque fois, j’ai éprouvé ce sentiment de télescopage passé-présent, beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
J’ose toutefois espérer que ce travail tient debout sans que le lecteur aie besoin de savoir tout ça.

Le lien avec L’Affaire Saint-Fiacre de Georges Simenon a-t-il été dès le départ une évidence ?

Il s’est imposé tout seul. (Je n’aurais jamais cru utiliser une formule-cliché pareille, mais c’est un fait.) Entendons-nous bien : nous parlons du film de Delannoy, pas du livre de Simenon dont il est une assez lointaine adaptation. (Dans le livre, ce n’est même pas Maigret qui mène l’histoire, ni qui résout l’affaire.)
La seule enquête qui fait revenir Maigret dans le village de son enfance, Delannoy et Audiard faisant se dérouler la chose en 1959, les similitudes entre « son » village et le mien, l’arrivée-début en gare, la fin- départ en bus … Avec le besoin que j’avais de me confronter à mon village d’enfance, comment pouvais-je passer à côté de ce film, même s’il n’est pas un chef-d’œuvre en soi?
Un détail : dans le film, Gabin-Maigret dit être parti de son village quarante-et-un ans plus tôt. Je suis parti du mien lors de l’année scolaire 1969-70. Ce qui nous fait…..

Qui est le narrateur ?

Bonne question ! J’avais lu la très intéressante réflexion de Paul Auster (dans Cité de Verre) qui se demandait quel était le narrateur de Don Quichotte, et en déduisait finalement que c’était Sancho Panza. Je trouvais très touchant que Sancho raconte en s’effaçant, par modestie, pour laisser la place à Don Quichotte qu’il vénère, tout en se permettant, sous couvert d’anonymat, de dire ce qu’il pense.
Il est fort probable que le narrateur de Aller-retour soit Basil Far lui-même. J’ose prétendre partager avec lui une particularité : j’écris mieux que je ne parle. Le texte évoque ses contacts difficiles avec autrui, sa parole difficile, en tous cas. Le récit multiplie pourtant des considérations très précises et très circonstanciées. Il faut une insondable intimité pour connaître quelqu’un à ce degré-là. Qui d’autre que lui pourrait expliquer aussi intimement son ressenti, retracer son cheminement de pensée, notamment à propos de la musique, domaine impalpable et personnel s’il en est ?

La Belle Vie, recueil de « tranches de vie », notamment celle d’un petit garçon de cinq ans, a-t-il été un galop d’essai pour l’écriture d’Aller-Retour, un récit très personnel ?

Honnêtement non. Ce livre représentait juste un moyen pour moi de regarder le quotidien, le plus crûment possible. Enfin de la façon la plus crue dont j’étais capable. En l’occurrence, le modèle du petit garçon de cinq ans n’était pas moi, mais mon fils.
Aller-Retour traite de réminiscences. C’est une toute autre confrontation avec le « réel ».

La musique est très présente dans l’album. Est-ce l’une des seules choses qui résiste aux affres du temps, contrairement aux gens et à l’environnement ?

Je ne crois pas. Au contraire, les musiques que j’évoque me semblent très inscrites dans leur temps. (les musiques dites « traditionnelles » sont plus intemporelles, en principe…) La chose se complique si l’on considère que Basile Far (comme tout un chacun) y inscrit le sien. Je veux dire que je peux avoir été marqué par une musique plus ancienne que moi, mais qui, parce que j’aurai fini par me l’approprier, va me « ramener » au moment où elle m’a marqué et fera très intimement partie de ma vie.

D’autant que le photographe prend un malin plaisir à retirer les photos de sa vitrine…


Pas de sadisme de sa part là-dedans. Il fait son boulot. Mais j’entretiens l’ambiguïté : Basile Far en parle comme si des personnes disparaissaient des photos…
Ceci dit, les photos sont des pièges extrêmement séduisants, sur le plan du souvenir. On parle toujours de ceux qu’elles représentent comme s’ils étaient présents derrière une vitre. Ce sont juste des traces de lumières dans lesquelles on veut « tomber ». Quel leurre !

Dans Aller-Retour, comme dans Les Garde-Fous et sa maison high-tech, l’environnement fait partie intégrante de l’histoire, jusqu’à éclipser, parfois, le personnage principal…

Cela dépend de ce qu’on attend d’une narration… Un personnage ne peut pas complètement disparaître au profit de l’environnement, l’un n’allant pas sans l’autre. Tout au plus peut-on faire basculer le rapport de force dans un sens ou dans l’autre.
Dans Playtime de Tati, le personnage de Hulot a moins de présence que dans Mon oncle juste parce qu’il se dilue dans la foule et ne peut plus vivre d’histoire classique. Il se trouve mangé, comme ses contemporains, par un environnement de plus en plus inadapté… À moins que ce décor, créé de toutes pièces, soit précisément conçu pour qu’on se fonde dedans, sans plus d’existence personnelle. Paradoxalement, il y a une bonne dizaine de sosies de Hulot dans Playtime. La notion de sa présence est poétiquement remise en question.
Je suis fasciné par les relations entre des personnages et leur environnement.
Longtemps, j’ai creusé la question en limitant leur univers à des intérieurs, puis des villas, des châteaux isolés, des nids d’aigle (façade sud ensoleillée, façade nord à l’ombre, etc.... Les habitations devenaient des personnages, présentant comme leurs habitants, des côtés visibles et des côtés cachés.) C’est la première fois, avec Aller-Retour que je prends en considération une agglomération entière. Ne serait-ce que sa construction en ronds concentriques en fait quelque chose de spécial. Avec la plaine environnante, ce village a conditionné une bonne part de mon imaginaire graphique depuis mes débuts. Peut-être a t-il fait de moi ce que je suis, peut-être en ai-je fait ce que je voulais…

Sans dévoiler la fin d’Aller-Retour, il y a un petit clin d’œil en direction de Garde-Fous. Est-ce pour tester la vigilance de vos lecteurs (sourire) ou pour créer un fil rouge reliant vos différents albums ?

J’aime l’idée du « fil rouge », depuis longtemps. Créer sa propre planète sur la distance de plusieurs « œuvres » a priori indépendantes. J’en ai envie depuis Les Garde-fous. Créer une homogénéité, une cohérence, des ponts.
Retrouver des membres de la famille Sartoris dans de nombreux romans de Faulkner, par exemple, ou le commissaire Lohmann dans Le testament du docteur Mabuse et dans M.le maudit, c’est une émotion de lecteur ou de spectateur qui me galvanise et m’ouvre des perspectives quand je passe du côté auteur. Un cliché veut qu’un auteur « refait toujours la même œuvre ». Je préfère penser à l’idée d’une seule œuvre dont les strates se découvrent peu à peu, et donnent un sens à l’ensemble après leur lente accumulation. Jean Renoir parle très bien de cet empilement un peu hasardeux avec des sous-tasses devenant presque une métaphore de la Tour de Babel au bout d’un certain nombre !...

Avez-vous définitivement abandonné les univers fantastiques ?

Pour l’instant, oui. Mais je ne me pose pas la question comme ça. Les genres ne m’intéressent que pour les détourner peu ou prou, ou pour les rendre poreux, perméables à différents tons. Il y a une dimension fantastique, dans Aller-Retour. Moins explicite qu’avant, c’est tout. De même, il y a une dimension « polar » dans Les Garde-fous.

Pensez-vous que le désir de se rapprocher du quotidien, du vécu est une question d’âge, de maturité ?

Dans mon cas, oui.

Quels sont vos projets ?

Mon prochain album sera une nouvelle collaboration avec Noël Simsolo (précédemment scénariste de Ne touchez à rien) pour une furieuse adaptation de son délirant feuilleton-radio Docteur Radar
Il y a d’autres scenarii en gestation, du dessin animé, aussi… Mais c’est encore « en cuisine »…
Propos recueillis par L. Gianati

Information sur l'album

Aller-retour

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