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Innocents, (re)levez-vous !

Interview de Laurent Hirn et Luc Brunschwig

Propos recueillis par David Wesel et Laurent Cirade Interview 18/04/2011 à 09:35 4438 visiteurs
À l'heure où Luc Brunschwig et Laurent Hirn s'apprêtent à donner une double suite au Pouvoir des innocents, série majeure s'il en est, il était intéressant de leur poser quelques questions, entre autres, sur la genèse de ce projet. Rencontre avec deux auteurs passionnés et passionnants.



INTERVIEW DE LUC BRUNSCHWIG



Comment aborde-t-on la suite d’une série telle que Le pouvoir des innocents, qui a fortement marqué les esprits ?

Pour commencer, je tiens à rappeler que cette suite a toujours été dans nos projets, qu'il ne s'agit pas d'une idée opportuniste pour faire notre beurre sur la réputation du Pouvoir. Nous l'avons annoncée voici neuf ans, lorsque nous avons mis le mot fin à l'histoire du Pouvoir des innocents. Avant de boucler la série, on s'était amusé à imaginer à quoi ressembleraient les États-Unis avec un trublion gauchiste tel que Jessica Ruppert à la tête de l'une des plus grandes villes de ce pays. Les changements que cette présence improbable nous laissait entrevoir nous avaient beaucoup enthousiasmés, mais un bon contexte ne fait pas nécessairement une bonne histoire. On s'était dit qu'on allait se donner le temps du Sourire du clown pour réfléchir à tout ça. Si on trouvait une histoire intéressante à raconter dans ce contexte, alors, on oserait donner une suite, non pas à l'histoire du Pouvoir des innocents, mais à cette espèce d'uchronie contemporaine, cette "autre" Amérique que nous avions imaginée et qui nous avait permis de parler de façon plus générale du monde contemporain et de ses dérives.

Personnellement, j'ai été tiraillé pendant les neuf années de maturation du récit entre la conviction que c'était une excellente chose de le faire, car les personnages et les idées développés par la série me manquaient énormément, et la crainte que les lecteurs ne partagent pas cet avis. Neuf ans après la fin de la série, beaucoup de gens me parlent encore du Pouvoir comme de la meilleure chose que j'ai faite ou comme d'une série qui les a fait grandir en tant que lecteurs, les faisant passer de la BD jeunesse ou adolescente, à des problématiques plus adultes. On devait être à la hauteur du souvenir que les gens gardaient de la série, ne rien trahir de tout cela, et on croise les doigts en espérant avoir réussi.

Le nombre de pages relativement peu élevé, même s’il ne vous empêche pas, toi et Laurent Hirn, de proposer un récit dense, peut surprendre. Comment avez-vous découpé votre récit ?

Nous avons découpé le récit en chapitres, chacun constituant un morceau de l'histoire et nécessitant un nombre de pages pas nécessairement égal. Celui-ci en fait 34 ; les autres en feront entre 32 et 56. L'important est de donner à chaque chapitre la pagination dont il a besoin pour se développer au mieux, et c'est déjà comme cela que je fonctionnais sur la série Holmes que je réalise avec Cécil. Mais comme tu le fais remarquer, cela n'empêche pas la densité : le format est très grand, on a travaillé la plupart des pages sur quatre strips sans perdre en respiration ni en qualité visuelle, il y a du texte, de la puissance émotionnelle, etc. On aurait pu étaler le même récit sur 46 pages, diluer, ajouter des passages pas forcément utiles en cassant le rythme, mais quel intérêt ? En plus, ce format nous permet de proposer un album de grande qualité en termes de fabrication pour 11 euros, sans que pour autant les gens aient l'impression d'avoir lu moins que dans le cas d'un album classique. C'est formidable de proposer un album moins cher et d'une parfaite tenue, alors que tous les éditeurs augmentent en ce moment les prix de leurs bouquins.

D’une certaine manière, on retrouve l’un des leitmotiv de la collection 32, non ?

Oui, il y a une vraie volonté avec Futuropolis de trouver une façon différente de faire des séries en sortant du cadre des albums classiques. Finalement, le plus grand tort de la collection 32 ("32" pour 32 pages), c'était de vouloir inscrire ces morceaux d'histoires dans des chapitres à pagination fixe. Pourquoi donner un cadre rigide à ce qui a, au contraire, besoin de trouver sa juste respiration ? Là, avec cette nouvelle approche, on obtient toute liberté de création. De plus, chaque changement de chapitre peut permettre un changement de point de vue. On peut casser le rythme narratif, réorganiser la temporalité. Sur un de ces chapitres, il est possible d'évoquer aussi bien un mois de l'histoire que quelques secondes. On en a parlé entre nous, et on s'est rendu compte que ce premier chapitre des Enfants de Jessica se déroulait sur seulement deux heures.

Pourquoi avoir changé d’éditeur, au risque de susciter une certaine confusion ?

Nous n'avons plus de véritables liens avec les éditions Delcourt depuis la fin du Pouvoir des innocents. Quelque chose s'est brisé entre nous, quelque chose qu'il n'était pas possible de réparer. Par contre, nous avons développé une grande complicité depuis près de 15 ans avec Sébastien Gnaedig, le directeur éditorial de Futuropolis. Sébastien comprend et défend notre travail, notre vision de la BD, notre regard d'auteurs depuis toujours (nous l'avons connu chez Delcourt à l'époque du Pouvoir). Il a toujours été l'un des grands défenseurs du Pouvoir des innocents et, aujourd'hui, Les enfants de Jessica est une série dont les thèmes sociaux lui semblent importants (pour ne pas dire "essentiels"). C'est un récit qui correspond à l'engagement qu'il recherche chez ses auteurs. Quitte à poursuivre une aventure aussi essentielle pour Laurent Hirn et moi, nous avons préféré le faire avec lui... même si cela peut nous être, en effet, préjudiciable.

Peut-on envisager une intégrale du Pouvoir chez Delcourt ? Ou la situation est-elle définitivement bloquée ?

Difficile à dire. Je crois qu'il n'y a pas de blocage dans le dialogue, il manque simplement une envie commune face à des projets. Il n'y a donc rien de définitif en ce qui concerne une intégrale, mais pour l'heure, nous n'avons pas engagé de discussion.

Dans quelle mesure la portée politique de l’histoire correspond-elle à tes propres convictions ?

Je dirais que cela correspond à 99,9 % à nos convictions, à Laurent Hirn et à moi. C'est d'ailleurs ce qui fait la force de ma collaboration avec Laurent. Nous partageons depuis 21 ans les mêmes envies d'histoires et le même regard sur le monde, sur ce qui devrait être fait pour améliorer le sort des hommes et ce qui empêche que cela arrive. Je veux bien me faire traiter de naïf gauchiste par les cyniques qui liront ça, mais j'assume : on continue aujourd'hui encore à nous faire croire qu'il n'y a pas d'autre voie possible pour faire tourner le monde que celle du libéralisme, mais ce n'est que de la propagande abêtissante pour protéger d'énormes intérêts qui sont en contradiction absolue avec le bien-être des hommes et de l'humanité.

Es-tu plutôt utopiste, ou au contraire plutôt défaitiste quant à la possibilité de diriger une société, un État, de manière efficace et juste ?

Les deux. Je pense qu'il est politiquement possible d'y arriver, mais je suis convaincu qu'aujourd'hui, tout est tellement verrouillé par les partis, les lobbies, des gens totalement en dehors de la logique humaniste, qu'il est impensable de voir les choses changer à moyen terme.

L’actualité peut-elle influer sur ton histoire, en cours d’écriture ?

Ce qui a toujours été surprenant avec Le pouvoir des innocents et aujourd'hui avec Les enfants de Jessica, c'est que nos histoires ont toujours plus ou moins précédé l'actualité, plutôt qu'elles n'ont surfé dessus. J'ai toujours écrit sur du ressenti, en essayant d'anticiper l'avenir, sans trop lire de livres d'experts ou me soucier de ce qui se passait dans la réalité. J'entrevoyais des choses et, miraculeusement, celles-ci finissaient par prendre sens dans la vraie vie au moment de la sortie des albums. Une des choses les plus incroyables, c'est que dans les derniers jours d'écriture du Pouvoir des innocents, je m'étais attelé à la rédaction d'un faux journal qui devait servir de supplément gratuit au tome 5. Dans ce faux journal, je parlais du "plus grand attentat ayant jamais eu lieu à New York"... et au moment précis où je tapais ces mots, ma femme est entrée dans mon bureau pour me parler d'un truc bizarre qui se passait à la télé. On était le 11 septembre 2001. Dans le même ordre d'idée, les éditions Delcourt avaient prévu de distribuer le 13 septembre 2001 un dossier de presse sur Le pouvoir des innocents qui était titré, en énorme, 'NEW YORK EN ÉTAT DE CHOC". Évidemment, nous avons reculé sa sortie pour ne pas être taxés d'immondes opportunistes.

Maintenant, pour répondre plus précisément à ta question, je dirais que le 11 septembre, en tant qu'événement phare du début du XXIe siècle, nous a presque obligés à imaginer une seconde suite (non prévue au programme sur le moment), car il semblait impensable d'évoquer l'histoire contemporaine des États-Unis et de New York en faisant comme si cet événement n'avait jamais eu lieu, d'autant que de là découle presque la totalité de notre histoire contemporaine.

Le fait de travailler avec Laurent Hirn sur cette suite relève-t-il d’une évidence ? Participe-t-il au scénario ? Comment travaillez-vous ensemble ?

Ha ha ha ! Crois-moi, il n'a jamais été question de travailler sur une suite du Pouvoir des innocents sans Laurent Hirn. C'est même carrément impensable. C'est notre bébé, notre univers, le truc qui a scellé notre entrée dans la BD et notre amitié. Cela fait 21 ans qu'on travaille main dans la main. Laurent dit que j'ai en moi les histoires qu'il a en tête, et, inversement, personne ne comprend mieux que lui ce que j'attends de voir et de ressentir sur ce type de récit. Laurent ne travaille pas directement sur l'élaboration des histoires, mais son regard sur les personnages, leurs évolutions, le contexte politique, est un guide que je ne dois pas trahir.

Sinon, en termes de travail pur, je lui envoie mes idées et on en discute, on crée les personnages ensemble, en partageant nos points de vue sur leur psychologie et leur physique. Je lui envoie ensuite un découpage très précis qu'il met en scène sous forme de story-board. C'est là encore l'occasion d'affiner notre travail en commun, en échangeant nos avis sur les choix d'angles, le jeu des acteurs, les choix de décors. Pour Les enfants de Jessica, on a aussi beaucoup discuté de l'approche graphique de Laurent. Je trouvais qu'il n'avait pas encore donné une expression juste de son talent, qu'il était, d'une certaine façon, toujours sous influence - même lointaine - de grands aînés tels que Boucq et Gibrat, alors qu'au cours des années, j'ai pu voir se développer, en parallèle de nos albums, des recherches graphiques et de mises en couleurs qui correspondaient pleinement et uniquement à Laurent. Sur cette série, il a essayé de s'abandonner davantage à son instinct, à ce qu'il sait faire naturellement, et le résultat est tout simplement... époustouflant de justesse.

As-tu déjà une idée précise de la fin de l’histoire ?

Précise, non... mais je sais vers quoi je vais... De toute façon, toutes mes histoires tentent d'emmener les personnages au bout de leur destin... idem cette fois-ci.

Peux-tu nous parler de Car l’enfer est ici, l’autre suite à venir au Pouvoir des innocents ?

Comme je te le disais, le 11 septembre nous a quasi contraints à inventer un maillon supplémentaire à la chaîne des événements conduisant aux Enfants de Jessica... Nous avions situé Le pouvoir des innocents en 1997 et nous avions décidé de situer Les enfants de Jessica dix ans plus tard, soit en 2007. Qu'est ce qu'on devait faire de l'année 2001 ? On s'est demandé s'il serait intéressant de faire se confronter notre fiction à la réalité, ce que les accusations portées contre Joshua Logan (considéré comme le plus grand terroriste intérieur que les États-Unis aient jamais connu) changeraient dans l'Amérique contemporaine. On voulait voir ce que la présence de Jessica à la tête de New York le 11 septembre changerait dans la façon dont cette journée s'est déroulée, ce que l'existence de cette femme politique très à gauche changerait face à un président très à droite essayant de mettre en place un programme politique et économique en parfaite contradiction avec ce qu'elle tente de faire, elle. C'est notre challenge sur cette série, gérer à la fois la destinée de Joshua et celle de Jessica, en amenant des figures nouvelles que l'on recroisera dans Les enfants de Jessica.

Et pour une fois encore répondre à ta question, il n'était pas question de le faire sans Laurent Hirn. Il réalise l'intégralité des story-boards pour David Nouhaud, qui nous apporte son travail parfait et sensible sur le dessin et la couleur.

As-tu d’autres projets sur le feu ?

Beaucoup, oui. Je suis en train de donner une suite à La mémoire dans les poches, à Holmes, à Lloyd Singer, et je me mets dans les starting-blocks pour accompagner du mieux possible la naissance d'Urban, que je réalise avec cet incroyable garçon appelé Roberto Ricci. Urban est un remake plus sombre, plus adulte, d'une série avortée en 1999 aux Humanoïdes Associés, et qui s'intitulait Urban Games. Je reconnais que je m'étais sérieusement égaré dans les méandres de cette histoire, à laquelle je n'avais pas su donner le ton habituel de mes scénarios. Je crois que c'est maintenant chose faite avec un compagnon de route qui m'a étonné, voire bouleversé, tout au long de la création de cet album. Une vingtaine de dessinateurs ont tenté, au fil des années, de donner corps à ce récit que je traîne amoureusement dans mes cartons depuis près de 25 ans. Elle nécessitait un talent quasi surnaturel dans trois domaines aussi différents que l'architecture, la robotique et l'humanité des personnages. Personne n'avait réussi à gérer ces trois aspects de façon satisfaisante. Roberto l'a fait avec une aisance qui me laisse encore pantois.

Tu as travaillé en tant que ‘script-doctor’ sur certains albums. Cette expérience a-t-elle influencé ta façon de travailler en tant que scénariste ? Si oui, en quoi ?

Objectivement, je ne crois pas. Le script-doctoring, c'est profiter de ses acquis pour porter un regard pertinent et pédagogue sur un travail moins mâture que le sien (je dis cela en toute modestie, puisqu'il s'agit de donner un diagnostic sur des scénarios qui en ont besoin, sinon on ne ferait pas appel à moi). Au contraire, le travail propre (du moins tel que je l'envisage) consiste à se mettre en permanence en danger en abordant des terrains encore vierges pour soi, à repousser sans cesse ses limites, à continuer de s'étonner plutôt que de gérer ses connaissances. Bref, à se retrouver dans des situations dans lesquelles on ne se sent pas à l'aise, malgré toute l'expérience qu'on a pu accumuler.



INTERVIEW DE LAURENT HIRN




Comment aborde-t-on la suite d’une série telle que Le pouvoir des innocents, qui a fortement marqué les esprits ?

Pour ma part, ça s’est fait avec énormément de plaisir. Je retrouvais de vieilles connaissances, une architecture que je connaissais bien, même si dix ans ont passé. De ce côté-là, je me suis senti beaucoup plus à l’aise qu’avec la mise en forme du Sourire du clown, dont le ton, l’environnement, étaient différents et pas forcément très exaltants. Notre challenge était donc ailleurs. Mais reprendre le Pouvoir a été suffisamment réfléchi pour que le fond qu’il suscitait nous paraisse au fil des années de plus en plus difficile à contenir, comme une baignoire qu’on décide de vider sur le papier pour ne pas se noyer dans les regrets.

Comme vous aviez programmé une suite depuis longtemps, quand as-tu commencé à y travailler ?

Après Le sourire du clown, bien évidement, tout en me plongeant en parallèle dans Car l’enfer est ici, l'autre suite que nous donnons au Pouvoir et qui se passe quelques mois à peine après la fin du premier cycle. Pour tout t'avouer, au départ, je voulais réaliser les deux séries en parallèle, car l’idée que Luc développait dans Car l'enfer est ici me séduisait énormément. Mais j’ai dû me rendre à l’évidence : je ne pouvais m’attaquer aux deux en même temps. Pourtant, j’étais assez réticent à l'idée de trouver quelqu’un d'autre pour réaliser cette seconde suite, surtout que l’histoire tournait autour du 11 septembre. J’avais l’impression que je serais frustré si je n’emmenais pas moi-même nos personnages dans cet évenement qui donne fortement à réfléchir.

As-tu eu l’occasion de dessiner régulièrement les personnages du Pouvoir au cours des dix dernières années ?

J’ai eu l’occasion de réaliser des commandes d’illustrations des protagonistes de la série pour les fans, et bien sûr lors des dédicaces où le Pouvoir restait très attractif.

Pourquoi avoir changé d’éditeur, au risque de susciter une certaine confusion ?

Changer d'éditeur fait partie de la vie de tout auteur. Nous sommes avant tout des raconteurs d'histoires et une histoire doit être capable de vivre en dehors d'une étiquette éditoriale. Personne ne s'inquiète quand un éditeur change d'imprimeur (sauf nous, haha !) et, pourtant, c'est chose courante. L'image d'un éditeur se fait sur la qualité des oeuvres qu'il publie et sur lesquelles il s'engage. Non l'inverse.

Dans quelle mesure la portée politique de l’histoire correspond-elle à vos propres convictions ?

Luc et moi sommes de grands optimistes par nature. Nous croyons en l'homme tant qu'il y a une étincelle de révolte et d'espoir qui l'amène à se relever. Ce genre de choses nous bouleversent et nous permettent de penser que tout n'est pas perdu. Dans Les enfants de Jessica, j'espère que nos convictions politiques restent simplement une proposition et non un pamphlet. Nous préférons instaurer un climat de réflexion et montrer que trouver sa place et rester maître de ses choix n'est pas simple.

Êtes-vous plutôt utopiste, ou au contraire plutôt défaitiste quant à la possibilité de diriger une société, un État, de manière efficace et juste ?

Difficile de trancher. Il paraît que tous les hommes naissent égaux, mais il est clair que ce sont surtout les différences qui prévalent. Des différences qui font notre richesse, mais aussi notre malheur. Étrange de vouloir mettre tout le temps tout le monde d'accord quand on a compris ça. Seule la mort peut s'enorgueillir d'y réussir.

Comment travailles-tu avec David Nouhaud pour la réalisation de Car l'enfer est ici ?

Pour ce qui est du travail avec David, je tiens à préciser que Luc a eu un sacré flair en me le suggérant. En plus d'un énorme talent, c'est surtout sa capacité à échanger et à prendre du recul sur son travail qui m'a agréablement surpris. Il est perfectionniste, mais dans le bon sens du terme. Il se pose les bonnes questions. Ses soucis restent avant tout de coller à l'histoire, de capter l'instant et de soigner le jeu des personnages. Il s'est approprié mes créations (Joshua, Xuan-Mai, Jessica, Frazzy...) et nous lui avons laissé le soin de créer une galerie de nouveaux personnages tout en relookant les anciens. Ce qu'il a fait à merveille.

Mon travail sur Car l'enfer est ici consiste à mettre en scène le découpage écrit par Luc. Je travaille sur un petit format pour aller toujours à l'essentiel et avoir une vue globale de la page. Je reste rarement sur un premier jet. Il faut toujours que je réinterprète tel ou tel cadrage pour voir s'il n'y a pas une meilleure option narrative, même si celle-ci est moins spectaculaire. L'essentiel est qu'elle serve au mieux le récit et l'émotion que l'on cherche à transmettre. Ensuite, je remonte le tout sur ordinateur avec les bulles, les textes et un réhaut de gris qui permet de mieux visualiser l'ambiance de la page. Je peux farie jusqu'à deux ou trois propositions de mise en place que j'envoie à Luc et David afin qu'ils aient la possibilité de choisir, ou que nous puissions en discuter si aucune n'est totalement satisfaisante.

C'est la première fois que tu réalises un story-board pour un autre dessinateur ?

Non, je l'avais déjà fait il y a 12 ans sur le premier tome d'Urban Games aux Humanoïdes Associés. Luc me l'avait déjà proposé, car il savait que c'est la partie sur laquelle je prends le plus de plaisir. C'est pour moi la place la plus importante et excitante de mon métier. C'est le moment où l'on règle narration, cadrage, rythme, parti-pris, pour aboutir à un récit d'une parfaite limpidité. En résumé, cela consiste à bien se prendre la tête pour rester le plus simple possible (et avec Luc, les occasions ne manquent pas).

Il n’y a pas que l’éditeur qui change, le style de la couverture de cette nouvelle nouvelle série n’a rien à voir avec celles du Pouvoir : comment abordes-tu cet exercice ?

La couverture est l'élément visuel le plus important du produit. Pour un auteur, ça peut être un bonheur à réaliser comme ça peut être un cauchemar. C'est pour cela que j'essaie toujours de réaliser la couverture le plus tôt possible. Pour Les enfants de Jessica, je me suis amusé à la traiter en pleine couleur, directement sur ma tablette graphique. Au départ, j'avais pensé la faire aux encres, mais je venais de rentrer cette nouvelle tablette et je me suis amusé à faire un essai dessus. Le résultat a plu et nous avons décidé de le garder tel quel. Didier Gonord (l'homme qui a créé l'identité graphique de Futuropolis) et son talent ont mis la touche finale au résultat.

L’identité d’une collection ou d’un éditeur “pèse”-t-elle sur la conception d’une couverture ?

Oui et non. En fait, je ne me suis pas posé la question dans ce sens. J'ai avant tout pensé à me faire plaisir et à proposer une couverture visuellement forte. La touche Futuropolis, je la laisse à Didier. Je pense que l'identité visuelle d'un éditeur repose essentiellement sur son maquettiste, et non sur les auteurs.



Deux projets de couvertures



Propos recueillis par David Wesel et Laurent Cirade

Information sur l'album

Le pouvoir des Innocents (Cycle III - Les enfants de Jessica)
1. Le discours

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