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Thierry Plus, Dog et moi

Propos recueillis au festival de St Malo par L. Gianati et L. Cirade News 11/01/2009 à 12:33 2909 visiteurs
A l'époque de l'entretien, à l'occasion de Quai des Bulles 2008 à St Malo, Thierry Plus était l'auteur d'un album qui nous avait tapé dans l'oeil. Aujourd'hui, à l'heure où cet échange est publié, au moins une chose a changé : Dog et moi a été élu Meilleur premier album 2008 par les lecteurs de bdgest.com. Félicitations, Mr Plus !

D’où vous est venue l’idée de raconter l’histoire d’un homme qui souhaite s’éloigner de ce qui pouvait éventuellement le retenir chez lui, en France, et de ce road movie en pays inconnu, parsemé de rencontres ?

Ce n’est pas une histoire que j’avais en tête et que j’avais envie d’écrire. Cela fait 15 ans que je dessine en tant que graphiste et je n’étais pas considéré comme un auteur BD, encore moins comme un scénariste. J’ai décidé de m’y mettre en voyant certains amis aux Art Décoratifs de Strasbourg qui se lançaient dans l’aventure. A ce moment-là, je rentrais d’un voyage à Tahiti, où j'ai passé un an. De retour en France, j’étais sans travail et avais envie d’un nouveau projet. Je me suis dit : « Pourquoi pas faire une BD ? ». J’ai mis à plat tout ce que j’aime en matière de lecture, mais surtout dans le domaine cinématographique. J’avais envie d’un road movie ou d’une road story, de dessiner des voitures, des bateaux, des paysages de montagnes. J’ai mis tous ces ingrédients bout à bout et constitué le récit à partir de ça. L’histoire s’est construite au fur et à mesure. J’ai vraiment voulu écrire un scénario avant de toucher au crayon. J’ai fait l’effort de me mettre dans la peau d’un scénariste.

La partie graphique vous a donc donné moins de mal que la partie scénaristique ?

Je me suis aperçu en cours de réalisation que la partie graphique était quand même un souci. L’illustration en elle-même ne me posait pas de problème. Mais une bande dessinée ne se résume pas à une suite d’illustrations. J’y suis allé la fleur au fusil et heureusement que l’équipe de Bayou, dont Sfar, m’a donné de bons conseils. Maintenant, il est vrai que le jour de la parution, j’ai eu plus peur de me prendre une claque sur la qualité de mon scénario plutôt que sur celle de mon dessin. Un dessin, on l’aime ou pas. Tandis qu’un scénario est, pour moi, plus critiquable.

Comment s’est passée la collaboration avec Joann Sfar ?

J’habite dans l’Aude, à côté de Carcassonne. On ne s’est donc pas vus souvent. Une fois pour parler de mon projet, une autre fois pour la signature du contrat. Le reste s’est fait par mails. Dès le projet, il a pointé du doigt tous mes tics ainsi que les erreurs que j’avais pu commettre. Il m’a dit : « Les erreurs que tu fais sont des erreurs de débutant. J’ai fait les mêmes que toi. Je vais te faire gagner du temps. »

Vous êtes-vous rendu en Amérique du Sud pour y effectuer des repérages ?

Je n’y ai jamais mis les pieds. Dog et Moi représente une vision caricaturale assumée de l’Amérique du Sud, avec de nombreux codes et clichés. Ce sont des fantasmes du cinéma américain. Il n’y a pas, dans le récit, de pays clairement identifiables. Le début pourrait ressembler un peu au Mexique. On part ensuite dans des hauts plateaux, comme au Pérou. Puis un passage en Amazonie qui pourrait évoquer le Brésil. Les villes ressemblent quant à elles plus à des cités cubaines que péruviennes. L’album n’est donc absolument pas un documentaire.

Le thème de la relation père-fils est très présent. Peut-on imaginer que le père a suivi à distance le parcours de son fils en jugeant, qu’à un moment donné, il était temps de croiser leur route ?

C’est probable mais ce n’est pas dans la BD. C’est une question en suspend que je pourrais évoquer si j’en viens, un jour, à développer ces deux personnages.

Comment réagissez-vous face aux lecteurs qui se mettent à broder sur les intentions de l’auteur ou qui confrontent ensemble leurs propres interprétations ?

C’est inévitable. A partir du moment où le livre est en librairie, il ne vous appartient plus vraiment.

Préférez-vous les lecteurs qui imaginent l’histoire telle que l’auteur l’a conçue ou ceux qui peuvent éventuellement avoir une interprétation différente ?

Ce qui est important est d’arriver à cerner si vous n’avez pas envoyé le lecteur sur une fausse idée. Si dans les débats que je peux avoir avec les lecteurs, quelqu’un me dit que les personnages ont évolué pendant l’album, je suis plutôt satisfait du travail que j’ai effectué. Par contre, sur les possibles interprétations du scénario, je n’ai rien à dire.

Comment travaillez-vous sur les couleurs ?

Sur Photoshop.
J’aime le noir et blanc, la beauté du contraste entre la lumière et l’ombre. Je voulais faire de la couleur mais avec la force d’un noir et blanc. J’avais déjà expérimenté ça dans mon métier de graphiste en recolorisant des photos, un peu à la manière des vieux films en noir et blanc qui prennent une texture et une chaleur intéressantes. Je voulais également le coup de pinceau. A ce titre, la colorisation numérique est implacable, surtout en matière de dégradés qui donnent en général de mauvais résultats. L’idée a donc été de faire mon original en noir et blanc en y posant mes effets d’ombres et de lumières et de le coloriser ensuite en gardant en transparence tous les effets de peinture. J’aurais pu le faire directement en couleurs directes mais j’aurais perdu du confort et de la précision et aussi subi la peur de se planter pour un premier album. Contrairement à ce qu’on peut penser, je pense avoir mis plus de temps à travailler sur ordinateur que traditionnellement.

Des projets en tête ?

Oui, un projet dans la même veine que Dog et Moi mais basé un peu plus sur mon expérience et sur ce que j’ai pu vivre à Tahiti.

Comment considérez-vous le festival de Saint-Malo par rapport aux autres festivals ?

Je ne suis pas un spécialiste des festivals de bande dessinée. Je n’avais jamais mis les pieds à Saint-Malo. Depuis que je me suis mis à la BD, j’ai voulu rattraper mon retard en matière de lectures puisque je n’en lisais plus depuis l’âge de 20 ans. J'en étais resté à Tardi, Pratt, Muñoz… Quand j’ai signé chez Bayou, je n’avais rien lu ni de Sfar, ni de Trondheim…Je n’étais donc pas du tout un festivalier sauf quand j’y suis allé pour montrer mon projet.


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Propos recueillis au festival de St Malo par L. Gianati et L. Cirade