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Flopi passera-t-il l'hiver ?

Entretien avec Guillaume Bouzard

Propos recueillis par Thierry Pinet et Fabrice Mayaud Interview 12/11/2009 à 15:30 2938 visiteurs
Depuis Les pauvres types de l'espace et La nuit du canard garou, Guillaume Bouzard a fait du chemin. Sans pour autant délaisser son humour dérisoire inimitable, à mi-chemin entre les Nuls et les Monthy Python, son The autobiography of a mitroll joue dans la cour des grands en visitant les sombres sentiers de traverse que peut parfois offrir la vie. A l'heure où Raymon Domenech connaît les affres de la critique, que seul un génial sélectionneur incompris peut entrevoir, paraît le deuxième tome de ce diptyque qui éclaire les longères bretonnes d'une aura apaisante. C'est le temps de l'inventaire et des pronostics !

Votre actualité tourne autour du tome 2 de The autobiography of a mitroll qui sort ces jours-ci. L’accouchement s’est-il bien passé ?
L’accouchement s’est bien passé, c’est l’après qui a été difficile. J’étais à la bourre, donc j’ai travaillé un peu comme un forcené durant l’été et j’en suis sorti complètement à plat. Là, je recommence à retravailler et à souffler un petit peu.

Il y avait une pression particulière à travailler avec un éditeur comme Dargaud ?
Non. J’avais déjà travaillé avec eux sur Football, football et sur le premier tome. La seule contrainte c’est le temps. Quand on bosse pour une grosse maison d’édition ils sont plus serrés sur le délai.

Le passage à la couleur correspond à votre arrivée chez Dargaud. C’était une volonté de l’éditeur ou pour répondre à une attente du public ?
Mes albums chez Dargaud s’inscrivent dans la collection Poisson pilote qui est en couleur. C’est vrai que j’ai toujours travaillé en N&B et cela me convenait parfaitement. Mais quand tu rentres dans une collection comme celle-là, je pense que c’est effectivement mieux pour le lecteur, pour la découverte de mon travail, de coller à la ligne éditoriale. Cela m’ouvre à un autre public. Lorsque je travaille avec Les requins marteaux, c’est plus confidentiel. Donc ce n’est pas un choix de ma part, c’est l’éditeur, c’est comme ça. Et comme moi je ne suis pas un cador en couleur et que cela ne m’amuse pas plus que ça, j’ai branché un copain de Poitiers qui s’appelle Philippe Ory et qui fait ça très bien.

A la fin du tome 1 vous offrez une suite assez ouverte. Est-ce que l’on va passer complètement dans tout autre chose ?
Le tome 2 clôt l’histoire et on arrive chez les trolls, dans un truc tout à fait spécial. Je ne suis pas un baratineur.

Comment est venue cette idée de troll ?
C’est une histoire de jeu de mots tout simplement. Chez Les requins marteaux je faisais The autobiography of me too, of me too two, of me two free et puis j’avais envie de faire une histoire avec des trolls. « Oh, bin tiens ! Of me troll ! Me troll, mitroll, moitié de troll ! » Et puis voilà, je suis parti là-dessus. Il n’y avait rien de purement réfléchi avant ça.

C’est du titre qu’est venue l’idée de garder les personnages de The autobiography of me too ?
Du coup, oui. Je voulais aussi marquer mon passage des Requins Marteaux à une structure plus grosse en gardant cette continuité dans mon travail. Cela me permettait, avec ce cadrage en gaufrier, les titres en anglais et puis les personnages de faire une suite logique à mon travail. Pour moi c’est un peu la même chose, sauf que l’on travaille avec une grosse maison d’édition.

Ca veut dire qu’aujourd’hui la collaboration avec d’autres éditeurs plus confidentiels s’arrête, ou est-ce que cela va continuer en parallèle ?
Oui, cela continue en parallèle. Le seul problème c’est que j’ai de plus en plus de travail, j’ai donc du mal à fournir pour tous. J’ai des projets chez 6 pieds sous terre et chez Les requins marteaux, mais c’est vrai que je n’ai pas le temps de m’y mettre. Mais cela reste des gens avec qui je vais continuer à travailler dès que je le pourrai. C’est juste que maintenant on me demande beaucoup de choses et comme je ne suis pas un foudre de guerre, c’est dur.

Et votre mère, elle a bien apprécié l’introduction du tome 1 ?
Pas spécialement non. Déjà, elle n’est pas une grande lectrice de bande dessinée mais elle s’était mise depuis quelques temps à lire mes trucs. Quand je lui ai donné le premier tome, je n’ai pas eu de nouvelles pendant une semaine, donc je l’ai appelée et je lui ai demandé :
Guillaume Bouzard : « Alors tu l’as pas lu ? »
Sa maman : « Si, si je l’ai lu. »
Guillaume Bouzard : « Et ça t’a plu ? »
Sa maman : « Je ne l’ai pas lu jusqu’au bout. Je n’ai pas trouvé ça drôle. Cela ne m’a pas fait rire de me voir morte. »
Guillaume Bouzard : « T’as vu, j’ai quand même mis : A ma maman. »
Et là ma maman a eu ce mot formidable : « Oui, bin, c’est pas écrit bien gros ! » (rires)
Voilà, fin de l’histoire. Je ne suis pas sûr qu’elle le lise entièrement du coup.

Et votre compagne, apprécie-t-elle ce rôle de faire valoir ?
Oui, ça va. Depuis le temps que je la mets en scène… C’est ma première lectrice en fait. C’est elle qui corrige mes scénarios. Je lui fais lire à chaque fois et je regarde son visage. Je vois tout de suite si cela cloche ou pas. C’est super parce qu’elle n’est pas comme quelqu’un qui n’oserait pas me dire les choses. Elle me dit ce qui ne marche pas, ce qui n’est pas drôle. Elle est bien dans son rôle. Dans The autobiography of me too, elle est plus effacée, elle est là pour montrer que je suis un gros débile. Alors que dans Autobiography of mitroll, l’histoire est plus dure, surtout le début, dans une situation comme celle là, la compagne étant là pour accompagner, elle a une présence plus forte.

Flopi existe en vrai ?
Flopi existe en vrai. La vraie histoire, c’est que c’est un chien que l’on a récupéré. Là, malheureusement, il commence à tirer à sa fin. Il a l’arrière train qui marche de côté, il commence à devenir un peu aveugle et à moitié sourd. Je ne sais pas s’il va passer l’hiver.

Et il a bien pris le tome 1, lui ?
Lui ça va. Une gamelle de croquettes et une brouette et ça va.

Pourquoi avoir porté ce récit en Bretagne au sein de ce peuple mystérieux ?
Parce que pour moi, les trolls, c’est en Bretagne et nulle part ailleurs. Ou à la limite en pays Gallois ou en Ecosse. Donc la Bretagne, c’est bien. Au départ je voulais aller plus loin, j’avais trouvé un petit village dans le coin qui s’appelle Ker Bouzar. C’est un petit hameau, je me suis dit que j’allais faire quelque chose avec ça et puis c’est passé.

Le tome 2 clôt donc l’histoire. Il y aura une suite ?
Pour l’instant, je ne sais pas trop. Je serais plutôt partant pour faire autre chose parce que ce personnage avec Flopi je l’ai bien utilisé. Donc là, je vais peut-être laisser reposer un petit peu mais j’avoue que je ne sais pas trop encore. Ça vient comme ça, je ne réfléchis pas spécialement. Là, je suis sur Football, football 2 qui va sortir avant la coupe du monde 2010. Chez Fluide, je voudrais sortir Méga-bras assez rapidement. Et je suis en contact avec Spirou pour essayer de faire des histoires destinées aux gamins.

Donc, le Football, football 2 sortira avant la coupe du monde cette fois ?
Oui, je vais essayer de ne pas me rater cette fois et pas faire ça avant la coupe du monde de rugby.

Et le tirage dépendra de la présence ou de l’absence en phase finale de l’équipe de France ?
Ça je ne sais pas. J’espère qu’ils vont quand même se qualifier. Pour moi cela serait mieux qu’ils se qualifient. Je ne sais pas si je vais faire des strips cette année, cela se décide au dernier moment. Mais c’est vrai que c’est mieux quand il y a l’équipe de France, il y a une vraie histoire qui passionne les gens.

Et puis Domenech est un personnage qui donne de la matière…
Oui, je me le suis bien approprié. J’aime bien ce gars… Dans mes bd du moins.

Un pronostic pour les matchs de barrage ?
Je pense que cela va être dur en Irlande. Je vois bien le gros match nul qui pue, voire même une défaite. Et puis après, chez nous, on va gagner. Voilà, si on perd 1-0 là-bas, on va gagner 2-0 ici. Et on se qualifiera. Je sais que jouer chez les irlandais c’est raide, il y a le public qui pousse. Je pense que cela va être dur, mais bon, Benzema est dans de bonnes conditions.

Pour revenir à la bande dessinée, la réédition des Pauvres types de l’espace en 2005, qui est une histoire inachevée, est-elle un prémice à une éventuelle suite ?
Disons qu’à la base cet album ne devait pas être un album. On l’a fait avec Pierre Druilhe pour le fun, pour continuer à dessiner pendant les vacances et puis cela a été publié parce que 6 pieds sous terre s’y était intéressé. Quelques temps après, on a fait La saison des pommes avec Pierre, on avait décidé de continuer le truc, mais on n’avait plus la moelle pour faire ça. Donc ça s’est arrêté, déjà parce que l’histoire nous plaisait moins et puis parce que l’on était plus dedans. Je n’étais pas spécialement pour mettre ça dans l’album parce que cela a un intérêt moyen. Mais bon, comme ils le republiaient, cela permettait de montrer des planches qui n’avaient pas été éditées. Mais non, il n’y aura pas de suite.

Et Plageman, c’est fini ?
Plageman c’est fini aussi. C’était une époque où j’étais sur les plages à vendre des beignets, donc c’est fini. Je serais mal si je devais recommencer à vendre des chichis sur la plage, cela voudrait dire que cela ne marche plus beaucoup pour moi dans la bande dessinée.

La musique est très présente dans vos albums. C’est une composante importante dans votre travail ?
J’ai un parcours musical un peu bizarre. J’ai écouté plein de choses différentes. Des trucs assez babos à la fin des années 70, après j’ai découvert le punk rock. Ça a été une grosse claque pour moi. Et puis c’est vrai que j’écoute beaucoup de choses chez moi, c’est tout et n’importe quoi. Il y a des groupes que j’aime bien : les Ramones, Motorhead, parce que c’est un peu fun, c’est un peu rigolo mais je n’écoute pas ça toute la journée. Il y a des groupes qui fonctionnent toujours bien, comme Eels par exemple. Sinon j’écoute toujours les Wampas. Je suis aussi un grand fan de Gérard Manset contrairement à ce que l’on pourrait penser. En style c’est complètement différent mais j’ai ma période Manset une fois tous les deux/trois mois où j’écoute ça pendant une semaine. Ça me ressource. Sinon en ce moment j’écoute l’album Roots de Sepultura.

Jello Biafra, c’est pour ressortir les vieux démons du début des années 80 ?
Jello Biafra, c’est les Dead Kennedys effectivement. Et puis il a joué avec les Melvins. Les Melvins, c’est plus les années 90/2000. Sinon je n’achète pas énormément de disques, pour tout avouer je chine beaucoup, donc c’est pour cela que j’ai des goûts musicaux un peu décalés dans le temps. Je suis plus amoureux du vinyl. Le CD me cause moins.

Et pour les séances de travail, la musique est présente ? C’est selon l’ambiance du moment ?
Oui. Des fois je me fais du France Gall première époque en vinyl, cela me fait pétiller les oreilles et je peux écouter les Melvins derrière. Dans la voiture en venant j'avais une compil de Stewie Wonder, auquel Mickael Jackson a tout piqué. Je ne suis pas super fan, mais dans la voiture ça passait bien.

Qu’est ce que le festival de St Malo exprime pour toi ?
Rien, c’est la première fois que je viens. Je découvre le site qui laisse pantois. Et puis on m’en a dit le plus grand bien.

Et les festivals en général ?
J’aime bien les petits festivals. C’est vrai que je ne suis pas trop à l’aise dans les gros festivals parce qu’il y a beaucoup de monde, on a du mal à rencontrer les organisateurs, ce qui doit les frustrer d’ailleurs. C’est ça qui me gène un petit peu mais j’aime bien les festivals. J’aime bien les séances de dédicace en général parce qu’il y a un rapport direct avec les lecteurs, donc je sais ce qu’ils pensent et comme en général les gens qui n’aiment pas mes albums ne viennent pas, c’est tout bénef. C’est vrai que c’est bon pour la gloriole, pour l’égo. Ca fait du bien.
Propos recueillis par Thierry Pinet et Fabrice Mayaud

Information sur l'album

The autobiography of a Mitroll
2. Is dad a troll ?

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