Dimitri Planchon : Blaise est né il y a quelques années sous forme de strips dans Fluide Glacial. La série s'appelait alors « Pendant ce temps là... ». Dans un premier temps, les scénarios étaient très liés à l'actualité immédiate. Mais je me suis vite rendu compte que cela n'avait pas vraiment de sens dans un mensuel et la série a évolué vers une peinture plus générale et moins ponctuelle de la société. Au début je ne pensais pas du tout en faire un album mais je me suis attaché à ce personnage et j'ai eu envie de lui composer un univers cohérent (ce qui n'était pas forcément le cas dans cet exercice d'improvisation mensuel). J'ai réuni la matière que j'avais déjà. J'ai trié, j'en ai enlevé pas mal, j'en ai réécrit la plupart, j'ai tout repris graphiquement et j'en a fait beaucoup de nouveaux. Je voulais vraiment que ce livre soit cohérent et ne soit pas juste une compile ou une juxtaposition d'histoires prépubliées.
Blaise inaugure la collection Mille feuilles, quel en est le cadre, les contraintes ?
Glénat m'a donné beaucoup de liberté. J'ai pu choisir le format, le nombre de pages... Les livres de la collection Mille feuilles seront je crois assez différents les uns des autres. Ils seront réunis par le choix des auteurs et l'esprit de l'ensemble et non par une charte graphique imposée.
Blaise, personnage titre, est paradoxalement assez en retrait, quel rôle tient-il ?
Blaise apparait effectivement moins que ses parents. Mais même lorsqu'il n'est pas là, tout ce que l'on voit c'est son univers, son milieu, son éducation... Le bouquin porte son nom parce que cet enfant est le réceptacle encore vide de toute cette société.
Si je vous dis que le faciès de Blaise peut faire penser à l’inquiet Henry Spencer d’Eraserhead, qu’en dites-vous ?
Je n'y avais pas pensé... Mais c'est peut-être inconscient.
Les autres personnages sont des caricatures de caricatures, vous vous êtes fait plaisir à forcer le trait ?
Je force aussi le trait des personnages pour aller chercher le comique, parce que les situations sont elles assez réalistes.
Comment « la personnalité préférée des français » s’est-elle imposée dans ce projet ?
Le personnage de Dabi Doubane est d'abord né d'une histoire en quatre planches parue dans Fluide Glacial. Il s'agit d'un sportif « au grand cœur », la personnalité préférée des français, qui en fait entretient un rapport assez étrange avec son image et avec l'argent.... Il m'a semblé clair qu'il avait un lien avec le monde de Blaise. Il en est l'icône et le héros médiatique.
L’aspect graphique très spécifique de votre album entretient un sacré flou quant à l’époque à laquelle se déroule l’action. Blaise, c’est un récit de la fin du 21ème siècle au sens large ?
Je ne voulais pas trop le dater. J'aime bien ce coté intemporel. Est-ce la société d'aujourd'hui, d'hier ou celle de demain?
Mise en place du décor, conception des personnages, travail sur les visages, expliquez-nous l’élaboration de vos cases ?
Disons que je travaille en photomontage sur ordinateur. Je créais des décors à partir de pleins d'éléments photographiques. De même pour les personnages. Ensuite je fais vivre ces personnages dans ces décors. Je retravaille leur position du corps, l'expression de leur visage, leurs ombres... C'est un travail assez laborieux.
Vos cases sont truffées de détails visuels forts amusants... Vous arrive-t-il d’être pris de fou rire lors d’une bonne trouvaille ?
Heureusement. Je suis mon premier lecteur et si un gag ne me fait pas marrer moi-même, je le laisse tomber.
Où placeriez-vous votre curseur entre humour et message subliminal ?
J'essaie que l'humour ne soit pas complètement gratuit et qu'il y ait une petite réflexion derrière. Ceci dit, dans Blaise l'humour prime toujours sur le message. Ma priorité était que la page soit drôle. Si je voulais faire passer une idée qui m'étais chère mais que je n'arrivais pas à en trouver l'angle humoristique, je la laissais tomber.
Quels sont vos maîtres à penser ?
Ah ! Ni Dieu, ni maitre...
Avez-vous envie de poursuivre un bout de chemin avec Blaise ou vous dirigez-vous vers d’autres cieux ?
Je commence effectivement à travailler sur la suite de Blaise. Mais ce deuxième volume sera assez différent. Vous verrez !
Si vous deviez nous conseiller un album de BD, ce serait ?
C'est loin d'être une nouveauté, mais je l'ai relu il n'y a pas longtemps: « Ada dans la jungle » de Altan. Il arrive à mélanger de façon délirante l'aventure au premier degré, avec la satire. C'est vraiment très drôle. Sinon, il y a aussi le « Six cent soixante-seize apparitions de Killoffer », tellement beau... C'est les deux qui me viennent maintenant à l'esprit, mais si vous m'aviez posé la question hier, je vous en aurais probablement dit d'autres...
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